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En lisant ce roman, j'ai eu l'impression de décrire un tableau proche de une oeuvre d'art, je me suis fondue directement et sans difficulté dans ce paysage, nous sommes en plein centre de la nature, la montagne et ces senteurs, nous sommes loin du monde urbain, et cela fait un bien fou
Chose exceptionnelle le rôle numéro un est un animal , et oui une ourse,
Dans un premier temps nous faisons la connaissance de Jules en 1885, ce denier kidnappe un ourson, il veut l'apprivoiser , devenir un animal obéissant , proche d'un animal de cirque, mais sommes loin de la réalité au fur et à mesure de la lecture, nous découvrons que Jules dégage une verticale empathie il part à travers le mode avec son âme soeur, Peut on vraiment domestiquer un tel animal dans ses conditions, aucun moyens de protection je reste dans un questionnement, Nous faisons la connaisseuse de Gaspard et Alma. Gaspard veut prouver qu'il peut sermonner sa tristesse, en reprenant son rôle berge, Il a vécu le décès d'une amie, une période difficile à panser
Alma est une chercheuse, elle traque l'ours, mais pour mieux les connaître, les comprendre. Alma et Gaspard sont dans leur territoire . Il faut protéger les brebis, les chiens sont une grande aide, berger n'est pas un métier de tout repos, loin de là, ils dorment très peu et sont a l'affût de moindre bruit.
Un respect vis avis de la faune et la flore, garder ce milieu sain,
A travers son roman , l'autrice fait passer de le message des changements climatiques, le réchauffement de la terre, Gaspard doit monter toujours plus haut pour pouvoir nourrir ses brebis,
Alma, toujours à trouver l'ours ou l'ours elle met des cameras dans la nature avec un espoir de les trouver. Les hommes d pays sont pour la mise à mort et non de la protection de l'animal,
Gaspard et Alma arriveront -ils à assouvir leurs rêves,
Un roman très intéressante et extrêmement documentés, je suis encore dans les montagnes et aucune envie dans descendre,
La plume de l'auteure est fluide, sensible, subtile, extrêmement poétique , Un roman touchant et passionnant, un hymne à la vie,
Une pepite que je vous conseille à découvrir de toute urgence,
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°°° Rentrée littéraire 2023 # 28 °°°

Direction le Couserans ariégeois, dans les Pyrénées centrales, territoire où la relation à l'ours est inscrite depuis des siècles, et qui concentre aujourd'hui la plus grande population française d'ursidés depuis leur réintroduction dans les années 1990.

J'ai été immédiatement charmée par le voyage immersif proposé par la prose claire et enveloppante de Clara Arnaud. Les paysages ariégeois nourrissent organiquement le texte. La montagne est LE personnage de ce très beau roman, la matière travaillée par l'autrice dans toute ses dimensions : les pentes, la roche, air, la faune, la flore, sa mysticité, son intimité, un organisme complet, ensorcelant et âpre, dans lequel le destin des hommes est enchâssé dans celui de la nature, ici plus particulièrement celui d'une ourse surnommé la Negra du fait de la teinte de son pelage.

" Tout ici n'était qu'engendrement  et dévoration, putréfaction et floraison, joie et douleur. Parfois, il se sentait si intégré à ce magma organique qu'il lui semblait participer de ces transformations en cascade, par lesquelles les plantes, les corps, les minéraux, étaient également décomposés , rendus à la terre, dans un même mouvement dont seules les échelles de temps variaient."

Trois chapitres, trois saisons, du printemps à l'hiver. Deux personnages humains sont nos guides, le temps d'une estive. Gaspard, le néo-berger, vit avec la menace de l'ourse, ses chiens, ses brebis à protéger, ses peurs et angoisses depuis un terrible incident qui le hante depuis sa survenue l'année précédente.

