Lorsque j'étais quelqu'un d'autre

Une erreur de choix qui m'a pourtant fait bigrement réfléchir. Peu attiré par le paranormal et l'ésotérisme, je n'avais jamais entendu parler de Stéphane Allix. En me procurant ce livre, je m'attendais à du romanesque ; j'eus droit à une enquête journalistique sur la vie et la mort d'un officier SS. Lors d'une séance de méditation dans une cabane paumée au Pérou (un peu d'exotisme ne fait pas de mal), notre journaliste a une vision horriblement précise de l'agonie d'un officier SS sur le front russe. Persuadé qu'il est sa réincarnation, Stéphane Allix n'aura de cesse de poursuivre cet officier SS du lieu de sa naissance jusqu'à celui de sa mort dans un village perdu de Russie. Ces rêves de plus en plus précis, sans ambiguïtés, montrent que cet officier SS, porté par une brise immortelle, est une part de lui.
Je n'ai pas accroché, parce que je ne crois pas à tout ce charabia. D'ailleurs, son histoire n'a mené à rien sinon qu'il est le porteur d'une parole de l'ombre. Tu parles d'une révélation… Pour moi, une fois mort, on ne survit que dans la mémoire des vivants, et de ce que l'on a pu construire sur cette basse terre. On ne survit que dans ce que nos gênes apporteront de bien ou de moins bien à nos descendants.
Je me souviens pourtant qu'à son retour de Jérusalem, où elle allait pour la première fois, ma grand'mère adorée me prit par la main et me dit que certaines rues, certaines places lui avaient paru invraisemblablement familières. Elle avait acquis la conviction qu'elle s'était déjà rendue dans cette ville dans une autre vie, un autre temps. Bizarre d'entendre cette réflexion de la part d'une vieille dame si sensée, si raisonnable, si accrochée au réel, et qui entretenait avec la religion et son infernal au-delà des relations plutôt suspicieuses… Une remarque que je n'oublierai jamais.

Je ne suis pas fermé aux questions posées par la vie après la mort, sans quoi je ne me serais pas aventuré à aller lire ce livre, même si je ne suis pas l'acheteur. J'ai moi-même eu l'occasion dans ma vie d'affronter quelques situations, disons... pour le moins étranges.
J'avais entendu parler du livre "le test" du même auteur et des questions qu'il pose, sans l'avoir lu pour autant.
J'ai commencé celui-ci il y a longtemps... peut-être près de deux ans. Mais je l'ai laissé de côté un très long moment, au bout du premier tiers, parce qu'il y avait des choses dedans qui m'agaçaient, notamment des paragraphes de délayage documentaire où l'auteur se faisait pédagogue de la deuxième guerre mondiale et j'avais un peu l'impression d'être pris pour un idiot (il est vrai aussi que j'en connais un rayon sur la 2e GM)
Mais je savais que je le finirais un jour, et d'ailleurs quand j'ai entrepris de le finir, je n'ai pas pu le faire tout de suite car entre-temps il avait été prêté à quelqu'un d'autre pendant le confinement et il a fallu attendre la fin de celui-ci pour le récupérer.
C'est maintenant chose faite, et je dirai que les deux derniers tiers sont beaucoup mieux passés que le premier. Même, c'est finalement la reconstitution historique de l'histoire d'Alexander Herrmann qui m'a intéressé beaucoup plus que le reste, surtout que les passages où l'auteur se fait pompeux et grandiloquent, et tente d'exprimer des émotions qui, je dois le dire, m'ont non seulement laissé de glace, mais m'ont même fait souvent lever les yeux au ciel, mais c'est peut-être plus lié au style qu'à l'histoire en elle-même.
Maintenant, pour être franc, à aucun moment je n'ai vraiment cru (et après l'avoir refermé, j'y crois moins que jamais) qu'Alexander puisse être la vie précédente d'Allix. Ce n'est pas une opinion idéologique : je ne ferme pas la possibilité à la réincarnation, je n'en sais rien, je suis agnostique. Il me semble juste beaucoup plus plausible que l'esprit d'Herrmann ait contacté Allix, qu'il sentait ouvert à ce genre de chose, et en capacité d'avoir les moyens techniques pour reconstituer son histoire. L'auteur le dit lui-même d'ailleurs, quand il va rencontrer la famille d'Alexander : il attend des réponses, mais il en sait plus qu'eux... et c'est peut-être ça que veut Alexander : qu'il leur communique ce qu'ils ignorent encore sur leur ancêtre.

Ce n'est pas un roman, c'est une enquête journalistique bien étayée, convaincante et stressante partie d'un songe éveillé de l'auteur. Songe troublant de se retrouver peut être réincarnation d'un officier SS de la seconde guerre mondiale. on peut être sceptique ou incrédule, mais cela se lit avec intérêt et frayeur. Parfois un peu trop gourou je sais tout... Mais toujours bien documenté et plausible. A vous de choisir, y croire ou pas.

Jamais je n'ai réussi à me passionner pour la Seconde Guerre mondiale. Une sorte de répulsion viscérale. Trop d'horreurs.
Stéphane Allix m'a pourtant totalement emportée à sa suite, dans cette quête qu'il a menée avec détermination.
Je suis très prudente avec le paranormal, même si c'est un domaine qui m'attire, et j'essaie de gratter loin pour trouver des preuves. Il m'a semblé que ce témoignage était d'une grande sincérité, tant dans sa démarche que dans son propos.
J'ai beaucoup aimé la façon dont les questionnements moraux d'Allix viennent faire écho à ce qu'il découvre, et la finesse avec laquelle il les met en perspective.
Et il a le mérite, au passage, d'avoir réussi à éveiller mon intérêt pour cette période si atroce et sombre de notre histoire humaine.
Sans doute parce qu'avec sa plume alerte et sa générosité, l'auteur nous connecte en prise directe aux émotions : les siennes, celles des personnes qu'il croise au fil de son investigation, et, bien sûr, celles d'Alexander, mystérieux et proche à la fois.

Un livre captivant, une histoire vraie qui laisse froid dans le dos.
Plus le livre d'un journaliste que celui d'un écrivain.