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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce sont le passage de Clara Arnaud à La Grande Librairie et cette magnifique couverture qui m'ont convaincu d'ouvrir ce roman qui nous plonge dans les Pyrénées ariégeoises en compagnie de trois personnages qui y côtoient les ours.

Le récit s'ouvre à la fin du 19ème siècle en compagnie de Jules, qui se glisse dans la tanière d'une ourse afin d'y dérober une oursonne de quelques semaines. Rêvant de gloire aux Etats-Unis en tant que montreur d'ours, il domestique son ourson et lui apprend des numéros de cirque.

Puis, de nos jours, nous suivons alternativement Gaspard et Alma. Lui est un jeune berger qui garde les troupeaux de brebis durant l'estive, mais qui s'avère hanté par un terrible drame survenu l'année précédente. Elle est une éthologue, spécialiste des ours, travaillant pour le Centre national de la Biodiversité, qui étudie le comportement des ursidés afin de faciliter leur réintroduction et leur cohabitation avec les hommes.

Ces trois protagonistes permettent à l'autrice d'offrir des regards différents sur ce milieu montagnard et son habitant le plus impressionnant : l'ours ! La présence de ce dernier insuffle une tension constante à ce roman particulièrement immersif, qui ravira sans aucun doute tous les amoureux de la montagne. le drame qui a frappé le troupeau de Gaspard l'été dernier n'a d'ailleurs fait qu'accentuer l'opposition entre ceux qui cherchent à réintroduire l'ours dans son habitat naturel et les locaux qui en ont ras-le-bol de retrouver leurs brebis déchiquetées. de plus, Clara Arnaud profite de ce séjour en montagne pour nous confronter aux conséquences du réchauffement climatique, tout en nous invitant à réfléchir sur la préservation des espèces.

N'ayant pas trop aimé « Les huit montagnes » de Paolo Cognetti (oui, c'est moi), je ne suis probablement pas le public cible de ce roman. Cependant, malgré quelques descriptions parfois un peu longues pour le citadin que je suis et certains passages un peu redondants, j'ai beaucoup apprécié ce petit séjour particulièrement instructif en montagne. Ce qui m'a finalement le plus « dérangé », c'est que les fils des différentes intrigues ne se rejoignent finalement pas. du coup, je m'interroge un peu sur l'utilité de cette double temporalité car l'arc narratif parallèle consacré à Jules n'apporte pas grand-chose aux récits de Gaspard et d'Alma…qui ne se croisent pas non plus énormément. Je lis probablement trop de polars !
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Une première de couverture éblouissante, un titre magnifique, deux accroches irrésistibles pour pénétrer dans ce beau roman et se laisser envahir par la poésie, la mélancolie, la nostalgie, l'amour de la terre et des bêtes qui en émanent. Et tout cet ensemble au coeur des montagnes ariégeoises, sans doute pas les plus prestigieuses des Pyrénées mais qui portent, comme tant d'autres, toute cette féerie de la montagne et de ceux qui la parcourent, ici bergers et brebis, ours et loups, randonneurs, ailleurs alpinistes conquérants de l'inutile.

Trois personnages bien différents structurent parfaitement cette histoire.

D'abord, le berger, Gaspard, en proie aux doutes permanents devant son avenir, qu'il s'agisse du court terme de l'estive annuelle, ou du plus long terme incertain. Gaspard est très bien dépeint par Clara Arnaud, elle extrait de sa personnalité tout ce qui en fait un véritable homme de la nature, aimant passionnément ses bêtes, prévenant leurs souffrances, les abrégeant si nécessaire en une douleur partagée, aimant aussi sa famille et l'humain en général même lorsque ceui-ci peut l'irriter, l'assaillir, lui faire entrevoir le mal qu'il veut nier à tout prix.

Ensuite, Alma, fille beaucoup plus complexe que Gaspard, elle étudie le mode de vie de l'ours, veut concilier sa présence avec l'activité des bergers et la protection des brebis. Elle est une résistante, peut-être le plus beau trait de sa personnalité, capable de dire non, de n'en faire qu'à sa tête, au prix des souffrances de son corps et de son âme.