« Il songea au mot de Maëlle ( sa fille ) . N'aie pas peur. La montagne rêve. Mais à quoi rêvait-elle, effacée dans la nuit ? Elle appartenait à d'autres échelles que les vies qui s'y jouaient, les surfaces lisses et celles abrasées résultaient du temps qui passe et érode ; elle était le temps même, matérialisé dans la roche, divaguait Gaspard. Il regarda Jean, dont le torse nu, noueux et bruni par le soleil se soulevait au rythme lent de sa respiration. le vieux n'avait jamais froid, il pouvait endurer des vents glacials et des trombes d'eau et, dans la fraîcheur des nuits d'altitude, persévérait à dormir torse nu, sa peau-cuir exhibée, dont les tries, la patine disaient le grand âge. (...) Les nuages avaient de nouveau formé une nasse, le ciel était outrenoir, comme dans les toiles de Soulages, d'un noir plein de relief, qui révélait les contours, la matière même des choses. N'aie pas peur, la, montagne rêve, se répéta-t-il encore comme une formule magique venue de cette civilisation perdue qu'est l'enfance. »

Alma, éthologue, travaille au Centre national de la Biodiversité, prône une « science qui tache », un engagement physique constant et une confiance en ses intuitions plutôt que de réfuter toute part de subjectivité à l'observation protocolaire. Persuadée qu'une meilleure connaissance du comportement de l'ours et de l'usage de son territoire est nécessaire à une cohabitation sereine avec les hommes.

Clara Arnaud aura pu faire le choix d'une confrontation brutale entre Alma et Gaspard. Elle se fait au contraire apaisée, malgré les enjeux et les brebis tuées par l'ourse. Leurs regards différents sur le vivant se croisent en une belle complexité qui nourrit une réflexion riche et une interrogation profonde sur notre rapport au sauvage, à ce qui échappe au contrôle des hommes. Sans angélisme, sans pour autant transformer son roman en tribune politique ( bien qu'on sente aisément de quel côté penche le coeur de l'autrice ), sans jamais que le texte ne sonne comme « donneur de leçons ».

Je ne suis pas totalement convaincue que l'arc narratif parallèle racontant l'histoire d'un montreur d'ours ariégeois parti chercher la gloire à New-York avec son ourse capturée toute petite sans sa tanière, apporte réellement au roman, l'histoire d'Alma, Gaspard et de la Negra se suffisamment en elle-même. Mais j'ai aimé lire ces pages-là qui soulignent l'intrication ancestrale entre les ours et les hommes.

Un roman subtil et authentique, parfaitement incarné, rempli d'émotions, de souffle, de poésie, de vie.
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Ce sont le passage de Clara Arnaud à La Grande Librairie et cette magnifique couverture qui m'ont convaincu d'ouvrir ce roman qui nous plonge dans les Pyrénées ariégeoises en compagnie de trois personnages qui y côtoient les ours.

Le récit s'ouvre à la fin du 19ème siècle en compagnie de Jules, qui se glisse dans la tanière d'une ourse afin d'y dérober une oursonne de quelques semaines. Rêvant de gloire aux Etats-Unis en tant que montreur d'ours, il domestique son ourson et lui apprend des numéros de cirque.

Puis, de nos jours, nous suivons alternativement Gaspard et Alma. Lui est un jeune berger qui garde les troupeaux de brebis durant l'estive, mais qui s'avère hanté par un terrible drame survenu l'année précédente. Elle est une éthologue, spécialiste des ours, travaillant pour le Centre national de la Biodiversité, qui étudie le comportement des ursidés afin de faciliter leur réintroduction et leur cohabitation avec les hommes.

Ces trois protagonistes permettent à l'autrice d'offrir des regards différents sur ce milieu montagnard et son habitant le plus impressionnant : l'ours ! La présence de ce dernier insuffle une tension constante à ce roman particulièrement immersif, qui ravira sans aucun doute tous les amoureux de la montagne. le drame qui a frappé le troupeau de Gaspard l'été dernier n'a d'ailleurs fait qu'accentuer l'opposition entre ceux qui cherchent à réintroduire l'ours dans son habitat naturel et les locaux qui en ont ras-le-bol de retrouver leurs brebis déchiquetées. de plus, Clara Arnaud profite de ce séjour en montagne pour nous confronter aux conséquences du réchauffement climatique, tout en nous invitant à réfléchir sur la préservation des espèces.

