Vous avez donc vu mon bureau. Là, ceux sont des sœurs. De l’autre côté, la bibliothèque. Elle est très fournie grâce aux donations de certains de nos riches paroissiens. Un miracle pour nos pensionnaires de pouvoir se plonger dans la littérature ! Vous aimez lire ? […] Au-dessus, nous avons la salle à manger et les cuisines qui tournent à plein régime. À l’arrière, il y a le jardin et le potager. Je vous conseille d’y faire un tour après votre long voyage. Cette aile est pour les plus grande de nos pensionnaires. Je leur fais classe pour les préparer à intégrer le monde avec des lettres et de belles manières. Elles n’ont pas eu de parents, mais ont toutes les chances de trouver un mari. Ici, l’infirmerie ! les épidémies de fièvre jaune sont meurtrières, dans la région. Nous faisons tout pour les circonscrire en dehors de nos murs. D’ailleurs vous ferez une visite de contrôle pour éviter tout risque. Ici, nous sommes dans l’aile des plus jeunes. Ce sont les sœurs qui sont chargées de s’en occuper. Je les trouve bien trop bruyantes et agitées.
Nous vous avons récupérée si déshydratée qu’il a fallu trois jours et tous les soins de sœur Maria et de votre mari pour que vous puissiez reprendre la route.
On va éveiller les consciences.
Je sais combien les tenues de filles sont compliquées à enfiler. Ceux qui les dessinent n’en ont sûrement jamais portées.
L’ignorance est la mère de l’épouvante. – Herman Melville
L’ignorance est la mère de l’épouvante... (citation reprise de "Moby Dick" par l'antihéroïne bibliophile en quête de vengeance contre un réseau pédophile)
1900, premier septembre. Après cette course folle à travers le Texas pour échapper à mes poursuivants, je peux enfin me poser quelques heures à l’abri des regards pour reprendre mon journal. Hier, j’ai traversé l’immense pont qui relie le continent à Galveston. En arrivant en ville, j’ai trouvé une échoppe qui vendait des cartes postales de cet impressionnant édifice qui vient séparer a baie en deux bras de mer. J’ai aussi acheté un appareil photo portatif pour garder quelques précieux souvenirs de mon voyage. Note : je ne sais pas si c’est la tenue, mais j’ai pensé à Moïse poursuivi par l’armée égyptienne qui ouvre la mer en deux pour protéger son peuple. Voilà que je fais des allégories religieuses ! Il faut dire que ma tante Magda ne m’a pas épargnée, enfant, avec toutes ces histoires. Cette ville est très étrange comme si elle était artificielle. La capacité de l’homme à s’installer dans les endroits les plus inhospitaliers me surprendra toujours.
Tu te souviens de moi ? La petite Emily, la fille de Liberty. Tu ne vois pas ? Le bordel de la Nouvelle Orléans lorsque tu étais venu fêter la fin d’année avec tes riches copains de Yale ? Celle que vous avez voulu acheter avec vos dollars sonnants et trébuchants. C’est vrai, j’ai grandi. Mais je ne t’ai pas oublié ! J’ai même des images très nettes qui me hantent depuis des années. C’est étrange, tu ne me regardes plus de la même manière qu’à cette époque ? Je me souviens pourtant de tes yeux libidineux qui semblaient vouloir transpercer ma robe et me contempler dans toute ma nudité. Je soupçonne que tu rêvais de fouiller mon intimité de petite fille. Je ne te plais plus ? C’est parce que mes seins ont poussé ? Que mes hanches se sont arrondies ? Que des poils sont venus auréoler le bas de mon ventre ? De toute façon, même si le saint Siège te laissait prendre femme, tu lui préfèrerais ses enfants ! N’ai-je pas raison ?
– Alors, Monsieur Météo, la tempête est prévue pour quand ? J’ai lu dans le journal d’hier qu’elle était passée sur Cuba…
– Ne vous inquiétez pas, il n’y aura pas d’ouragan ici ! D’après mes calculs, il devrait passer au large…
Tu m’as promis la moitié du butin. Un contrat est un contrat, et je finis toujours le travail.