Enfin, Jules, moins présent dans le roman, son histoire qui se déroule à la fin du XIXe siècle, alternant avec celles de Gaspard et Alma. Il a soif de conquête, Jules, de célébrité, d'une autre vie au-delà de l'océan et pour cela, à cette époque, pourquoi ne pas devenir un montreur d'ours?

Tout l'ensemble donne un roman prenant malgré quelques longueurs supportables, avec surtout des descriptions élaborées de la montagne, des ours, peut-être un peu trop vus sous l'aspect scientifique. Clara Arnaud traduit également très bien les méfiances diverses des humains, de ces lieux reculés d'Ariège qui ne connaissent pas la fibre, elle dresse des tableaux très réalistes des différents protagonistes imaginés dans son roman.

Un bémol pour moi : le fait qu'elle ait choisi de modifier le nom des lieux, le pic Montcalm devenant le mont Calme, Les Trois Rois transformés en Trois Reines et le lac de Bethmale affublé d'un autre nom proche dans sa sonorité.

Enfin, l'approche de l'ours reste très romancée bien que correctement documentée. Pour lire de la belle littérature sur les ours, il faut aller vers Doug Peacock et les grizzlies des Rocheuses et on va bien sûr parvenir bien au-delà de ces vents fous qui ont quand même forgé un très beau roman de montagne et d'humanité.
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Ce passionnant récit d'estivage pyrénéenne suscite finalement plus de questions qu'il n'apporte de réponses.
- Est-il « politiquement correct » de nommer « Negra » le protagoniste d'un roman en se référant à sa couleur ?
- Qu'est devenu le descendant disparu de Negra ?
- Qui a tué Negra ?
- Pourquoi Thomas Edison s'intéresse-t-il au dressage d'ours ?
- Pourquoi un « Docteur en biologie comportementale » adopte-t-il une posture infantile vis-à-vis de son responsable ?

Clara Arnaud met en scène de multiples acteurs, dans deux tragédies distantes de plus d'un siècle, où les ours jouent le premier rôle.

Au XIX siècle, Jules Piquemal dresse un ours pyrénéen puis l'exibe dans les deux Amériques, d'abord dans de misérables cirques puis dans les salons huppés de New York où le génial Thomas Edison en fait une célébrité ; la fin est brutale.

En notre siècle, Gaspard (probable référence au montagnard de Henri Pourrat), mène un troupeau de huit cents têtes prendre ses quartiers d'été en altitude. Il est encore marqué par la chute d'Ilia, l'été précédent. Il a renoncé à faire carrière, contrairement à son frère fonctionnaire européen à Bruxelles, et décidé de revenir dans sa région natale. Marié à Lucie, ils ont deux filles Alice et Maëlle.

Alma, éthologue au CNB (Comité National de la Biodiversité), observe les ours afin de limiter la menace qu'ils représentent pour les troupeaux. Dotée de brillants diplômes elle a mené des missions sur divers continents dont elle a rapporté de multiples observations, développé une culture multiculturelle et nourri sa vive curiosité. Elle semble avoir tout pour réussir mais, très vite, elle développe un rapport enfant-parent avec son responsable hiérarchique et refuse de rendre compte de l'avancement de ses observations.

C'est alors que le troupeau de Gaspard est décimé nuitamment et que les soupçons se tournent vers Negra, une femelle accompagnée de ses oursons, qui rode dans les parages. Tragédie qui se dénoue dans un bain de sang.

Allant jusqu'à couper son téléphone pour rester sourde aux consignes de son chef, Alma est suspendue et demande à être mise en disponibilité pour fuir chez sa mère. Rien dans le récit ne met en évidence un éventuel harcèlement de sa hiérarchie. Alors ce burn out, sa vulnérabilité trouve-t-elle ses racines dans l'histoire paternelle ?

La romancière conclut par cette phrase sibylline « on ne saura jamais ce qui lui est arrivé. Mais on peut l'imaginer ». A chacun, en toute liberté, d'imaginer les réponses aux questions soulevées par Clara Arnaud.