N'ayant pas trop aimé « Les huit montagnes » de Paolo Cognetti (oui, c'est moi), je ne suis probablement pas le public cible de ce roman. Cependant, malgré quelques descriptions parfois un peu longues pour le citadin que je suis et certains passages un peu redondants, j'ai beaucoup apprécié ce petit séjour particulièrement instructif en montagne. Ce qui m'a finalement le plus « dérangé », c'est que les fils des différentes intrigues ne se rejoignent finalement pas. du coup, je m'interroge un peu sur l'utilité de cette double temporalité car l'arc narratif parallèle consacré à Jules n'apporte pas grand-chose aux récits de Gaspard et d'Alma…qui ne se croisent pas non plus énormément. Je lis probablement trop de polars !
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Une première de couverture éblouissante, un titre magnifique, deux accroches irrésistibles pour pénétrer dans ce beau roman et se laisser envahir par la poésie, la mélancolie, la nostalgie, l'amour de la terre et des bêtes qui en émanent. Et tout cet ensemble au coeur des montagnes ariégeoises, sans doute pas les plus prestigieuses des Pyrénées mais qui portent, comme tant d'autres, toute cette féerie de la montagne et de ceux qui la parcourent, ici bergers et brebis, ours et loups, randonneurs, ailleurs alpinistes conquérants de l'inutile.

Trois personnages bien différents structurent parfaitement cette histoire.

D'abord, le berger, Gaspard, en proie aux doutes permanents devant son avenir, qu'il s'agisse du court terme de l'estive annuelle, ou du plus long terme incertain. Gaspard est très bien dépeint par Clara Arnaud, elle extrait de sa personnalité tout ce qui en fait un véritable homme de la nature, aimant passionnément ses bêtes, prévenant leurs souffrances, les abrégeant si nécessaire en une douleur partagée, aimant aussi sa famille et l'humain en général même lorsque ceui-ci peut l'irriter, l'assaillir, lui faire entrevoir le mal qu'il veut nier à tout prix.

Ensuite, Alma, fille beaucoup plus complexe que Gaspard, elle étudie le mode de vie de l'ours, veut concilier sa présence avec l'activité des bergers et la protection des brebis. Elle est une résistante, peut-être le plus beau trait de sa personnalité, capable de dire non, de n'en faire qu'à sa tête, au prix des souffrances de son corps et de son âme.

Enfin, Jules, moins présent dans le roman, son histoire qui se déroule à la fin du XIXe siècle, alternant avec celles de Gaspard et Alma. Il a soif de conquête, Jules, de célébrité, d'une autre vie au-delà de l'océan et pour cela, à cette époque, pourquoi ne pas devenir un montreur d'ours?

Tout l'ensemble donne un roman prenant malgré quelques longueurs supportables, avec surtout des descriptions élaborées de la montagne, des ours, peut-être un peu trop vus sous l'aspect scientifique. Clara Arnaud traduit également très bien les méfiances diverses des humains, de ces lieux reculés d'Ariège qui ne connaissent pas la fibre, elle dresse des tableaux très réalistes des différents protagonistes imaginés dans son roman.

Un bémol pour moi : le fait qu'elle ait choisi de modifier le nom des lieux, le pic Montcalm devenant le mont Calme, Les Trois Rois transformés en Trois Reines et le lac de Bethmale affublé d'un autre nom proche dans sa sonorité.

