Aujourd'hui il est communément admis qu'on emporte ses problèmes avec soi, et que partir ne résout rien. En 1922, lorsque
Elizabeth von Arnim publia son «
Avril enchanté », cette mise en garde n'avait pas encore fait son chemin. On pouvait encore rêver de voyage en Italie. Une villa patricienne au soleil de la Méditerranée incarnait l' image parfaite du bonheur.
Justement il existe un tel lieu sur la Riviera ligure, San Salvatore, dont le nom lui-même signifiant, va s'avérer magique. Quatre londoniennes, passablement coincées et lassées de la grisaille britannique, louent un château médiéval et son jardin d'Éden. Attirées par une offre alléchante une jeune épouse délaissée , une grenouille de bénitier, une rombière acariâtre, et enfin une jeune aristocrate en rupture de ban se retrouvent pour passer un mois ensemble dans ce paradis.
La première partie est un régal. Les maladresses, les stratégies d'évitement, les rapports de force et les tonnes de problèmes que les unes et les autres traînent avec elles, sont l'occasion de scènes drôles. En bonne lectrice je trouve les observations très pertinentes. Une chose est certaine. Pour rien au monde je ne voudrais mettre, ne serait-ce qu'un pied, dans pareil guêpier !
Et puis la beauté des lieux, les vertus de la marche, de la lumière, des couleurs et des odeurs accomplissent leur oeuvre. La jeune épouse maladroite et timide, la première, capte la magie des lieux et acquiert une sérénité. Une véritable petite fée.
Son bien-être est contagieux. Un véritable bouleversement hormonal est à l'oeuvre dans le petit cénacle féminin. Elles ne veulent plus rester seules et vont inviter leurs époux abandonnés dans la lointaine Albion.
Un roman qui s'annonçait comme un épisode dans la longue quête de la libération de la femme dans une société qui ne leur laissait pas beaucoup de place et qui se termine par un happy end sirupeux.
Je ne reprendrai pas la citation de
Gide sur les beaux sentiments et la mauvaise littérature, mais la tentation est grande. Dans la seconde partie du roman les personnages se métamorphosent en bienveillantes personnes, leurs défauts sont érodés, et dissous dans du formol et un environnement peint en rose, Rose, roses... jusqu'à en devenir niais et mièvre. le problème n'est pas tant la transformation et la félicité retrouvée de cette communauté que l'absence d'intérêt des nouvelles relations, la superficialité des revirements, des conversions qui tiennent du « miracle » (le mot est de l'auteur) et une analyse psychologique défaillante, d'ailleurs même les domestiques s'ennuient. Bon! Finalement peut-être ai-je besoin moi aussi d'un séjour à San Salvatore !