PS : Alma étant traduit par Âme, relisons « Des âmes simples » qui nous hissent vers les mêmes sommets

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Tout d'abord , un grand merci aux éditions " Actes Sud " et à l'équipe de Babelio qui m'ont permis de découvrir un ouvrage qui devrait toucher un nombreux public , tant par son thème que par la puissance qu'il dégage .
L'ouverture est somptueuse ,, vraiment . Terres de traditions les Pyrénées ariégeoises sont un territoire naturel pour les ours et la capture d'un ourson par le jeune Jules , lui permettra de parcourir le monde en compagnie de cet animal sauvage considéré comme guérisseur de nombreux maux et de s'enrichir jusqu'au moment où...Nous sommes en 1902 ,puis bientôt projetés dans les années 2000 avec Gaspard , berger de retour vers la nature et Alma , jeune éthologue venue étudier l'adaptation des ours dans ce somptueux décor de montagne . Entre Gaspard et Alma , l'entente reste cordiale jusqu'à ce qu'un évènement tragique vienne perturber un peu plus des caractères déjà fragiles et compliqués .
Le décor est somptueux , les mots , ,les phrases , les descriptions semblent couler , entrainés par les eaux fraîches des torrents .Tout est sublimé par une plume d'une incroyable beauté .On vit la transhumance , on vit l'organisation , on vit les interventions des chiens , on vit une merveilleuse odyssée dans le monde pastoral , ce monde végétal et minéral dans lequel se " vautrent " les ovins . Bref , on y est , on y vit , il suffit de laisser se promener notre regard .Mais ce tableau idyllique ne saurait masquer les peurs des hommes , dont Gaspard , leurs inquiétudes face au changement , ou plutôt dérèglement climatique , et la peur viscérale de ce fauteur de troubles , adulé par les uns , haï et détesté par les autres ...
Au delà du décor somptueux surgissent les réflexions concernant le devenir de l'homme dans ce milieu et , surtout , le devenir de traditions ancrées dans un passé devenu bien lointain .Gaspard est tourmenté , tout comme Alma , du reste , spectateurs impuissants face à la cohabitation avec la bête . le combat serait -il perdu d'avance pour les uns ou les autres ?
Ce roman est dense . Il se savoure , n'autorise pas le survol , pose question du début à la fin . L'auteure ne prend pas partie mais donne à voir. Il convient de s'imprégner de solitude , de lenteur , accepter de se fondre " chez les taiseux ", comprendre les moments où l'alcool devient remède au mal être .
Trois personnages inoubliables , un décor fabuleux et une majesté toujours présente et objet de tous les regards , l'ourse .
Un roman qui pourrait bien nous inciter à revoir un film éponyme de Jean-Jacques Annaud . Un trés beau roman et ...un trés beau film .
Bonne soirée , amis et amies et au moment du coucher , pensez bien à prendre votre nounours dans vos bras avant de dormir .Avec lui , vous ne risquez rien ... enfin , en principe .
A bientôt .
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Sur les hauteurs pyrénéennes Gaspard le berger et Alma l'éthologue se croisent sans animosité. Mais si l'un ne vit que pour son troupeau qu'il tente de préserver des prédateurs, notamment de l'ourse la Negra, l'autre est une scientifique dont le travail est justement l'étude des ursidés et leur cohabitation avec les hommes. Et ces deux activités au fil du temps, avec les attaques répétées de la Negra, vont mettre en évidence les conceptions irréconciliables des deux amoureux de la nature que sont Gaspard et Alma.

Un roman tout en nuance qui évite l'écueil des prises de position catégoriques et manichéennes. Les enjeux du pastoralisme moderne, confronté au réchauffement climatique, ainsi qu'à la réintroduction de prédateurs des troupeaux pour des motifs écologiques et de préservation des espèces, sont mis en scène avec discernement par une auteure qui ne peut que nous faire aimer une montagne qu'elle nous donne à voir aussi somptueuse, sauvage et sensuelle qu'âpre et dangereuse.