Enfin, l'approche de l'ours reste très romancée bien que correctement documentée. Pour lire de la belle littérature sur les ours, il faut aller vers Doug Peacock et les grizzlies des Rocheuses et on va bien sûr parvenir bien au-delà de ces vents fous qui ont quand même forgé un très beau roman de montagne et d'humanité.
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Transhumez vers ce roman !
Gaspard, pas le roi mage, est un berger Pyrénéen qui accompagne les brebis en estive dans le Couserans et rencontre des problèmes de voisinage avec un plantigrade lassé des légumes, ce que je peux tout à fait comprendre. Mort aux brocolis ! Tapage nocturne, tartare sauvage, déchets dans les parties communes, autant vous dire que le règlement de copropriété à haute altitude a du plomb dans l'aile.
Alma fréquente aussi ce territoire enclavé. Elle est éthologue, métier qui consiste à être payé pour observer le comportement d'animaux sauvages dans leurs milieux naturels. Il y a pire comme besogne. Certains comptent les oiseaux migrateurs ou enregistrent le brame du cerf sans s'endormir avec des tenues de camouflage dignes des forces spéciales. Elle a choisi l'option ours car c'est quand même plus sympa que de s'intéresser à la sexualité des punaises de lit et qu'elle adore les grosses bestioles sauvages qui concurrencent l'homme dans son statut de prédateur.
Le troisième personnage du roman est un montreur d'ours, Jules, qui quitta l'Ariège au début du siècle dernier pour aller chercher gloire et fortune en Amérique. Les chapitres consacrés à cette remontée dans le temps ressemblent à ces cartes postales anciennes et jaunies qui montraient ces dresseurs en sabot exposer fièrement leurs ours muselés devant des populations fascinées.
Clara Arnaud aime les territoires âpres, sauvages où la nature fixe les règles et ce roman restitue à merveille cette soumission des hommes aux caprices de la montagne. Elle ne décrit ni les dévoreurs de sommets à piolet qui veulent dominer le monde ni les sentiers de randonnées bien balisés pour citadins venus sniffer un peu d'air frais. Elle décrit la montagne de ceux qui y vivent et travaillent dans des conditions difficiles mais qui sont incapables d'en partir, comme ensauvagés par ces territoires qui résistent au haut-débit. Des femmes et des hommes à l'opposé des animaux nés en captivité et qu'il est impossible de relâcher dans la nature.
Même si le coeur de l'auteure balance du côté de nounours, le récit n'est pas manichéen et ne se limite pas à une confrontation binaire entre les pro et les anti Winnie. On sent que Clara Arnaud a dormi dans des refuges qui puent les pieds, qu'elle a partagé du saucisson tranché avec un coutelas rouillé et tartiné du fromage de chèvre sur du pain de la veille. On l'imagine remplir des carnets au bord d'un torrent. Ses pages sont patinées de rosée. La vie en estive, l'isolement, l'attachement aux bêtes et la crainte des attaques nocturnes sont parfaitement restitués. Patou-che au troupeau !
Le récit n'a pourtant rien de contemplatif. L'isolement des personnages est une invitation aux introspections mais le lecteur ne passe pas des heures à jumeler des animaux invisibles et à admirer des rochers en répétant « que c'est beau, qu'on est bien » pour se convaincre que le spectacle méritait de se lever en pleine nuit et de revenir avec des ampoules aux pieds, le dos meurtri par un sac à dos chargé comme un cartable de collégien.
L'été précédent, un drame a endeuillé le Couserans et une partie du troupeau de Gaspard avait fait le grand saut sans parapente ce qui a porté à ébullition les opposants et les partisans de l'ours. C'est cette tension, associée à la présence de l'ours, qui anime le roman, éveille les consciences, bonnes ou mauvaises et provoque des outrances.
Ce roman, outre son sujet, présente quelques ressemblances avec « La Grande Ourse » de Maylis Adhémar, mais je trouve le livre de Clara Arnaud plus immersif car il ne quitte pas la Montagne et s'intéresse peu aux opinions citadines.
Comme cette lecture m'a donné envie de partir aux champignons avant l'hibernation, je ne vais pas faire plus long.
Le lecteur qui a vu l'ours.


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Ce passionnant récit d'estivage pyrénéenne suscite finalement plus de questions qu'il n'apporte de réponses.
- Est-il « politiquement correct » de nommer « Negra » le protagoniste d'un roman en se référant à sa couleur ?
- Qu'est devenu le descendant disparu de Negra ?
- Qui a tué Negra ?
- Pourquoi Thomas Edison s'intéresse-t-il au dressage d'ours ?
- Pourquoi un « Docteur en biologie comportementale » adopte-t-il une posture infantile vis-à-vis de son responsable ?

Clara Arnaud met en scène de multiples acteurs, dans deux tragédies distantes de plus d'un siècle, où les ours jouent le premier rôle.

Au XIX siècle, Jules Piquemal dresse un ours pyrénéen puis l'exibe dans les deux Amériques, d'abord dans de misérables cirques puis dans les salons huppés de New York où le génial Thomas Edison en fait une célébrité ; la fin est brutale.

En notre siècle, Gaspard (probable référence au montagnard de Henri Pourrat), mène un troupeau de huit cents têtes prendre ses quartiers d'été en altitude. Il est encore marqué par la chute d'Ilia, l'été précédent. Il a renoncé à faire carrière, contrairement à son frère fonctionnaire européen à Bruxelles, et décidé de revenir dans sa région natale. Marié à Lucie, ils ont deux filles Alice et Maëlle.

