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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un prologue énigmatique. C'est en effet avec un prologue assez mystérieux que j'ai débuté la lecture de L'enfant rivière de Isabelle Amonou. Je pensais assister à une scène de chasse traditionnelle, mais stupeur, il s'agit de capture de jeunes enfants ! Ma curiosité ainsi aiguisée, je n'ai eu qu'un désir, continuer et tourner les pages de plus en plus rapidement pour découvrir le fin mot de l'histoire.
En mai 2024, au moment de sa disparition sur les bords de la rivière des Outaouais, Nathan avait un peu moins de quatre ans. Son corps n'a jamais été retrouvé.
Suite à ce drame, le couple a éclaté. Cela fait six ans que Thomas et Zoé, les parents, se sont séparés. Thomas convaincu de la mort de son fils a fui vers la France pour tenter d'oublier son chagrin et repartir à zéro. S'il est de retour à Ottawa c'est pour l'enterrement de son père.
La mère, Zoé, persuadée qu'il est toujours vivant, qu'il ne s'est pas noyé et qu'il se cache parmi les migrants, ces migrants qui ont gagné le Canada, poussés par le réchauffement climatique et la chute des États-Unis, est restée sur place. À sa recherche, elle arpente les paysages sauvages et traque les invisibles de la forêt.
La confrontation entre les deux parents va permettre au lecteur d'appréhender cet amour puissant qui unissait ces deux êtres jusqu'à la perte de leur enfant et faire remonter des souvenirs douloureux.
C'est avant tout le personnage de Zoé née d'une mère autochtone et d'un père descendant des Français qui, au fil du roman, va révéler toute sa complexité. Une véritable quête d'identité.
En situant son roman dans un futur très proche, Isabelle Amonou nous offre une vision du monde qui nous attend assez réaliste, si des efforts internationaux ne sont pas faits très rapidement. Un monde où la nature a repris peu à peu ses droits et ne cesse de clamer sa puissance, tornades et crues se succèdent…
Inhérent au réchauffement climatique, le déplacement massif de migrants avec bien évidemment les problèmes de frontières...
Dans son récit, avec le personnage de Camille, mère de Zoé, l'auteure accorde également une large part à la manière dont ont été traités les autochtones au Canada, comment les enfants étaient arrachés à leurs parents, placés dans des pensionnats, où ils devaient renier leur langue, leur culture… « C'était pour leur bien. Il fallait tuer l'Indien ».
La maltraitance familiale et le viol sont aussi évoqués au cours de l'histoire.
L'enfant rivière est un roman fabuleux et richissime par les thèmes abordés, un roman envoûtant et palpitant dans lequel la tension monte inexorablement. Roman noir, roman d'anticipation, c'est aussi un roman psychologique plein de sensibilité et particulièrement maîtrisé, rehaussé par le cadre majestueux dans lequel il se déroule, à Gatineau, à la frontière entre le Québec et l'Ontario.
L'enfant rivière de Isabelle Amonou méritait amplement sa sélection pour le Prix orange Du Livre 2023, un gage de valeur !
Je remercie sincèrement Joëlle, Lecteurs.com et les éditions Dalva qui m'ont permis de faire connaissance avec cette brillante auteure qu'est Isabelle Amonou et ce roman inoubliable : L'enfant rivière.

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Quand de telles rencontres se produisent, cela tient presque de la magie. Une autrice que je ne connaissais absolument pas, pour une lecture qui m'a chamboulé autant qu'elle m'a enthousiasmé. Un moment rare, pour une histoire et des personnages qui resteront gravés en mémoire pour longtemps.

Oui, magie des rencontres, comme celle qui a permis à l'écrivaine bretonne de s'aventurer en terres québécoises. Une invitation à une résidence d'écriture à la frontière entre le Québec et l'Ontario a été l'étincelle qui a déclenché la flamme d'un récit sombre et magnifique.

Même publié dans une collection « blanche », c'est bien d'un roman noir dont il s'agit. Mais qu'importe l'étiquette, tant ce roman sublime est à conseiller au plus grand nombre.