Merci à Babelio et aux Éditions Actes Sud.
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C'est une nouvelle fois les jolis retours des Babelpotes qui m'ont fortement influencée. Mais il faut dire que quand la nature (sauvage) est prépondérante, je suis justement très influençable, je craque facilement et n'ai pas envie de résister. Alors après un peu d'attente, le temps que mon nom atteigne la première place sur la liste des réservations, voici déjà mon tour venir (je pensais devoir l'attendre plus longtemps). Et pour ce qui est côté "nature-writing", j'ai été servie, je m'en délecte encore.

Pourtant, ce n'était pas très bien parti. L'histoire se partage les points de vue de trois personnages. Il y a Jules d'abord, montreur d'ours de la fin du XIXe siècle. Il y a Gaspard, berger traumatisé par le drame survenu pendant l'estive de l'an passé mais qui, accro à la montagne, ne peut s'empêcher d'y retourner. Et enfin, il y a Alma, éthologue missionnée pour comprendre justement ce qui s'est passé l'année dernière, observer les comportements de la Negra, cette imposante ourse qui serait en grande partie responsable du drame en question.

Pas très bien parti, que je vous disais, parce que le premier chapitre démarre l'histoire avec Jules. Il nous est raconté comment ce dernier a arraché un ourson à sa mère, pour pouvoir le dresser, le réduire en esclavage et lui permettre de réaliser son rêve : connaître la gloire en Amérique en tant que montreur d'ours. Alors les coups de bâton, l'anneau dans le nez, les chaînes, les sucreries en guise de récompenses, les entraînements, tout ça m'a très vite grandement déplu. J'ai eu Jules en horreur dès le départ, tout en espérant qu'il finisse seul dans d'atroces souffrances tout du long. Heureusement, l'autrice ne lui accorde qu'un chapitre de temps en temps seulement, l'action se déroulant essentiellement de nos jours avec Gaspard et Alma.

Gaspard et Alma qui, eux, sont des personnages qui valent la peine qu'on s'y attache, tant par leur vécu que par leur rôle dans l'histoire qui se déroule sous nos yeux. Amour de la montagne pour l'un, amour des ours pour l'autre. Tous deux des personnages solitaires que les habitants ont du mal à cerner, à comprendre. Pourquoi Gaspard y retourne après ce qui s'est passé l'an dernier ? Pourquoi Alma tient-elle absolument à étudier les comportements de l'ourse qui pose problème, alors qu'un simple coup de fusil pourrait tout régler ? Alors tour à tour, nous suivons l'un et l'autre, parfois amenés à se côtoyer, déterminés à mener à bien leurs missions, toujours trop impliqués dans ce qu'ils font, toujours trop dans l'affect.

Mais Gaspard et Alma ne sont pas les personnages principaux, et encore moins Jules. La Negra non plus, bien qu'elle soit au centre de l'histoire. Non, le personnage principal, c'est la montagne, bien vivante, envahissante, qui vous enserre, vous piège dans ses filets et sur laquelle on s'accroche, on s'agrippe, sans qui l'on n'est plus rien. Imposante, inévitable, hypnotique, c'est elle qui mène la danse, c'est avant tout avec elle que les personnages doivent composer (humains comme animaux). Dangereuse, indomptable, pleine d'ardeur, les personnages se façonnent sur sa rugosité, sa sauvagerie, son insoumission, alors que prête à fondre sur eux. L'autrice en parle merveilleusement bien. Elle implante des décors à couper le souffle, dans les deux sens du terme. Elle instaure une atmosphère à la fois vivifiante et écrasante. de sa plume toute de poésie, elle dépeint tout de manière époustouflante. On s'y croit, dans ces montagnes. On y est, avec les personnages. J'ai vu tous les paysages et les animaux (sauvages comme élevés/domestiqués), j'ai ressenti les angoisses de Gaspard, la pression sur Alma, la chaleur écrasante, l'herbe sèche sous mes pieds, le froid glacial des lacs. Je me suis délectée de la vue imprenable, des vols des gypaètes. J'ai pris plaisir à aider Gaspard dans le soin et le déplacement de ses brebis, à observer l'ourse et son ourson avec Alma (quand elle a bien voulu se montrer). C'est comme si j'y étais, pour de vrai, totalement envoûtée.