Alma, éthologue au CNB (Comité National de la Biodiversité), observe les ours afin de limiter la menace qu'ils représentent pour les troupeaux. Dotée de brillants diplômes elle a mené des missions sur divers continents dont elle a rapporté de multiples observations, développé une culture multiculturelle et nourri sa vive curiosité. Elle semble avoir tout pour réussir mais, très vite, elle développe un rapport enfant-parent avec son responsable hiérarchique et refuse de rendre compte de l'avancement de ses observations.

C'est alors que le troupeau de Gaspard est décimé nuitamment et que les soupçons se tournent vers Negra, une femelle accompagnée de ses oursons, qui rode dans les parages. Tragédie qui se dénoue dans un bain de sang.

Allant jusqu'à couper son téléphone pour rester sourde aux consignes de son chef, Alma est suspendue et demande à être mise en disponibilité pour fuir chez sa mère. Rien dans le récit ne met en évidence un éventuel harcèlement de sa hiérarchie. Alors ce burn out, sa vulnérabilité trouve-t-elle ses racines dans l'histoire paternelle ?

La romancière conclut par cette phrase sibylline « on ne saura jamais ce qui lui est arrivé. Mais on peut l'imaginer ». A chacun, en toute liberté, d'imaginer les réponses aux questions soulevées par Clara Arnaud.

PS : Alma étant traduit par Âme, relisons « Des âmes simples » qui nous hissent vers les mêmes sommets

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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« Nous étions en paix comme nos montagnes
Vous êtes venus comme des vents fous
Nous avons fait front comme nos montagnes
Vous avez hurlé comme des vents fous
Éternels nous sommes comme nos montagnes
Et vous passerez comme des vents fous »

Hovhannès Chiraz « Impromptu »

Ce texte d'un poète arménien qui clôt ce livre, lui a donné son titre, magnifique. Magnifique aussi, cette couverture. Magnifique, enfin et surtout, ce texte à la fois poétique et ancré dans la nature, ces personnages forts, qui font comme ils peuvent, échappant à la caricature, grâce aux nuances que sait leur donner l'autrice.

Une plongée au coeur de la nature, au coeur de la montagne, entre cimes et combes, entre brumes et torrents, entre ourse et brebis, entre bergers et éthologues, le temps d'un été, le temps d'une estive là-haut dans la montagne.

Gaspard est berger. Il garde les troupeaux de brebis le temps de l'estive. Celle de l'an dernier a connu un accident et l'a fragilisé. Était-ce l'ourse ? On ne le sait pas. Mais il a choisi de remonter quand même cette année. Jean le vieux berger l'y a encouragé.
Alma est éthologue, spécialiste des ours. Elle étudie leur comportement, pour mieux les comprendre, pour essayer de faciliter la cohabitation avec les hommes, ce qui n'est pas facile dans cette vallée des Pyrénées où les prélèvements des ours sur les troupeaux attisent la colère.
Jules vivait à une autre époque, celle des montreurs d'ours. Il partit aux Amériques devenir célèbre.

Ces trois personnages interviennent tout à tour dans ce roman choral. Les deux premiers s'y croisent, s'apprécient. Cependant le personnage principal y reste la nature, cette montagne si bien racontée par l'autrice, et les animaux qui la peuplent, et en particulier cette ourse et son petit.

J'ai découvert le métier de berger, les soins à apporter aux bêtes, leur entente importante avec les chiens. J'ai mieux appréhendé le métier de ces éthologues, comment détecter les traces du passage des bêtes, passer des jours à l'affut pour voir de visu les animaux, mais aussi plus terre à terre scruter les images enregistrées par les caméras.

