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Critique de Bellonzo



Pierre Assouline est un excellent raconteur qui revisite l'histoire d'une façon très précise et vivante. Il est aussi grand biographe (Simenon, Hergé, Dassault, Gallimard). Parfois le personnage principal est un lieu, l'hôtel Lutetia au retour des camps de la mort, Sigmaringen ultime refuge de ceux qui avaient fait le mauvais choix. Ici nous embarquons sur le Georges Philippar, flambant neuf (expression tristement prémonitoire) et quittant Marseille pour le Japon. Il porte en toute modestie le nom du patron, bien vivant, des Messageries Maritimes.

Février 1932, direction Yokohama pour ce luxueux ocean liner. Nous allons faire connaissance avec le beau monde, ce qu'on appellerait maintenant la business class. Des ponts inférieurs on ne saura pas grand-chose.Jacques-Marie Brauer, libraire spécialisé en bibliophilie sera notre conteur. On ne peut s'intéresser à tous, nous resterons donc plutôt au gotha. Cette période dite maintenant de la montée des périls a si souvent été le cadre de bien des romans. Dans le huis clos plutôt élégant du Georges Philippar toutes les sensibilités s'affrontent à fleurets mouchetés. Les sujets délicats en manquent pas, le Duce par exemple, ou cet agitateur autrichien devenu patron d'un nouveau parti en Allemagne.

On s'occupe. Jeux de cartes et d'échecs. Piano, piscine, essais de théâtre. On parle de Claudel, de Flaubert, de Proust. de Freud, de Thomas Mann. Des Juifs. de grands boxeurs et de courses automobiles.Plusieurs générations, le commandant Pressagny, ancien pacha et sa petite-fille Salomé, Sokolowski musicien russe, le jeune Philippe, gamin astucieux, la belle mystérieuse Anaïs, des diplomates, hommes d'affaires, militaires, fonctionnaires coloniaux. Et le jeune aveugle Numa, surdoué des 64 cases noir et blanc, l'un des rares qui monte de la plèbe d'en bas. Et puis un personnage réel, qui n'apparait que très peu et seulement au retour car il y aura un voyage retour, enfin à moitié. Albert Londres le célèbre reporter auquel Pierre Assouline a consacré une bio il y a des années (Albert Londres. Vie et mort d'un grand reporter).

le Georges Philippar, bien sûr, c'est notre monde en ces années trente. Plus tard ça s'appellera l'Entre Deux Guerres mais on ne le sait pas encore. Quoique...Aux sombres rumeurs sur les fragilités du navire, bien curieuses pour un vaisseau de prestige et qui sort des chantiers, technologies dernier cri, luxe, calme et volupté au programmefont écho d'autres bruits quant à l'Europe. le monde d'hier s'apprête à devenir le monde d'avant-hier. le destin foudroyé du paquebot, flammes sur le golfe, n'anticipe-t-il pas sur le sort du monde?

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