Pour moi, Jules n'avait pas sa place dans ce roman. Il était de trop et gâche un peu le tableau. de celui-là et de son histoire, j'aurais voulu m'en passer. C'est à cause de lui que je ne peux qualifier ce livre de coup de coeur. Mais bon, il n'est pas énormément présent, j'ai donc fait avec...

Mais je ressors de ce livre revigorée, éblouie par tous les verts et blancs des paysages, fortifiée par l'air montagnard, attachée à deux personnages qui m'ont plu à l'instant, toujours aussi amoureuse de la nature indomptable, et de sa faune et sa flore. Peut-être un poil déçue par le tournant que prend l'histoire dans la troisième partie, en ce qui concerne l'ourse notamment, mais j'ai dans l'ensemble passé un très bon moment de lecture (si je fais abstraction de Jules).
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La petite ville d'Arpiet dort encore lorsque Gaspard quitte sa maison, laissant sa femme et ses deux filles. En ce mois d'avril, il n'a pas renoncé, malgré le drame de l'année précédente, à remonter en estive avec les brebis. Des semaines, des mois de solitude l'attendent là-haut. Des mois d'incertitude, de peur parfois...
Alma est éthologue, chercheuse au Centre National de la Biodiversité. Dans le cadre d'un projet expérimental, elle a pour objectif d'observer les ours, d'en comprendre le comportement afin d'avoir des réponses plus adaptées notamment face à la prédation et à la cohabitation, qu'elle soit humaine ou animale...
Des dizaines d'années auparavant, Jules a fait bien mieux que de les observer. En effet, ayant volé un ourson, il ne rêve désormais que d'une chose : l'éduquer afin de devenir montreur d'ours...

Assurément, Clara Arnaud réussit parfaitement à nous immerger au coeur de ces montagnes, parfois enneigées, parfois ensoleillées. D'une grande générosité, elle transmet, avec précision, toutes les émotions, les sentiments parfois contradictoires. Fait corps avec cette région, cette façon de vivre. Elle donne à voir, à sentir, à ressentir, à effleurer, à entendre à travers ses cinq personnages. Jules, ce montreur d'ours dans les années 1880. Gaspard, un berger soumis à la dureté de son travail qui ne pense qu'au bien-être de ses brebis. Alma, éthologue passionnée par les ursidés qui rêve d'une cohabitation harmonieuse. L'ourse, à la fois espérée, attendue, redoutée ou crainte. Et enfin, la montagne, personnage à part entière, majestueuse, imprévisible et tempétueuse. Si ce roman, à la plume élégante, poétique et immersive, est aussi tragique que beau, sans nul doute authentique, écologique et didactique mais aussi sociétal, il y manque toutefois un peu de vie, de chaleur, de tendresse, un je-ne-sais-quoi de plus accrocheur, plus empoignant.
Une légère déception...
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C'est sur un rêve d'Amérique que s'ouvre ce roman, non pas une Amérique de tourisme ou de voyage, plutôt celle glorieuse du saltimbanque avec un fauve en laisse. le printemps 1883 est enfin là et Jules s'impatiente, lui qui sait depuis le début de l'hiver dernier où se terre l'ourse qu'il pistait. Il s'engouffre dans les tuyaux de la tanière en son absence, prie pour une longue sortie de la propriétaire, évite comme il peut les griffures des racines, atteint le cocon des petits, enlève l'un d'eux et finit par dévaler les pentes qui le ramènent au village. Ça y est, Jules est « devenu quelqu'un, il attire les regards, les rues bruissent de jacasseries derrière lui. » Il sera « orsalher » pour les pyrénéens du cru, montreur d'ours pour l'histoire. Mais si l'on suivra l'évolution de Jules avec son oursonne dans des chapitres intercalés, c'est à notre époque et sur ses terres d'origine – celles pour lesquelles il avait eu le pressentiment qu'il ne les reverrait pas – que s'enracinera ce roman.
À Arpiet aujourd'hui l'ours ne fait pas rêver tout le monde. Il y a bien Alma dont c'est le métier de pister les fauves, elle est éthologue et traque « cette part sauvage qui a résisté au monde », avec l'ambition de favoriser la cohabitation du pastoralisme avec ses « êtres de lisière ». Même si les doutes et les questions l'assailliront : « Était-ce ça le sauvage dont elle avait rêvé ? Des ours affublés de petits noms, suivis, filmés, contrôlés, sommés de se plier aux comportements jugés non problématiques par les humains ? »
Il y aurait aussi les locaux, dont peu s'aventurent sur la crête publique d'un militantisme anti-ours. Ils seraient même plutôt pour à vrai dire, si ce n'était le mais qui suivait, « Car il y avait toujours un mais, dans lequel se nichait toute l'ambivalence des réactions que soulevait le fauve, ce mélange de fascination et de peur archaïque, que l'épuisement pouvait faire basculer du côté de la haine. »
Et puis il y a Gaspard. Lui a ses raisons de se méfier du plantigrade. L'été dernier a eu lieu un drame sur les estives dont il avait la garde, la présence de l'ours n'y semble pas étrangère. Alors les montagnes ne font plus vraiment rêver Gaspard quand il doit y retourner en ce début d'été, elles sont même anxiogènes pour ce berger désormais pris de vertige.
Le roman suivra Gaspard et Alma en dévoilant aussi leur passé, mettra en relief la vie trépassée de Jules le montreur d'ours comme un lointain écho pour tenter d'appréhender l'évolution du rapport des hommes au monde sauvage. L'époque semble finie où l'on s'en accaparait pour ses propres intérêts, aujourd'hui la société souhaite le réhabiliter et le préserver, malgré le pastoralisme. Et c'est ainsi qu'entre deux mondes l'ours semble écartelé tel un bouc émissaire, dans « une guerre dont personne ne sortirait gagnant, qui poussait tout le monde à devenir une caricature de lui-même ».