J'ai vécu quelques jours avec eux tous, partageant leur quotidien, la tête pleine d'images, le souffle souvent coupé pas seulement par la raideur des pentes, mais par la beauté de cette écriture, ces mots choisis si justement, traduisant à la fois la beauté des paysages, la dureté du métier de berger, l'émerveillement devant la faune, la fraicheur de l'eau qui court, même si elle a tendance à se raréfier depuis quelques années.
Une lecture en apesanteur, loin dans les montagnes, où le drame survient parfois, mais où les hommes, la plupart tout au moins, essaient malgré tout de vivre en équilibre avec la nature.
Un immense merci à Babelio et aux éditions Acte Sud pour ce roman reçu grâce à une masse critique privilégiée.
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Tout d'abord , un grand merci aux éditions " Actes Sud " et à l'équipe de Babelio qui m'ont permis de découvrir un ouvrage qui devrait toucher un nombreux public , tant par son thème que par la puissance qu'il dégage .
L'ouverture est somptueuse ,, vraiment . Terres de traditions les Pyrénées ariégeoises sont un territoire naturel pour les ours et la capture d'un ourson par le jeune Jules , lui permettra de parcourir le monde en compagnie de cet animal sauvage considéré comme guérisseur de nombreux maux et de s'enrichir jusqu'au moment où...Nous sommes en 1902 ,puis bientôt projetés dans les années 2000 avec Gaspard , berger de retour vers la nature et Alma , jeune éthologue venue étudier l'adaptation des ours dans ce somptueux décor de montagne . Entre Gaspard et Alma , l'entente reste cordiale jusqu'à ce qu'un évènement tragique vienne perturber un peu plus des caractères déjà fragiles et compliqués .
Le décor est somptueux , les mots , ,les phrases , les descriptions semblent couler , entrainés par les eaux fraîches des torrents .Tout est sublimé par une plume d'une incroyable beauté .On vit la transhumance , on vit l'organisation , on vit les interventions des chiens , on vit une merveilleuse odyssée dans le monde pastoral , ce monde végétal et minéral dans lequel se " vautrent " les ovins . Bref , on y est , on y vit , il suffit de laisser se promener notre regard .Mais ce tableau idyllique ne saurait masquer les peurs des hommes , dont Gaspard , leurs inquiétudes face au changement , ou plutôt dérèglement climatique , et la peur viscérale de ce fauteur de troubles , adulé par les uns , haï et détesté par les autres ...
Au delà du décor somptueux surgissent les réflexions concernant le devenir de l'homme dans ce milieu et , surtout , le devenir de traditions ancrées dans un passé devenu bien lointain .Gaspard est tourmenté , tout comme Alma , du reste , spectateurs impuissants face à la cohabitation avec la bête . le combat serait -il perdu d'avance pour les uns ou les autres ?
Ce roman est dense . Il se savoure , n'autorise pas le survol , pose question du début à la fin . L'auteure ne prend pas partie mais donne à voir. Il convient de s'imprégner de solitude , de lenteur , accepter de se fondre " chez les taiseux ", comprendre les moments où l'alcool devient remède au mal être .
Trois personnages inoubliables , un décor fabuleux et une majesté toujours présente et objet de tous les regards , l'ourse .
Un roman qui pourrait bien nous inciter à revoir un film éponyme de Jean-Jacques Annaud . Un trés beau roman et ...un trés beau film .
Bonne soirée , amis et amies et au moment du coucher , pensez bien à prendre votre nounours dans vos bras avant de dormir .Avec lui , vous ne risquez rien ... enfin , en principe .
A bientôt .
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Et vous passerez comme des vents fous, ce titre étrange est un vers extrait d'un quatrain du poète arménien Hovhannès Chiraz, venant clore ce merveilleux roman de Clara Arnaud.
Le récit s'ouvre en 1883, dans une vallée des Pyrénées centrales. Un jeune garçon, Jules, vient enlever subrepticement à sa mère, une oursonne de quelques semaines dans sa tanière. Cette scène sidérante de capture est l'entame du livre. L'animal ainsi capturé va ainsi très vite être asservi, Jules redescend dans la vallée, chez le forgeron, pour que celui-ci perce la cloison nasale de l'ourson, lui glisse un anneau de fer auquel sera fixé une chaîne qui ne quittera plus jamais l'animal. Cette scène fait écho à une photographie ancienne figurant au tout début du livre. On y voit un homme debout faisant face à un ours muselé, enchaîné qui se dresse à hauteur de l'homme, fier, narguant la bête, avec dans les yeux un regard mêlant l'admiration et la domination. Il était fréquent entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle de voir des jeunes hommes devenir ainsi des dresseurs d'ours, des saltimbanques, qui capturaient des oursons dans leurs tanières, puis qui les dressaient, les éduquant pour en faire des ours dansants, des bêtes de foires, partaient avec eux sur les routes de France, d'Europe, parfois traverser l'océan Atlantique, tentant de faire fortune aux États-Unis, voire en Amérique latine…
Je regarde longuement cette photographie qui porte, de manière symbolique, dans ces deux regards qui s'affrontent, - celui de l'homme et de la bête, toute la force du roman, une sorte d'amour-haine à jamais posée comme un défi.
La relation à l'ours fait partie de la montagne depuis toujours… Cette relation entre l'amour et la haine est entretenue aujourd'hui plus que jamais dans les Pyrénées mais aussi dans les autres paysages montagnards, par la réintroduction massive de l'ours.
Et c'est ainsi que Clara Arnaud nous invite à un récit contemporain où l'histoire de Jules devenu montreur d'ours et de son ourse captive va venir s'entrelacer à la réalité montagnarde d'aujourd'hui, résonnant tragiquement avec le présent.
