Son père arrêta de remuer la sauce et vint s'asseoir à ses côtés. Il allait se montrer compréhensif. Elle détestait le ton compréhensif au moins autant qu'elle détestait la mine compatissante. Ses oreilles se mirent à chauffer.
Lire ce livre, c’était comme s’en aller quelque part où elle n’était pas Olivia Adler.
Les épouvantails, pensa Ollie, mal à l’aise, n’auraient pas dû faire office de décoration. Les citrouilles, c’était quand même bien mieux.
Les chats passent entre les mondes sans que leur nature change. C'est la seule créature qui en soit capable.
Ollie ouvrit le livre à la page de garde.
1895. "Waoouh, songea-t-elle. Super vieux." Imprimé à Boston.
Elle tourna la page.
Ca commençait par une lettre.
Ma très chère Margaret,
J'aurais aimé pouvoir te raconter cette histoire en personne. Plus que tout, j'aurais aimé avoir une heure de plus, un jour de plus, un peu plus de temps.
Ne panique pas, lui avait toujours conseillé sa mère. C'est la première règle de la survie. Ne jamais paniquer.
Quand la brume descend, quand l'homme qui sourit apparaît. Évite les endroits dégagés la nuit. Reste dans les recoins.
La pluie battait contre la vitre. On se serait cru dans un aquarium. Peut-être, songea-t-elle, qu'en réalité ils vivaient tous sous l'eau, comme des sirènes, mais que personne ne le savait parce que pour eux l'eau était comme l'air.
Son attention dériva de nouveau vers la fenêtre.
"Et si une armée de vampires débarquait ? Ah non, trop de soleil. Des loups-garous, plutôt ? Ou alors le squelette d'Halloween de la famille Brewster ? S'il décidait de se décrocher de la fenêtre du deuxième étage et de sortir de la maison en titubant..."
Le soleil d'octobre, ça se savoure. Bientôt, l'automne l'envelopperait dans ses couvertures nuageuse et ses semaines entières de pluie lugubre, avant que la neige se décide enfin à tomber.