Quand on a lu Gruppen, on peut bien s'attaquer à
l'ingénierie stratégique de
Jacques Arcade. Comme le premier, ce livre n'est pas destiné au grand public mais aux dirigeants, décideurs, manageurs, appartenant à la sphère des entreprises, des institutions publiques nationales, étatiques, voire internationales dans le cadre, par exemple, des politiques de développement onusiennes auxquelles l'auteur a apporté sa contribution.
Il faut prendre ce livre comme une boîte à outils, un kit méthodologique qui doit guider le décideur ou ses conseillers dans les trois grandes phases de la démarche d'ingénierie stratégique :
- Observer et discerner (le contexte, l'environnement dans lequel la stratégie est élaborée - il s'agit de comprendre le paysage stratégique )
- Juger et arbitrer (entre les préconisations résultant des options sélectionnées)
- Enfin, passer à l'action.
Il est intéressant de constater l'appel à la systémique notamment dans la compréhension du paysage stratégique, première phase essentielle de la démarche.
Ce livre est d'une très haute technicité méthodologique et d'une grande valeur scientifique ; il fait appel à de nombreux concepts et graphiques permettant de visualiser les différentes et très nombreuses phases de la réflexion et des hypothèses analysées en vue des stratégies politiques à construire.
Ce sont, par conséquent, moins les décideurs que leurs équipes et accompagnants (consultants) qui auront à se pencher sur un tel opus. Ces décideurs, je le sais d'expérience, n'ont pas le temps. D'autres doivent lire pour eux et leur expliquer.
Une telle boîte à outils est supposée assurer une navigation optimale à travers les incertitudes, par définition, difficilement maîtrisables, qui traversent le paysage stratégique.
Par ailleurs, nous nous situons dans un relatif temps long, j'évite d'utiliser l'expression "long terme" à cause de la réflexion décourageante de l'économiste
J. M. Keynes qui rappelait "qu'à long terme, nous sommes tous morts".
J'ai, pour ma part, des exemples, plutôt récents, de politiques stratégiques concernant nos grandes institutions, (notamment, la Sécurité sociale, pour ne citer qu'elle) qui avaient à peu près tout prévu, sauf la guerre russo-ukrainienne ; mais, auparavant, qui avait vu venir le COVID ?
Il me souvient, il y a plus de 40 ans, étudiant, j'étais abonné, à une revue dite du troisième millénaire. Rétrospectivement, j'ai constaté qu'à aucun moment nos visionnaires n'avaient prévu, au regard des stratégies imaginées, le développement formidable de l'informatique, des téléphones portables, de l'intelligence artificielle, de l'univers du numérique, et de la transformation des modes de vie que tout cela devait impliquer plus tard.
Il n'y a guère qu'un domaine où les alertes ont été précoces et se sont vérifiées (dès les années 60 et pour notre malheur) ; elles sont restées inaudibles. Il s'agit des alertes écologiques. Aujourd'hui, les décisions stratégiques sont fortement influencées par la Transition écologique.
Voilà pourquoi nos stratèges doivent aussi se montrer humbles... La vie réserve tellement de surprises !! Pat