C'est un roman à la dimension chorale qui nous fait entendre la voix de plusieurs personnages que la montagne unit. Parmi ces voix se détachent celle d'Alma et celle de Gaspard.
Alma est une jeune femme éthologue, travaillant au service du Centre national pour la biodiversité, elle est venue ici dans le cadre d'une mission d'observation pour mieux comprendre le comportement des ours : une meilleure connaissance de ces plantigrades permettrait en effet d'avoir des réponses mieux adaptées aux phénomènes de prédation dont sont victimes parfois les troupeaux au cours des saisons d'estive.
Justement, l'autre personnage est un berger solitaire, amoureux de la nature, Gaspard, confronté à l'ours qu'il voit comme un prédateur, venant attaquer ses troupeaux, manger parfois une brebis, suscitant l'angoisse de perdre de nouvelles bêtes.
Tous deux savent communier avec la montagne, chacun à sa manière. Forcément, tous deux n'ont pas le même regard sur l'animal.
Le récit offre un chassé-croisé de leurs itinéraires durant trois saisons, printemps, été automne, entre la vallée et l'estive, avec comme toile de fond tout ce que la présence de l'ours qui rode dans les parages suscite comme émois, passions, tensions, jusqu'aux conflits…
Le ressort narratif tient dans cette incompréhension des relations, vite dépassée par quelque chose de plus grand, l'autrice réussissant subtilement à hisser le récit dans une autre dimension, à la hauteur des massifs montagneux qui surplombent le texte.
J'ai été séduit par l'écriture poétique de Clara Arnaud. Tissant un roman généreux dans un grand respect des uns et des autres, elle sait développer une puissance évocatrice qui mêle la réalité sociologique des vallées qui se dépeuplent à la dimension intemporelle, presque mythique d'un territoire de montagne.
Le récit devient brusquement cet espace où des gens vivent, où tout commence, où tout finit, un territoire d'errance, un territoire indomptable ou presque...
Clara Arnaud dit la solitude d'un territoire de montagne, sa grandeur, son âpreté, la lumière qui pénètre dans ces forêts anciennes, la lumière qui s'en éloigne aussi. C'est un monde dont la verticalité étouffe par endroit, dans l'isolement des transhumances, une montagne qui enferme autant qu'elle protège.
Clara Arnaud nous invite dans les vertiges du paysage, ses béances, ses combes, ses surplombs, ses fractures et ses déchirures aussi douloureuses que celles des personnages.
C'est une montagne avec ses propres règles, ses propres codes de vie, où hommes et bêtes ont mêlé leurs pas, leurs traces de manière indistincte. C'est une montagne qui ensorcèle, fait rêver, nourrit, broie, avale, digère, à laquelle beaucoup appartiennent viscéralement, qu'ils ne quitteraient pour rien au monde. D'autres viennent, novices dans le paysage, rêveurs ou inconscients, tentent de l'apprivoiser. Clara Arnaud dit tout cela aussi dans son roman.
La figure mythologique forte de l'ours et de son rapport à l'homme ne cesse de venir enchanter les pages.
Je me suis demandé pourquoi l'évocation de l'ours suscite immédiatement des réactions épidermiques du côté de notre versant des Pyrénées, alors qu'à Somedio de l'autre côté en Espagne ils font la fierté des vallées et ont leur musée. Alors qu'en Alaska les ours sont rois...
Ici Alma doit mener son travail presque en catimini, car sa mission pourrait lui valoir des menaces. Pourtant elle ne veut pas prendre part à la guerre de l'ours qui agite les estives et la vallée.
Alors, je l'ai suivie dans ces affuts, observant de loin une ourse et son petit, notant scrupuleusement le moindre détail dans son carnet. J'aimais son regard émerveillé devant la beauté d'une reine dans son royaume. J'étais si près d'elle dans cette scène rendue si belle par cette simple communion avec le vivant que j'aurais presque entendre sa respiration, capter les battements de son coeur. J'ai aimé être littéralement plongé en immersion, bivouaquant, vivant dans la montagne, avançant en embuscade, épris de cette quête.
Pourtant, Clara Arnaud n'a pas écrit un roman pastoral aux accents régionalistes, à la manière d'une carte postale bucolique et gentillette en provenance des Pyrénées. Enfin, dirais-je, un roman de montagne qui ne glorifie pas l'exploit individuel des cimes mais l'humilité des gens invisibles dans la vallée en-bas, c'est fort appréciable ! Dans un style pourtant totalement différent, ce livre par moments m'a fait penser à l'univers dépeint par Charles-Ferdinand Ramuz.
A travers ce récit, Clara Arnaud interroge notre rapport au sauvage, notre rapport à ce qui échappe au contrôle, notre rapport à la montagne aussi, à ce qui est plus grand que nous.
Clara Arnaud raconte la montagne avec la complexité d'un espace dans lequel les hommes et les bêtes, sauvages, domestiques, voient leurs destins enchâssés, entremêlés, parfois entrer en conflit.
Elle nous délivre au final un territoire réensauvagé, reconquis par la forêt, à la faveur de l'abandon des populations, où l'homme est une petite chose, revient à cette chose qui le rend humble, le remet à sa place, à sa juste place qu'il n'aurait peut-être jamais dû quitter, c'est-à-dire une place parmi les autres vivants, parmi les animaux, parmi le végétal, parmi le minéral. Une place où il ne serait plus le prédateur qu'il est devenu aujourd'hui.
Je remercie l'équipe de Babelio et les Éditions Actes Sud pour l'envoi de ce très beau roman grâce à une masse critique privilégiée.
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Des images plein la tête. Des rêves plein mes nuits.
Voilà déjà ce que je retiendrai de ce magnifique roman.
J'ai marché, grimpé, j'ai arpenté les Pyrénées.
Je me suis assise au bord d'une roche, me suis trempée dans un torrent glacé.
J'ai admiré les paysages grandioses, écouté le silence.
Et j'ai vu l'ours.