Cette histoire, son environnement, sa manière de la conter, m'ont parfois fait penser à du Sandrine Collette. Croyez-moi, c'est sans doute l'un des plus beaux compliments que je puisse offrir.

Mais Isabelle Amonou a sa propre voix, magnifique de sensibilité et de justesse, formidable d'inventivité et d'émotions.

Avant les personnages, c'est l'environnement qui frappe. Fort. Dur. Vrai. Une région, une époque.

Les bords de la rivière des Outaouais, sauvage, encore davantage dans ce futur très proche. Car, oui, c'est aussi un roman d'anticipation, qui nous dépeint le monde en 2030, à peine quelques années en avant. Mais où le point de bascule a déjà fait glisser le monde sur une pente sans retour.

Cette idée, aussi géniale que traitée avec sagacité, rend l'histoire singulière, atypique, pour en renforcer encore son propos. L'autrice se sert de ce concept avec subtilité, pour décrire un monde qui peu à peu dérive.

Le Canada, touché par des tornades et tempêtes ravageuses, n'est pourtant pas le plus à plaindre. Son voisin, les États-Unis se sont littéralement effondrés sur eux-mêmes en quelques années, du fait du climat social autant que naturel. Sacré retournement de situation pour ces états-uniens qui se retrouvent dans la peau de réfugiés, à devoir passer la frontière en cachette, avec le risque d'être déportés dans des camps.

Isabelle Amonou brosse le portrait d'une société à la dérive, mais sans jamais en faire trop, juste par petites touches qui soulignent particulièrement bien le climat de l'histoire.

Tendu. Pesant. Troublant.

Dans ce contexte, un couple s'est déchiré six ans en arrière, suite à la disparition de leur enfant de 4 ans. le récit d'une quête. A la différence de son mari, Zoé n'a jamais perdu espoir. Pas de corps, pas de mort. Elle en est donc venue à « chasser » les jeunes cachés, réfugiés dans la forêt. Un nouveau métier, chasseuse de prime pour le compte du gouvernement, comme une excuse pour arpenter ces bois immenses.

Son conjoint Thomas, alors parti loin en France, revient sur les terres canadiennes, toutes ces années après. Tout un monde après.

Deux êtres déchirés, un couple que leurs différences ont brisé. C'est leur histoire contée ici, comme celle de l'enfant rivière, disparu à ses bords.

L'écrivaine fait preuve d'une sensibilité touchante au possible dans sa manière de nous plonger en alternance dans les esprits des deux personnages (et parfois dans ceux d'autres aussi).

Différents points de vue, ressentis, sensations, à en donner la chair de poule. Car Zoé n'est pas une femme comme les autres ; caractère particulier, fort. Mais aussi un passé, des racines indiennes qui lui font ressentir autrement, à son corps défendant.

L'occasion pour l'écrivaine de traiter de sujets puissants et émotionnellement chargés. On ne fuit pas si facilement ses origines, et la manière dont ses ancêtres ont été traités. Ce présent ressemble au passé ; éternel recommencement. Sauf à se battre pour en changer.

L'enfant rivière est un livre sublime autant que déchirant. Admirablement bien pensé, inventif, surprenant tout du long, émouvant au possible. Isabelle Amonou a un talent fou, cette histoire le révèle, la révèle. Avec un roman qui mérite de se retrouver entre toutes les mains, à récolter tous les éloges.
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🪶Chronique🪶

« Il y avait une différence entre savoir et vivre. »

Savoir et vivre la maternité. Savoir et vivre la xénophobie. Savoir et vivre l'errance. Il y a effectivement une différence monumentale entre savoir ces états, et les vivre. Parce qu'être mère, être nowhere, être perdue dans un monde insensé, c'est ne rien savoir et tout vivre comme un déchaînement de remous incessants. Vivre au coeur de la violence, c'est savoir qu'elle est infinie, tenace, retorse, tempête. Vivre avec la violence, c'est savoir donner la vie à des stratagèmes de survie. Vivre c'est savoir que la violence est partout. Partout, dans la nature, dans l'environnement, dans la société, dans l'Histoire et les futurs anticipés, dans les mémoires et les imaginaires, dans le sang et les écrits. Les marques sont visibles et invisibles, mais toujours dévastatrices…Et il y a savoir et vivre, avec. Même si vivre, ce n'est pas tout à fait exact, c'est survivre qu'il conviendrait de dire. Mais dire, c'est d'abord oser dire, oser parler, oser dénoncer, oser combattre, oser défendre, oser s'insurger pour que chacun soit en droit de savoir. Mais souvent, le traumatisme est si grand, que ne serait-ce que, dire, est déjà, une tourmente…