Les histoires d'ours finissent mal, en général. Si l'on n'en est pas persuadé, ce roman « nature writing » ne manquera pas de nous le faire pressentir en dévoilant une tension grimpant crescendo aux abords des parois rocheuses. Un page-turner pyrénéen qu'il serait dommage de laisser s'envoler au gré des vents fous. Très documenté, il nous plonge avec force détails dans le réalisme de la vie pastorale aussi bien qu'éthologique, nous subjugue par la majesté poétique du décor montagnard, nous questionne sur le monde du vivant, le rapport et la cohabitation entre monde sauvage et monde.... Civilisé ?
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« Tout ici n'était qu'engendrement  et dévoration, putréfaction et floraison, joie et douleur. Parfois, il se sentait si intégré à ce magma organique qu'il lui semblait participer de ces transformations en cascade, par lesquelles les plantes, les corps, les minéraux, étaient également décomposés , rendus à la terre, dans un même mouvement dont seules les échelles de temps variaient. »

Les héros de ce roman choral ne sont pas, comme on pourrait le croire, Gaspard le berger, Alma l'ethologue ou Jules le montreur d'ours. Non ce sont les ursidés et la nature, somptueuse et implacable ; La montagne, ses vallées et torrents, ses précipices et son herbe tendre, rude mais tellement belle. Désolée, menacée par le dérèglement climatique. Et par les hommes bien sûr.
Un roman comme un hymne à la préservation des espèces et de l'environnement, foisonnant, questionnant, à l'écriture captivante.