Mais j'ai appris aussi. J'ai appris à mener les brebis à l'estive. A observer leur comportement et deviner leur bien ou mal être, à soigner leurs maladies. J'ai été bien aidée par les chiens, un vrai savoir-faire ces bêtes !
J'ai appris à reconnaitre les traces laissées par l'animal, à poser des appareils de détection, à déployer une longue-vue sans faire de bruit, à noter scrupuleusement l'interaction entre l'ourse et ses petits.
Un vrai roman didactique ! Mais pas que. Ho non !
Un roman qui parle d'écologie aussi, de réchauffement climatique, de la place de l'homme et de l'animal, en cohabitation voulue ou tolérée, de la vie sauvage, du monde minéral pyrénéen et de verticalité.
Mais aussi et surtout un roman qui parle de ces personnes, véritables marins des cimes, qui recherchent inlassablement leur appartenance au monde, celui de la nature dure implacable, cruelle parfois, mais belle aussi, majestueuse et si riche d'enseignements. Un monde bien loin des mondanités, des faux-semblants. Un monde respectueux de tous, hommes comme animaux.
Ce roman est un bain de vigueur. Un livre puissant qui vous souffle force, poésie, émotion. Un livre qui remet la nature à sa place, à sa juste place, avec autant de brutalité que de délicatesse.

Ce très beau roman met en scène trois personnages. D'abord Jules, à la fin du 19e siècle parti des Pyrénées jusqu'en Amérique avec son ours domestiqué. Puis de nos jours, Gaspard, berger depuis cinq ans qui assure l'estive pour les éleveurs de la vallée. Et enfin Alma, jeune scientifique éthologue, spécialiste de l'ours.
Trois choix de vie et pour chacun un rapport différent à l'animal.

Merci à Babelio et aux éditions Actes Sud pour cette très belle lecture du vivant et du minéral.
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