« Parfois, la rivière ne rendait pas les corps. »

Zoé, Tom et Nathan, c'était une cellule familiale, une promesse, un chemin ordinaire et normé tout tracé…Mais Nathan est devenu L'enfant Rivière. Ne reste que le désarroi des parents, la résignation contre l'espoir féroce, l'instinct contre le chagrin, l'acharnement contre la fuite…Deux manières de vivre le drame, mais la même souffrance partagée, et toujours pas de mot pour désigner cet état…Petit à petit, l'histoire nous dévoile la disparition de l'enfant et les circonstances qui l'entoure. Et entre passé et futur, il y a des similitudes effroyables, des circonstances aggravantes, des fantômes désenchantés qui guettent et se répondent dans l'ombre…Les terres québécoises sont hantées de souffrances et de traumatismes, tous plus violents les uns que les autres, et laissent ces enfants à la dérive et en proie aux plus dévorants…Mais Zoé ne se résigne pas. C'est une femme forte et déterminée, elle prend tout ce qu'elle a dans le ventre, et cherche…

« Certains peuvent beaucoup et d'autres non. »

Elle cherche l'enfant, l'origine, le chemin. Elle cherche la raison, les réponses, l'invisible. Elle cherche la transmission, l'héritage, l'apaisement…Et peut-être ce que nous découvrons, nous lecteurs, c'est un portrait de femme atypique et captivant. Une femme puissante et fragile, qui tente de s'épanouir entre deux cultures, entre deux (dé)rives, entre deux mondes…
C'est une histoire qui m'a beaucoup touchée. Une histoire qui parle du peuple autochtone et des peuples migratoires, qui est entre l'hier et le demain, entre roman noir et quête initiatique. Immersif et renversant!
Lien : https://fairystelphique.word..
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Un très beau roman noir, L'enfant rivière de Isabelle Amonou. Je l'ai lu très rapidement tant il est prenant.

La disparition d'un enfant, des amérindiens qui n'arrivent pas à trouver leur place, des familles fracturées, les migrants, le réchauffement climatique , forment un récit très fort et poignant.

Tom et Zoé se sont connus sur les bancs de l'école, lui, Français, né au Canada, elle, née d'une mère autochtone et d'un père descendant des Français.
"Ils n'avaient rien en commun. Au contraire, tout les séparait. Chez Zoé, on parlait français. Chez Thomas, anglais. Chez Zoé, on était athée d'ascendance catholique. Chez Thomas, protestant. Chez Zoé on était à moitié autochtone. Mais eux deux, les adolescents, ils avaient éprouvé quelque chose qui était bien plus fort que la langue, la culture, la couleur de peau ou la religion. et c'est ce point de vue qu'ils chercheraient à imposer à leurs familles. de force plutôt que de gré."
L'amour les a quand même réunis, un petit Nathan est né.
En mai 2024, Nathan disparait, sur les rives de la rivière des Outaouais. Il a 4 ans. le couple se délite, chacun de leur côté n'arrêteront pas de le chercher, ils n'ont jamais retrouvé le corps.

Entre 2024 et 2030, tout va mal, le changement climatique cause d'énormes dégâts, tempêtes, ouragans, pluies diluviennes.
C'est le chaos dans le pays le plus puissant du monde, les Etats-Unis, la population fuit pour se réfugier au Canada.
Au début il y en avait très peu.
"Mais d'autres migrants, par milliers,étaient arrivés. Chassés par la misère, la guerre, la violence, les abus, le règne des gangs et des pilleurs, des incendiaires et des meurtriers. Des familles, des vieux, des jeunes. Et des gosses qui avaient parcouru à pied quelques centaines de kilomètres, traversé des déserts, des forêts, passé seuls la frontière. Peut-être certains avaient-ils été abandonnés. Peut-être d'autres avaient-ils choisi de migrer seuls, et d'autres encore cherchaient à rejoindre leurs parents et d'autres n'avaient pas de famille du tout. Il y avait plein de moyens de perdre ses parents. Partis, capturés, déportés, assassinés, disparus."
Le Canada a essayé de gérer ce flux migratoire, mais ils étaient si nombreux, que les Canadiens craignaient pour leur vie, ils les mettait dans des camps, un mur a été construit côté Alaska pour les protéger.

