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Citations sur Laisse-moi te dire... (12)

Parce que nous ne pouvions plus dormir nous reprîmes
la route bien qu’au début j’y voyais mal ;

derrière nous le soleil se levait
blanc et froid ; le vent
matinal a surgi du soleil.

Devant nous, des collines basses, des dunes
d’herbe gris-jaune, et puis
des montagnes : dures, sillonnées
par l’érosion, sans nuages, vieilles, neuves,
abruptes dans les premières lueurs du jour.

Avec nos doigts recroquevillés
nous avons mangé nos oranges et notre pain,
en frissonnant dans la voiture à l’arrêt ;

conscients que nous n’avions
auparavant jamais été là
nous savions que nous avions déjà été là.
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Tu es heureuse

L'eau serpente
et descend de loin sur la pierre brute
que recouvre une croûte de glace

Nous marchons séparément
le long de la colline jusqu'à l'immense
plage, les tables de pique-nique
désertes, le vent
qui soulève les vagues brunes, l'érosion, le gravier
écorchant le gravier.

Dans le fossé, une carcasse
de cerf, sans tête. Oiseau
qui traverse la route scintillante,
sur un soleil bas et rose.

Lorsque tu as aussi
froid tu ne peux penser
à rien d'autre qu'au froid, les images

percutent tes yeux
comme des aiguilles, des cristaux, tu es heureuse.
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Après tout tu es assez ordinaire …

Après tout tu es assez
ordinaire : 2 bras 2 jambes
une tête, un corps
dans la norme, des orteils & des doigts, quelques
excentricités, quelques traits honnêtes
mais pas trop, trop de
reports au lendemain & de regrets mais

tu t’y habitueras, tu respecteras les
échéances et tu rencontreras les
autres, faisant parfois semblant d’aimer
la femme qui n’est pas la bonne,
écoutant ton cerveau
rétrécir, ton journal intime
s’élargissant à mesure que tu vieillis,

devenant vieux, bien sûr tu
mourras mais pas tout de suite, tu survivras
même aux altérations que je t’inflige

et je ne souhaite rien
changer au fait
que tu es malheureux & malade

tu n’es pas malade & malheureux
seulement vivant & condamné à l’être.
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Élégie pour les tortues géantes

Laissons les autres prier pour le pigeon voyageur
le dodo, la grue huppée, l'Eskimau :
à chacun sa spécialité

je vais m'en tenir à une méditation
sur les tortues géantes
qui dépérissent finalement sur une île lointaine.

Je me concentre dans les stations de métro,
dans les parcs, je ne parviens pas tout à fait à les voir,
elles se déplacent à la périphérie de mes yeux

mais au dernier jour elles seront là ;
déjà l'événement
comme une vague ondulante suscite la vision :

sur la route où je me tiens, elles se matérialiseront,
me croisant lourdement en ligne discontinue
maladroites hors de l'eau

leurs petites têtes dodelinant
de-ci, de -là, leur armure inutile
plus tristes que les tanks de l'histoire,

l'océan et la lumière paralysée dans leurs yeux clos,
elles gravissent péniblement les marches, sous les arches
vers les cubes en verre des autels

où les dieux fragiles sont conservés,
reliques de ce que nous avons détruit,
nos symboles sacrés et obsolètes.
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C’est moi sur la photographie

Elle a été prise il y a quelques temps.
A première vue on dirait
une photo
ratée : des lignes floues et des points gris
qui se confondent avec la trame de papier ;

ensuite, en regardant de plus près,
vous verrez dans le coin gauche quelque chose
qui ressemble à une branche : le haut d’un arbre
(baume ou épinette) qui dépasse
et, sur la droite, à mi hauteur
de ce qui doit être une pente
douce, une petite maison en bois.

A l’arrière-plan, il y a un lac,
et, au-delà, quelques petites collines.

(La photographie a été prise
le jour après que je me suis noyée.

Je suis dans le lac, au centre
de la photo, juste sous la surface.

Il est difficile de me situer
précisément, ou de dire
si je suis grande ou petite :
l’effet de l’eau
sur la lumière est une distorsion

mais si vous regardez assez longtemps
à force
vous finirez par me voir).



This is a Photograph of Me

it was taken some time ago.
at first it seems to be
a smeared
print: blurred lines and grey flecks
blended with the paper;

then, as you see in the left-hand corner
a thing that is like a branch: part of a tree
(balsam or spruce) emerging
and, to the right, halfway up
what ought to be a gentle
slope, a small frame house.

In the background there is a lake,
and beyond that, some low hills.

(the photograph was taken
the day after I drowned.

I am in the lake, in the center
of the picture, just under the surface.

It is difficult to say where
precisely, or to say
how large or small I am:
the effect of water
on light is a distortion

but if you look long enough,
eventually
you will be able to see me.)
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a sentence
crossing my path, sodden as a fallen log
I’m sure I passed yesterday
(have I been
walking in circles again?)

[Journey to the interior]
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Fin août

C’est la saison des prunes, des nuits
bleues et étirées, de la lune
voilée, c’est la saison des pêches

aux rondeurs abondantes et closes
qui luisent dans la pénombre, des pommes
qui tombent et pourrissent doucement,
leurs peaux brunes veinées comme des glandes

Plus aucunes voix stridentes
qui criaient À l’aide, À l’aide
depuis l’etang froid, coupantes
et vives comme de l’herbe fraîche

Maintenant ce sont les criquets
qui disent Allons-y, Allons-y
tapis dans l’ombre, tandis que les prunes

qui dégoulinent sur la pelouse devant
nos fenêtres, éclatent
avec un gargouillis de sirop épais
étouffé et lent

L’air est encore
chaud, la chair recouvre
la chair, rien ne

presse.
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Mémoire

La mémoire n'est pas seulement
dans la tête. Il est minuit,
tu as existé jadis, tu existes

encore, toute ma peau
aussi sensible qu'un oeil,

empreinte de toi
rayonnant contre moi,
allumette brûlée dans une pièce sombre.
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La voix d'ombre

Mon ombre m'a dit :
Qu'est-ce qu'il y a

La lune ne te réchauffe-t-elle pas
suffisamment
Pourquoi veux-tu
te couvrir d'un autre corps

Dont le baiser est mousse
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Le renard court,
poliment près du sol, les chasseurs
debout autour de lui, figés
dans une tapisserie de convenances
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