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Critique de Gehenne


LORSQUE L'ENFANT (DIS)PARAIT…
C'est un livre plein d'enfants. Résumé ainsi, ça peut conduire à de fausses pistes. En fait, les enfants en question ont connu des sorts pour le moins tragiques et les personnages majeurs de cette histoire tirée au cordeau n'ont de cesse de les retrouver, de leur rendre justice, voire de les sortir d'une voie toute tracée vers l'enfer.
Deux périodes (1975 et 2010) qui s'éclairent l'une l'autre, des événements bouleversants qui détruisent des vies et la subtile machinerie montée par Kate Atkinson se met en marche. Dans l'ordre d'entrée en scène, voici Tracy, commissaire à la retraite depuis peu, vieille fille enrobée, désormais responsable de la sécurité dans une galerie marchande. Elle reste marquée par une de ses premières affaires alors qu'elle n'était qu'un agent en uniforme : la découverte d'un gamin de 5 ans ayant survécu durant trois semaines, seul dans l'appartement auprès de sa mère assassinée. Un lourd secret plane autour de ce drame, qui rebondit 35 ans après les faits pour faire de terribles dégâts, notamment au sein de la police. La vie de Tracy bascule le jour où elle croise le chemin de Kelly, une prostituée et de sa fille Courtney, « petite gosse mal dégrossie mais avec une étincelle dans les yeux ». Mue par un élan soudain, l'ancienne policière propose d'acheter la mouflette. Sa mère accepte sans hésiter. Et vogue la galère.
Il y a aussi Jackson, enquêteur privé, recentré sur la recherche d'enfants disparus. Il sort à peine de ce cadre lorsqu'une Néo-zélandaise le charge d'en savoir plus sur ses origines : elle a été adoptée, ses parents expatriés anglais ne lui ont donné pas la clef de son adoption. Elle souhaite connaître ses parents biologiques. Jackson porte, lui-même, la croix d'une enfance bouleversée par l'assassinat de sa soeur. Il est devenu un voyageur impénitent qui a « zigzagué à travers les Pennines pour observer les ravages du Thatchérisme », traversé la Grande-Bretagne pour découvrir « le puzzle déconcertant qu'était sa patrie (..) un Royaume désuni ». Il entame cette nouvelle quête, accompagné d'un chien qu'il a sauvé des griffes d'un maître violent.
Il y a enfin Barry, inspecteur proche de la retraite, ancien collègue de Tracy, démoli par l'accident qui a fait de sa fille un légume et a entraîné la mort de son petit-fils. Il a connaissance de certains agissements de 1975 sur lesquels a été posée une lourde chape de plomb. Tout se passe dans la déprimante région de Leeds où les protagonistes ne manqueront pas de se croiser, de se perdre, de se poursuivre…
La mélancolie est là qui saisit les personnages, Jackson en tête pour qui le passé est « un continent perdu gisant quelque part au fond d'un océan inconnu ». On aura compris qu'Atkinson, c'est d'abord un style élégant au service d'une pensée humaniste. le chassé-croisé de ses personnages (les seconds rôles sont particulièrement bien soignés) dans un ballet virevoltant fait de ce roman un feu d'artifice pour les yeux écarquillés du lecteur. Kate Atkinson possède à la fois le sens de l'intrigue, une capacité à nous prendre à contre-pied et une tendresse pour ce petit monde attachant qu'elle dépeint. En outre, ses références poétiques à Emily Dickinson, Robert Frost ou William Shakespeare ponctuent ce roman de petits moments de grâce bienvenus. Certes, un certain flou nous fait croire que l'histoire pourrait nous échapper. Fausse crainte, la fin installe les dernières pièces du formidable puzzle et tout s'éclaire. Décidément, Kate Atkinson est une magicienne. Laissez-vous séduire par ses philtres.

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