Zoé est une femme forte, courageuse, ses origines lui donne une force de caractère peu commune.
L'enfant rivière est rempli d'émotions, des sujets qui ne nous laisse pas indifférents. Un livre marquant.

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C'est le roman qu'il faut lire pour voyager loin, avec des personnages attachants et un suspense qui monte en intensité à la suite d'un drame dont il est impossible de se remettre pour des parents.
Nous, sommes au Québec, au bord de la rivière des Outaouais, avec Zoé qui a eu le malheur de quitter son fils des yeux quelques minutes il y a six ans alors qu'elle repeignait la coque d'un bateau à la marina. Les multiples recherches pour retrouver le petit Nathan, âgé de quatre ans n'ont jamais abouti.
Zoé est persuadée que même si son fils s'est dirigé vers la rivière, il ne s'est pas noyé. Elle sent qu'il est toujours vivant et pense qu'il vit avec les migrants qui ont envahi le Canada à cause du réchauffement climatique et des guerres.
Elle chasse à longueur de journée, mais comme vous le découvrirez si vous lisez ce sublime roman, il s'agit d'une chasse bien particulière. Zoé est prête à tout pour retrouver son fils.
Thomas, son ex-mari, qui vit désormais à Paris, ne partage pas sa façon de penser. Leur couple a éclaté après la disparition de Nathan.
Six ans après le drame, Thomas est revenu pour l'enterrement de son père et ne résiste pas à la tentation de revoir Zoé.
En plus de ce drame, il y a tous les problèmes que Zoé a connus dans sa famille dysfonctionnelle, sa mère ayant d'ailleurs été arrachée à sa propre famille et placée dans un ''pensionnat'' afin d'effacer toute trace de sa culture algonquine.
Un excellent roman qui nous plonge dans un futur proche, en 2030, avec des tas de problèmes climatiques et sociétaux que l'on n'a aucun mal à imaginer.
C'est passionnant de la première à la dernière page, un roman d'une richesse infinie que je vous recommande.
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2030 – Québec

Alors que les crises climatiques se succèdent jetant sur les routes des milliers de réfugiés, alors qu'une guerre civile aux Etats Unis a poussé à l'exil des milliers de jeunes, le Canada peine à tous les accueillir. Dans ce contexte trouble, Zoé et Thomas se retrouvent après six ans de séparation. Six ans que leur couple n'a pas survécu à la disparition de leur fils Nathan, sur les rives de la rivière Outaouais, alors qu'il n'avait que 4 ans.

Lui, canadien anglophone, a fui, a tenté de refaire sa vie en France, mettant le plus de distance possible avec sa douleur. Elle, d'origine indienne et francophone, ne s'est en revanche jamais résignée, cherchant sans relâche cet enfant, faisant de cette traque le seul but de sa vie. Alors quand il lui semble reconnaitre son enfant dans un campement de jeunes migrants, l'espoir renait en même temps que les blessures se ré ouvrent.

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Même si ce roman se déroule dans un futur proche ce n'est pas seulement un roman d'anticipation. C'est avant tout l'histoire d'une famille confrontée à la pire des douleurs, le portrait de deux écorchés, de deux survivants. Deux êtres plongés dans le chaos des sentiments dans un environnement hostile, dans un monde en déliquescence, à l'image de leur relation, dévastée.

