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EAN : 9782330181840
512 pages
Actes Sud (23/08/2023)
3.97/5   38 notes
Résumé :
Dans une vallée isolée d’Amérique centrale, peu après l’assassinat de leur mère, militante de la cause des indiens lenchuas, trois sœurs se trouvent confrontées à l’édification d’un barrage qui impose à la terre de leurs ancêtres les enjeux politiques et les aléas écosystémiques d’une modernité “verte”.

El Encanto, Amérique centrale

Un matin de mai 2012, Suyapa, une militante écologiste de la communauté lenchua, est retrouvée dans son l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
En attendant "Et vous passerez comme des vents fous" de Clara Arnaud, une de mes bibliothécaires m'a proposé de lire "La verticale du fleuve" de la même autrice.

C'est un livre très dense où l'autrice, sans manichéisme, présente les divers aspects de la construction d'un barrage hydroélectrique au Honduras qui va d'une part apporter l'électricité, le modernisme et le confort aux populations autochtones, une électricité verte aussi qui va dans le sens de l'écologie, et d'autre part va défigurer toute une magnifique région, va entraîner la destruction des écosystèmes, le déplacement des populations en zone inondable, la perte de l'âme de la rivière...

Ce barrage qui va apporter des emplois dans une zone où l'inactivité entraîne trafic de drogue, corruption, délinquance, va dans le même temps affecter la population d'indiens lenchua, déjà déplacés par le passé, et tout leur mode de vie.

L'autrice, ayant vécu quelques années au Honduras, arrivée peu de temps après l'assassinat de Berta Caceres, une militante écologiste et représentante de la communauté lenca, s'appuie sur ce fait réel pour écrire son roman. Berta Caceres avait reçu le prix Golman pour l'environnement. Elle luttait contre ce projet de barrage.

Dans le roman, on découvre Suyapa, la militante écologiste, ses 3 filles Luisa, Indira et Marla divisées sur la question du barrage, la Abuelita qui restera accrochée à ses convictions jusqu'au bout.
Mais aussi, une multitude de personnages, chacun apportant un éclairage différent sur le sujet.

En effet, de nombreux ouvriers vont occuper la vallée pendant quelques années, ils seront prétexte à mettre en lumière (si je puis dire ;) ) différents points de vue, parfois opposés mais tous recevables.

L'impact que représente cette grande infrastructure qui va changer le visage de la vallée du Lindo est énorme.
Ambitions, enjeux politiques, économiques, écologiques, psychologiques, sont les thèmes principaux de ce roman mais il est si foisonnant que l'autrice arrive à parler de tout, avec une écriture très agréable, souvent très poétique parfois assez moderne et parfois un peu familière mais toujours adaptée au contexte.

"La verticale du fleuve" est un roman choral très intéressant, j'ai trouvé les descriptions des travaux un peu longues mais la psychologie des personnages (attachants) est bien étudiée pour présenter les différentes opinions.
La découverte de cette autrice talentueuse me conforte dans l'envie de lire son dernier roman !

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Suyapa, militante écologiste, est retrouvée morte dans son lit, abattue de plusieurs coups de feu. Elle doit probablement cette fin tragique à sa lutte contre un projet de barrage impliquant la destruction des terres de la communauté lenchua, dont elle était une représentante. Elle laisse derrière elle trois filles adultes, qui ont emprunté des chemins très différents. L'aînée Luisa vit aux Etats-Unis où elle est avocate d'un cabinet prestigieux. Marla, la plus jeune, subit en silence un mariage peu satisfaisant. Après des études de biologie effectuées dans une université américaine, Indira, la cadette, est revenue vivre à El Encanto. Elles se retrouvent lors du procès des assassins de leur mère, à l'occasion duquel la justice se donne bonne conscience en condamnant des exécutants, laissant les commanditaires impunis.
La construction du barrage est lancée, malgré la mauvaise publicité induite par le meurtre. Mais depuis la mort de Suyapa, les détracteurs du projet, dissuadés à coups de menaces et d'intimidation, se font rares.

