Un départ, précipité, à quinze ans, d'un pays du Proche-Orient, pour échapper à la guerre, à l'oppression, à la mort. Une route, jusqu'à la mer, et sur la mer, jusqu'à l'Italie, emplie de violence, de déshumanisation, qui fait se sentir
animal plus qu'homme? Un espoir vite douché de renouveau à l'arrivée en Europe, et en France, où une autre déshumanisation, une autre peur, s'installe... jusqu'à quand ?
Cette histoire, et c'est la raison pour laquelle le pays reste non nommé, de même que le narrateur qui, bien que s'exprimant à la première personne, ne livrera son nom que très loin dans le récit, c'est celle des nombreuses migrations humaines qui ont cours, qui concernent la plupart du temps des adultes, souvent également des familles, mais parfois des mineurs isolés.
Avec beaucoup de crudité, qui est une nécessité, pour décrire l'horreur de ces migrations - physique, psychique... -, mais aussi avec beaucoup de sensibilité, pour décrire ce que peut ressentir celui qui les vit, au plus profond de son être, de son identité, qui a bien du mal à rester entière face à tous les traumatismes subis,
Cécile Alix nous livre un roman d'une grande force, qui frappe, qui bouscule, qui touche, forcément, sans non plus faire dans le pathos, bien au contraire, qui indigne, et qui peut vraiment faire prendre conscience aux jeunes lecteurs - enfin, pas trop jeunes non plus, la plume est riche et certaines scènes rudes - de ce qu'est la réalité de cette situation.
Ce qui m'a malgré tout posé souci, - mais c'est parce que je suis une éternelle pessimiste, malheureusement de plus en plus désabusée au fil des évolutions politiques et sociétales -, c'est le tour que prend le récit dans la troisième partie, particulièrement optimiste, peut-être trop, pour être suffisamment en phase avec la réalité - qu'est-ce que j'aimerais, pourtant, que cela soit toujours ainsi...-. Cependant, le dénouement rebat avec intérêt les cartes de ce tour, rendant la fin du roman un peu plus nuancée.
Une lecture marquante, et qui marquera sûrement celles et ceux de mes élèves qui auraient l'envie de découvrir ce roman.