J'ai tout aimé dans ce roman. J'ai adoré le superbe portrait de femme incarné par Zoé. Une femme révoltée, combattive et acharnée, une femme indépendante et libre et en même temps une mère vibrante d'amour, mais rongée par la culpabilité. Elle dont l'enfance a été ravagée, entre un père abusif et une mère brisée, incapable de la protéger. Une femme qui s'est construite sur la colère, une personnalité explosive, en opposition complète avec celle de Thomas. Aussi prévenant qu'elle est impulsive, aussi raisonnable qu'elle est imprévisible mais dont l'amour n'aura pas suffi à l'apaiser. Parce que la disparition de cet enfant c'est aussi un écho funeste à l'histoire de sa famille, la réminiscence de l'enlèvement de sa mère, arrachée à ses parents pour être « assimilée ». Une histoire sombre et tourmentée que cette quête l'oblige à revisiter, un drame avec lequel elle devra faire la paix.

J'ai aimé aussi l'atmosphère captivante où la tension omniprésente va crescendo, où les éléments se déchainent, à l'image de cette rivière tumultueuse, de plus en plus menaçante, chargée de décombres et lourde de secrets.

J'ai aimé enfin et surtout la manière habile avec laquelle Isabelle Amonou fait se croiser des sujets aussi divers que l'urgence climatique, les crises migratoires ou le triste sort des populations autochtones, de les incarner et de les illustrer pour mieux nous renvoyer à nos préoccupations contemporaines et nous faire réfléchir.

C'est un vrai beau coup de coeur. Un de ces livres qui marquent, dont il est difficile de s'extraire. Déchirant et puissant. Envoutant et inoubliable.
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« L'enfant rivière » d'Isabelle Amonou est un roman dans la grande tradition des romans américains de nature writing. Et pourtant, Isabelle est née en 1966 à Morlaix. Cet ouvrage a vu le jour grâce à un séjour fait à Gatineau qui se situe à la frontière entre le Québec et l'Ontario. Sortir du cadre de son quotidien, a, j'imagine, permis à l'auteur de s'immerger dans une autre culture, et d'apprivoiser un autre espace. Ce roman noir, parce qu'il s'agit bien ici d'un roman noir, se situe en 2030. La peinture de notre monde en 2030 est un condensé des difficultés que nous rencontrons déjà aujourd'hui, multiplié par 100, car les conditions de vie se sont considérablement dégradées. le personnage principal de ce roman est la nature, le climat, l'environnement. Autour de ce personnage principal gravitent trois protagonistes qui racontent l'histoire. Il y a Zoé la mère, Tom le père, et Nathan le fils. Ce ne sont pas les seuls êtres humains que nous rencontrons dans ce récit. Les autres viennent principalement des États-Unis, cherchent asile au Canada, et sont parqués par les autorités canadiennes en Alaska.

Il y a donc ici plusieurs histoires dans l'histoire. La première concerne la disparition de Nathan sur les rives de la rivière des Outaouais, en mai 2024, son corps n'a jamais été retrouvé. Cette disparition a fait éclater le couple parental. Tom, convaincu de la mort de son fils a préféré passer à autre chose, changer de vie. « Mais il avait démissionné, pas seulement de son métier mais aussi de sa famille, de son pays, enfin de sa vie, toute sa fichue vie. Une désertion engendrée par la perte de Nathan, entretenue par la dépression, la rupture avec son père, la dégradation inexorable de son couple. » Quant à Zoé, elle passe l'essentiel de son temps à rechercher son fils, car elle est persuadée qu'il est toujours en vie. Pour ce faire, elle exerce un métier très particulier, elle travaille pour le gouvernement fédéral, mais je n'en dirais pas plus.

La seconde histoire concerne l'arrivée massive de migrants au Canada. « Lis un peu les journaux, man. Ils veulent envoyer là-bas tous les Américains qui ont réussi à migrer au Canada. Et le mur, c'est pas pour les empêcher d'entrer chez nous, c'est pour qu'ils ne s'échappent pas, une fois qu'ils seront bouclés en Alaska. » Ironie de la situation, si l'on peut dire, il ne s'agit pas de migrants qui viendraient par exemple d'Afrique, où l'on peut imaginer que la chaleur deviendra de plus en plus importante, et les pluies de plus en plus rares. Non, ces migrants arrivent directement des États-Unis. « On a fait partie de l'État le plus puissant du monde, America First et toutes ces conneries, et voilà comment on va finir, dans des bidonvilles. » J'ai trouvé cette approche fascinante.