C'est un chantier pharaonique. le récit de la construction du barrage n'est pas sans évoquer la "Naissance (du) pont" de Maylis de Kérangal (la nature torrentueuse de la langue en moins) par son approche à la fois minutieuse et multipliant les points de vue, mais aussi par la dimension épique et galvanisante que lui confèrent sa durée et son gigantisme. En s'attardant sur divers personnages représentant la pluralité des métiers à l'oeuvre -terrassiers, spécialistes, géologues, contremaîtres…-, dont elle met en lumière les particularités, les contraintes et les expertises, elle nous emmène des bureaux des chefs de chantier où se prennent les décisions déterminées par les injonctions de lointains commanditaires aux souterrains où les mineurs préparent la destruction de la roche, et nous immerge dans le quotidien des ouvriers, pendant et après le travail. On intègre cette communauté temporaire et grouillante d'hommes sans port d'attache, exilés volontaires qui le temps d'une mission recréent les conditions d'une micro société, avec son organisation et sa hiérarchie -l'officielle, ainsi que celle liée au prestige de certains métiers plus dangereux, plus spectaculaires que les autres-, mais aussi ses amitiés, ses dissensions, ses rivalités, et les maux qu'engendre cette vie nomade -alcoolisme, divorces, instabilité affective. La tension est permanente : il faut tenir les délais contre la météo, les surprises du terrain et toute sorte d'imprévus, tout en limitant les risques d'accidents.

Pendant ce temps, Indira étudie l'impact de la construction du barrage sur l'écosystème, constate avec une frustrante impuissance l'altération irrémédiable de ses équilibres. A l'encontre de l'arrogance des hommes qui veulent dompter une nature qu'ils ne conçoivent que sous une dimension utilitaire, elle mêle son rapport intuitif au monde du vivant à l'humble et curieuse rigueur de l'observation naturaliste, l'un se nourrissant de l'autre. Si elle a hérité de sa mère (et de ses ancêtres) cette relation quasi charnelle avec son environnement, elle a fait le choix, contrairement à Suyapa qui avait à coeur de défendre ses semblables les plus vulnérables, de se consacrer à un monde où les arbres, les nuages, les insectes et les oiseaux sont de plus sûrs compagnons que les hommes.

Sans manichéisme, Clara Arnaud expose les arguments, a priori tous recevables, qui s'opposent autour de la construction du barrage. Comme en écho à cette opposition, l'auteure évoque celle qui confronte les sons de la forêt (dont on perçoit aussi les odeurs animales et végétales), au fracas destructeur du chantier.

Contre la préservation de territoires ancestraux et des écosystèmes, les adeptes du barrage avancent la nécessité de développer des énergies renouvelables, l'introduction de la modernité et la relance de l'activité dans une région économiquement sinistrée, dont les champs de bananiers, malades, ont été abandonnés pour les maquilas où on confectionne des jeans au kilomètre, et remplacés par des plantations industrielles de palmes africaines. Ce sont, au-delà des justifications pragmatiques, l'affrontement, inégal, entre deux visions du monde, dont l'un, tel un rouleau compresseur, impose son dogme. Il s'agit de faire adhérer la majorité au modèle matériel et consumériste. Perdre sa liberté et son lien avec ses origines, pour la promesse d'une cuisine équipée, d'un toit solide et une dette à vie. C'est un combat perdu d'avance. Les institutions ultradominante censées défendre les intérêts des communautés et le respect des traités internationaux envoient quelque émissaire qui, en donnant le change, leur permettra de préserver leur image sans avoir besoin d'agir.

Il faut par ailleurs composer avec les fléaux qu'engendre un système fondé sur le règne du profit implanté dans un pays corrompu à tous les niveaux. La violence et la corruption (représentée ici entre autres par l'odieux personnage du maire d'El Encanto) y sont omniprésentes, et les assassinats perpétrés par de groupes criminels y sont devenus banals. Retrouver des corps ou des morceaux de corps dans ces sacs plastique qu'on appelle des embolsados est dorénavant presque monnaie courante…

Vous l'aurez compris, "La verticale du fleuve" est un roman très riche, qui n'échappe pas toujours, dans sa volonté d'exhaustivité, à une certaine forme de didactisme. Mais la diversité et la complexité de ses personnages, ainsi que le souffle -qui se fait parfois lyrique- que Clara Arnaud instille à son intrigue, font vite oublier ce petit défaut.

A lire.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Ce roman fleuve a submergé mon plaisir. Trop de barrage, trop peu d'écologie.
L'opposition au grand oeuvre hydro-électrique a échoué contre la paroi du monstre de béton. Les travaux sont décrits avec une minutie remarquable ; la tension du chantier est palpable : la texture des nombreux personnages est dessinée avec une grande justesse.
L'écriture précise et dense séduit puis essouffle le lecteur, lassé de suivre le parcours-portrait de chaque intervenant-e. La psychologie fouillée l'emporte sur les péripéties. le barrage grimpe sans coup férir, femmes et hommes souffrent à ses pieds.
Même la fille d'une militante écologiste assassinée baisse les bras ; Indira se contente d'étudier les effets du bouleversement sur les amphibiens. Bon, elle tombe enceinte aussi, se dispute (un peu) avec Luisa et Marla, ses deux soeurs aux tempéraments opposés. Les dernières pages ravivent l'intérêt, consacrées à l'engloutissement de la vallée et du village.
L'auteure talentueuse gagnerait à pimenter son récit de quelques rebondissements toujours espérés, jamais advenus.


