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Citations sur La maison aux esprits (163)

Aux yeux d'Alba qui avait vécu jusque-là sans jamais entendre parler de péchés ni de bonnes manières de jeune fille bien élevée, qui méconnaissait la frontière entre l'humain et le divin, le possible et l'impossible, qui voyait un de ses oncles traverser tout nu les couloirs avec ses cabrioles de karateka et l'autre enseveli sous sa montagne de livres, son grand-père acharné à briser à coups de canne les téléphones et les pots de fleur de la terrasse, sa grand-mère s'employer à faire remuer le guéridon en jouant du Chopin sans même ouvrir le piano, la routine du collègue ne pouvait que paraître insupportable.
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Elle récusa de même la recette de la nounou consistant à lui donner du lait de vache allongée d'eau de riz, car elle décréta que si la Nature avait voulu que les êtres humains fussent ainsi élevés, elle se fût débrouillée pour que les seins des femmes sécrétassent cette sorte de mixture. Clara n'arrêtait pas de parler à la petite fille, sans user de petit nègre ni de diminutifs, en espagnol châtié, comme si elle avait dialogué avec une adulte, de la même façon raisonnable et pondérée dont elle s'adressait aux bêtes et aux plantes, persuadée que s'il n'y avait pas eu à se plaindre du résultat avec la faune et la flore, il n'y avait pas de raison de penser que cela fût moins indiqué pour sa petite fille. Cette combinaison de lait maternel et de conversation eut la vertu de transformer Blanca en petite fille saine et presque belle qui n'avait plus rien à voir avec le tatou qu'elle avait été en venant au monde.
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Elle ne croyait pas que le monde fut une vallée de larmes, mais au contraire une façade du bon Dieu, si bien qu'il fallait être le dernier des idiots pour la prendre au sérieux, quand lui-même s'en gardait bien.
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Elle emmenait désormais Blanca dans ses visites aux pauvres, chargée de cadeaux de consolation.
- Cela nous aide à avoir bonne conscience, expliquait-elle à Blanca. Mais cela n'aide en rien les pauvres. Ce n'est pas de charité qu'ils ont besoin mais de justice.
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Severo del Valle était athée et maçon, mais il avait des ambitions politiques et ne pouvait se payer le luxe de manquer la messe la plus fréquentée, dimanches et jours fériés, afin que tous pussent le voir. Son épouse Nivea préférait s’entendre avec Dieu sans intermédiaires, elle nourrissait une profonde méfiance à l’égard des soutanes et bâillait aux descriptions du ciel, du purgatoire et de l’enfer, mais elle faisait escorte aux ambitions parlementaires de son mari dans l’espoir que, s’il venait à occuper un siège au Congrès, elle pourrait obtenir le vote des femmes pour lequel elle luttait depuis plus de dix ans sans que ses nombreuses grossesses fussent parvenues à la démoraliser.
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Le teint de sa peau aux doux reflets bleutés, comme le ton de sa chevelure, la lenteur de ses gestes et son caractère taciturne évoquaient un habitant de l’onde. Elle avait quelque chose du poisson et si elle avait été dotée d’une queue écaillée, c’eût été manifestement une sirène, mais ses deux jambes la campaient sur une frontière imprécise entre la créature humaine et l’être mythologique. Malgré tout, la jeune fille avait mené une vie presque normale, elle avait un fiancé et se marierait un jour ou l’autre, à la suite de quoi la prise en charge de sa beauté passerait en d’autres mains. Rosa inclina la tête et un rayon filtra par les vitraux gothiques de l’église, entourant d’un halo son profil.
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Par cette correspondance que Nivea violait de façon régulière, elle apprit les vicissitudes du métier de mineur, toujours sous la menace d’éboulements, suivant des galeries glissantes, tirant des traites sur la bonne fortune, escomptant que finirait par apparaître un filon d’or miraculeux qui lui permettrait de faire rapidement fortune et de revenir conduire Rosa par un bras jusqu’à l’autel, se transformant alors en l’homme le plus heureux de tout l’univers, ainsi qu’il ne cessait de le dire au bas de ses lettres.
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"L’enfant comptait pour lui plus que ne l’avaient jamais fait ses propres fils. Chaque matin elle se rendait en pyjama dans la chambre de son grand-père, elle entrait sans frapper et se glissait dans son lit. Il feignait de se réveiller en sursaut, alors qu’en réalité il n’avait fait que l’attendre, et il grognait qu’elle ne vînt pas le déranger, qu’elle s’en retournât dans sa propre chambre et le laissât dormir. Alba le chatouillait jusqu’à ce qu’apparemment vaincu, il l’autorisât à chercher le chocolat qu’il avait dissimulé à son intention. Alba connaissait toutes les cachettes et son grand-père y recourait toujours dans le même ordre, mais, pour ne pas le frustrer, elle passait un bon moment à chercher à grand-peine, poussant des cris de jubilation quand elle avait trouvé."
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Barrabas arriva dans la famille par voie maritime, nota la petite Clara de son écriture délicate. Déjà, à l'époque, elle avait pris le pli de consigner les choses importantes et plus tard, quand elle devint muette, de mettre par écrit les banales, sans se douter que cinquante ans plus tard, ses cahiers me serviraient à sauver la mémoire du passé et à survivre à ma propre terreur. Le jour de l'arrivée de Barrabas était Jeudi saint. Il débarqua dans une cage indigne, couvert de ses propres excréments et urines, avec un regard égaré de prisonnier misérable et sans défense, mais on pressentait déjà –à son port de tête royal et aux proportions de son ossature- le géant légendaire qu'il allait devenir. C'était un jour de torpeur automnale qui ne laissait en rien présager les événements que la fillette consigna pour en garder souvenir et qui se produisirent durant l'office de midi, à la paroisse de Saint-Sébastien, auquel elle assista avec toute sa famille. En signe de deuil, les saints étaient recouverts de chiffes violettes que les bigotes dépoussiéraient annuellement de l'armoire de la sacristie, et sous ces housses funèbres l'assemblée céleste avait l'air d'un capharnaüm de meubles en instance de déménagement, sans que cierges, encens et gémissements de l'orgue pussent contrecarrer ce déplorable effet. Se dressaient de sombres masses menaçantes en lieu et place des saints en pied avec leurs visages interchangeables à l'expression enchifrenée, leurs perruques soignées en cheveux de morts, leurs rubis, leurs perles, leurs émeraudes de verroterie et leurs accoutrements de nobles florentins. (Début du livre)
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J'espère que tout ce flegme anglo-saxon ne va pas me les rendre idiots, marmonna Clara en faisant ses adieux à ses fils.
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