La troisième concerne la façon dont le Canada a traité les autochtones. Ce récit est vécu de l'intérieur grâce au personnage de Zoé (Zoé est née d'une mère autochtone et d'un père descendants des Français.). le lecteur découvre avec effarement qu'il fut un temps où les autochtones étaient de simples numéros, les enfants étaient placés dans des institutions où on les forçait à parler exclusivement anglais, et où ils finissaient par ne plus aimer ni la nourriture, ni la culture, ni les traditions de leurs parents. « Les parents et les enfants en étaient venus à se mépriser. (…) Ils n'aimaient plus rien. Ils n'étaient plus rien. »

L'intrigue se situe évidemment autour de la disparition de Nathan devenu « L'enfant rivière ». Ses parents, séparés depuis un certain temps, vont avoir l'occasion de se retrouver grâce ou à cause de l'enterrement du père de Tom. L'occasion de voir ce que chacun est devenu, mais également de permettre des retours dans le passé, notamment centrés autour de Zoé. Ainsi, Tom va prendre conscience de ce que sa femme fait pour vivre, mais également de son entêtement qui n'a pas faibli, persuadée que son fils vit au milieu des migrants. À travers cette quête, c'est aussi elle-même qu'elle cherche à retrouver. Pour moi, c'est là l'un des points marquants du roman, certainement celui qui m'a le plus émue. Cette recherche interminable de son fils fait remonter une histoire douloureuse, notamment des rapports malsains avec son père. « Retrouver l'enfant qu'elle n'avait pas réussi à protéger, parce que sa propre mère ne l'avait pas protégée. Qu'elle n'avait pas réussi à aimer comme il fallait parce que son salopard de père l'avait ravagée. Thomas savait bien que la résilience existait, qu'on pouvait s'en sortir pour peu qu'on en ait les moyens. »

Isabelle Amonou introduit finement plusieurs éléments qui donnent à « L'enfant rivière », une atmosphère singulière, un attachement profond aux personnages, et une conscience aiguisée de la situation en devenir de notre planète. Quels messages laisser aux générations suivantes alors que l'on a tant souffert, dans sa vie d'enfant, d'adolescente et de femme ? « Toujours se méfier des autres. Ne jamais leur faire confiance. Tenir ses distances. Parce que les autres savent, les autres sentent les faiblesses, les failles, les abus. Alors ils cherchent à en tirer parti. » Quelle relation peut-elle encore espérer avec sa mère Camille qui ne l'a pas protégée ? Car, dans « L'enfant rivière » l'auteur décortique des relations humaines : relation entre Zoé et Tom, relation entre Zoé et son père, relation entre Zoé et sa mère. Même si son coeur est soigneusement cadenassé, on sent que tout n'est pas fichu, que l'espoir est toujours présent, même s'il est bien caché, et que, grâce, à la résilience, à l'analyse constante des questions et des actes intimes du passé, la lumière peut encore jaillir au milieu de toute cette noirceur. Ce qui fait dire à Isabelle Amonou, au tout début du roman, lorsqu'il s'agit de savoir ce que l'on va laisser aux générations suivantes, cette très belle phrase : « L'optimisme. Il faut leur laisser l'optimisme. Et l'amour. » Des ténèbres peuvent surgir des étincelles d'espoir, et un embrasement des émotions. Un roman fascinant et très réussi.

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Canada, 2030, les migrants états-uniens vivent sur leur terre voisine, dans un monde en Guerre climatique.
Zoé vit en forêt dans la marina érigée par son père, elle y vit seule, son enfant Nathan a disparu il y a six ans alors qu'il était sous sa surveillance. le père de Nathan, Thomas, est parti en France, besoin de rompre avec les questionnements lancinants pour comprendre où est son fils.

La forêt est vaste, omniprésente, elle abrite des camps de réfugiés. Elle est traversée par la rivière, où l'eau qui coule est à la fois meurtrière et réconfortante, source de vie et de mort. La nature a une place prépondérante dans ce roman, décisionnaire sur les événements, elle bouscule les Hommes.