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« J'aime à croire que les romans sont des refuges, qu'ils protègent la mémoire de celles et ceux qui donnent leur vie pour la défense des rivières. »

Ce roman choral s'inspire de faits réels : le meurtre en 2016 de Berta Cáceres, militante écologiste issue de la communauté lenca, qui s'opposait à la construction d'un barrage sur le fleuve Gualcarque au Honduras, et la disparation inexpliquée la même année de la jeune biologiste Isis Melissa Medina Flores dans les forêts du parc national Celaque.

L'histoire débute par la découverte du corps de Suyapa, militante écologiste de la communauté lenchua, assassinée chez elle. Elle menait un combat contre la construction d'un barrage sur le río Lindo.

Le récit ne se focalise pas sur la recherche des coupables de ce meurtre, mais sur les enjeux économiques, politiques, écologiques de la construction du barrage en donnant la voix à de nombreux personnages : Marla, Indira et Luisa les filles de Suyapa, la abuelita sa mère, Guilherm le chef de chantier, Josué le chef de la sécurité ou encore Benito Suarez le maire d'El Encanto.

Tous ont des convictions et des aspirations différentes, et c'est là toute la force du roman de ne pas les traiter de manière manichéenne. Chacun a un point de vue personnel et pertinent sur les impacts d'un tel projet. Désastreux sur le plan écologique, il implique aussi de priver les peuples autochtones de leurs terres ancestrales. Il est pourtant pour d'autres l'espoir d'une vie meilleure en leur donnant un emploi et en améliorant leurs conditions de vie.

« Qui reprocherait à un gouvernement de vouloir développer des énergies renouvelables ? Qui critiquerait des populations aspirant à la préservation de leur territoire ? Tous les protagonistes avaient raison, mais leurs valeurs, leur langage, différaient ; il s'agissait de mondes qui se côtoyaient sans se comprendre, de vérités qui coexistaient sans coïncider. »

Un texte dense qui décortique de manière subtile et pertinente un sujet aux enjeux pourtant complexes.
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Inspirée par un événement survenu au Honduras en 2016, l'auteure nous offre une histoire qu'elle situe dans les années 2010 dans un pays d'Amérique centrale. Suyapa, militante écologiste de la communauté « lenchua », soupçonnée d'être une entrave à la construction d'un barrage est assassinée. Entre une nécessité économique de croissance avec une ignorance des communautés autochtones et une nature avec sa biodiversité bouleversée, l'érection du barrage, travail colossal de plusieurs années s'effectue. La famille de suyapa, mère, filles et petite fille incarne dans de longues digressions les détails de la construction du barrage et ses dégâts collatéraux. Belle saga familiale attachante mais un peu longue et répétitive sur les descriptions qui la soutiennent.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
En contrebas de la ville, on voyait le rio Lindo, serpent d'or ondulant parmi les forêts et les prairies, dessinant d'amples courbes, animé par ce mouvement continu, qu'il s'agirait de juguler avec le barrage. Chaque rivière avait sa personnalité, Guilherm en connaissait des dizaines intimement, dont il pouvait dessiner de mémoire les atermoiements à travers les topographies accidentées. Et comme les passionnés d'oiseaux qui en font des captifs, il trouvait un plaisir paradoxal à contrôler ces cours d'eau dont la sauvagerie le fascinait.
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Indira lui avait expliqué que les animaux devinaient les intentions des hommes, qu'ils effarouchaient moins quand on les regardait avec bienveillance. Le tatou ne la prenait visiblement pas pour une menace.
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La vieille sent l'eau affleurer au niveau de sa bouche, elle entrouvre légèrement les lèvres, puis plonge son regard vers les montagnes, vise la cime du mont Niebla, avant de fermer les paupières. Le froid lui fait perdre peu à peu la notion du temps, elle ne cherche pas à de débattre.
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Était-elle en train de dériver vers une existence contre laquelle elle s'était mille fois dressée ? Mais c'était une douce dérive, entre les rangées de caféiers, aux côtés de Jim, dans cette ferme à laquelle ils avaient redonné vie.
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Le problème avec ce barrage, c'est qu'il nous impose une certaine idée de ce qu'est une rivière, des services qu'on peut en tirer ; qu'il nie sa nature même, sa liberté, celles des espèces qui y vivent ... Pour nous, cette rivière ce n'est pas juste un objet d'étude ou d'application de techniques, c'est une force qui nous dépasse, qu'il faut respecter. C'est un être vivant.
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