« Nous étions en paix comme nos montagnes
Vous êtes venus comme des vents fous
Nous avons fait front comme nos montagnes
Vous avez hurlé comme des vents fous
Eternels nous sommes comme nos montagnes
Et vous passerez comme des vents fous »

Hovhannès Chiraz « Impromptu »

Une très belle lecture
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Nature writing à la française ! Clara Arnaud est ce qu'on appelle une écrivaine voyageuse. Depuis qu'elle est toute jeune, elle bourlingue en solitaire dans les montagnes du monde, où elle s'adonne à l'écriture. Dernier domicile connu, le haut pays ariégeois ; elle y écrit Et vous passerez comme des vents fous, une trilogie qui t'emmènera, lectrice, lecteur, directement « into the wild », dans les montagnes sauvages des Pyrénées centrales, le pays des ours. En France, c'est là qu'on trouve des ours en liberté — quelques dizaines —, depuis que l'espèce, menacée de disparaître, a été volontairement régénérée dans les années 90, dans le cadre d'une politique d'encouragement de la biodiversité.

L'ours fascine. Capable comme l'homme de se tenir debout, il a toujours occupé une place symbolique majeure dans les imaginaires. Il est une créature mythique, pour laquelle l'homme éprouve une sorte d'affection enfantine, tout en sachant qu'un face à face avec cet animal sauvage et brutal représenterait une menace mortelle. Dès son plus jeune âge, l'homme verrait bien en l'ours un compagnon, mais pour concrétiser cette attirance, il sait qu'il doit accéder à un rapport de maître à esclave.

Jusqu'au début du XXe siècle, des hommes sont ainsi parvenus à élever des oursons et à les dresser, pour en faire plus tard leurs partenaires dans des spectacles de montreurs d'ours. Tombée en désuétude, cette pratique, décriée de nos jours comme moralement indigne, apportait à l'époque une forme de gloire populaire à ces saltimbanques de fêtes foraines.

Aujourd'hui, le rapport de l'homme à l'ours reflète toujours un double sens. La protection des ours en tant qu'espèce oppose des gens bien intentionnés en matière de biodiversité et de respect animalier, à des éleveurs qui, soucieux de préserver leur gagne-pain quotidien, considèrent l'ours comme une menace pour leurs troupeaux. Une expression parmi d'autres de l'antagonisme traditionnel : citadins vs ruraux.

Telles sont les réflexions ayant amené l'autrice à concevoir les trois fictions qui s'entremêlent dans Et vous passerez comme des vents fous. La première raconte le parcours de Jules, un jeune homme de la région, qui, à la fin du XIXe siècle, capture un ourson pour le dresser. Sa carrière de montreur d'ours le mènera outre-Atlantique pour le meilleur et surtout pour le pire.

La deuxième fiction est consacrée à Gaspard, un berger. Il garde huit cents brebis ne lui appartenant pas dans des prés, en altitude, pendant les quatre mois de la période estivale. Il vit avec son troupeau et veille à son intégrité, malgré les maladies, les intempéries, les risques de chutes… et malgré l'ours. Doux, tourmenté par un passé tragique, Gaspard est pacifique. Mais parmi les modestes éleveurs qui lui confient leur patrimoine, quelques-uns ne seraient-ils pas enclins à sortir leur fusil ?

Alma est chercheuse en biodiversité. A l'instar de l'autrice, dont elle est un double, elle a l'expérience de la proximité des ours… en Alaska. Elle défend l'idée qu'une meilleure connaissance de l'ours permet d'anticiper son comportement vis-à-vis des troupeaux et même d'influer sur lui. Dans la troisième fiction, qui se déroule en contrepoint de la deuxième, elle tente de mettre ses principes en pratique.

L'autrice est possédée par la montagne, une montagne hostile, belle comme l'enfer : embûches des pentes, des forêts, des roches, des à-pics ; exposition à la canicule, aux orages, à la grêle, dans des conditions de vie primitives. Au travers des personnages, on ressent son goût pour l'aventure en solitaire, entrecoupée de moments de relâchement festif en société. C'est aussi ce qui ressort de son écriture, dense, touffue, impressionnante par le détail des observations, par la diversité des descriptions, et dont l'expression semble sortir des tripes.

L'aspect documentaire du livre m'a passionné. Mais la montagne de Clara Arnaud et ses personnages ne m'ont pas fait vibrer. Je suis un citadin ; à la montagne, je ne suis qu'un citadin en vacances. Qu'importe ! le livre, comme la montagne, est éternel ; et moi, sans être un vent fou, je ne fais que passer.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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