Zoé est un personnage complexe : chasseuse de prime, elle cherche à inscrire son identité entre sa mère Camille/Kimi alcoolique, démunie de toute identité elle aussi après avoir passé son enfance dans des camps prévu pour purger les origines indiennes, et son père Martin répugnant. En conflit permanent avec sa génitrice, elle ne songe a peine à la voie du pardon et de la compréhension. Comment faire alors pour faire taire la rage qui gronde en elle ?

Et tout le paradoxe de Zoé est représenté par son mari Thomas, d'une pureté rare, mari prévenant et père soucieux. Si leur relation a explosé après la disparition de Nathan, on peut se demander si la carapace impénétrable et la violence qui se devine dans les gestes de Zoé n'auraient pas été à l'origine d'une rupture.

Le langage d'Isabelle Amonou est à la fois brut et soyeux, il y a ce quelque chose d'envoûtant qui me charme a coup sûr. La Nature et la Femme à leur apogée, trônent fièrement entre chaque ligne. Un livre que je range précieusement sur mon étagère des inoubliables 🧡

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UN MAGNIFIQUE PREMIER ROMAN ! 💫

Les abords de la rivière Outaouais, 2030. le Canada est frappé par des tempêtes et des tornades, mais la situation est pire encore aux États-Unis. Là bas, le changement climatique annoncé depuis longtemps a engendré un effondrement sans précédent. Les habitants prennent donc la fuite et tentent de passer la frontière canadienne en cachette...

Six ans plus tôt, un couple s'est déchiré suite à la disparition de leur fils. Zoé sa mère, n'a pas perdu espoir, elle est persuadée que son fils vit, quelque part. Alors elle part à sa recherche à travers la forêt. Telle une bête blessée, elle traque les jeunes cachés, dans l'espoir de tomber un jour sur celui qu'elle a élevé...
Son mari Thomas, est persuadé que c'est fini, qu'il ne reverra jamais son petit garçon. Alors il a pris la fuite, direction la France mais va être forcé de revenir sur ses terres d'origines...

L'enfant rivière, c'est un roman d'anticipation qui se déroule dans un futur très (très) proche. le paradoxe entre ce contexte de société à la dérive, au climat pesant et l'omniprésence de la nature, toujours aussi belle est particulièrement déroutant.
Dès les premières pages j'ai été emportée par cette histoire entre roman noir et quête initiatique, et plus on progresse dans le récit plus il s'intensifie.

L'enfant rivière c'est l'histoire des combats d'une femme, d'une mère, aux valeurs inébranlables. Une quête identitaire, avec en ligne de mire, la liberté.
De nombreux sujets sont évoqués: la guerre climatique, le contraste entre peuples autochtone et migratoire, la maternité, la violence des Hommes, la transmission, le passé qui façonne... et en fil conducteur, le mystère autour de la disparition de l'enfant.

C'était sombre et beau à la fois, c'était émouvant, c'était déchirant. Un premier roman incroyable, porté par une superbe plume, pleine de charme. Mon premier des éditions Dalva et sûrement pas le dernier.

À lire absolument !
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Il y a à la fois du Sandrine Collette et du Jean Hegland dans ce roman d'une autrice que je découvre et que je relirai certainement. Un roman sombre et sauvage, dans un lieu et un temps ( le Canada en 2030 environ) qui ne nous sont pas familiers et qui mettent les personnages dans des situations extrêmes. L'enfant-rivière sert de fil rouge à cette dystopie flamboyante et noire tout à la fois, soulevant des thèmes riches et divers, comme la transmission, la filiation, la maternité, la culture, mais mettant aussi en avant l'avenir de l'humanité face aux bouleversements climatiques et aux solutions trouvées pour gérer ses conséquences dramatiques. L'héroïne ne peut que nous toucher avec son passé douloureux, ses origines indiennes et son apparente résilience, et l'autrice nous décrit avec soin ses contradictions et ses peurs, sa fragilité et ses incroyables compétences de survie. Encore une fois, Dalva nous fait découvrir un beau morceau de littérature. Bravo et merci !
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