Citations sur Le moine et la psychanalyste (76)
Aujourd'hui, ma tête n'est pas en état de penser des choses intelligentes. Ca ne m'empêche pas de continuer à vous écrire. Dans mon métier, on est assez vite persuadé que ce qu'il y a de plus intelligent en nous est rarement l'intelligence.
... sa phrase à lui, Rimbaud, comme je vous le disais tout à l'heure, je l'ai retrouvée, étrangement, dans le psaume 82, posée autrement et prêtée cette fois à Dieu lui-même. L'homme-poète dit : "Je ne suis pas prisonnier de ma raison. J'ai dit : Dieu", pour échapper à l'enfer de sa propre raison et de sa solitude. Le dieu de David, lui, Elohim, accueille les hommes en leur disant : "J'ai dit : Vous êtes des dieux [des elohim], des fils du Très-Haut, vous tous."
Vous savez, Simon, reprit-elle, cette idée que les religions seraient au service de l'âme humaine me touche beaucoup. Je ne sais trop comment. Pourtant, vous et les autres croyants, vous servez bien un dieu, vous appartenez bien à une Eglise ? Comment s'y retrouver ? est-ce que moi-même je me sers des religions sans le savoir, si je n'en sers aucune ?
... pourquoi aurions-nous continué à cogiter et discourir longuement quand il a suffi de chantonner cinq notes pour dire ce qui sauve un homme : le féminin et le divin.
- Je ne sais pas ce qu'il en est dans la pratique spirituelle, mais dans la pratique clinique, on entend bien souvent des personnes découvrir que le pire de leur vie - une maladie grave, un accident, un deuil - les a conduites vers le meilleur. On entend certains dire qu'ils préfèrent l'homme ou la femme qu'ils sont aujourd'hui à celui, celle "d'avant", d'avant le malheur. "Celui que je suis aujourd'hui" : c'est toujours le verbe être" qui apparaît là. Sans attribut. Avant, y avait-il le verbe "être" ? Ce n'est pas sûr. En tout cas, pas du tout sur le même mode.
- La chose est beaucoup plus énigmatique si je demande : quand est-ce qu'il faut me sauver ? Lorsque je suis perdu, n'est-ce pas. Mais être perdu, c'est quoi ? Est-ce que je sais quand je suis perdu aussi bien que je sais quand je suis malade ? La chose me paraît beaucoup plus floue.
La conscience, c'est comme la naissance. Nul n'a dispensé un autre de naître par le faut que lui-même était né, n'est-ce pas.
Ce Yeshoua, Dieu-sauve, semble avoir causé la perte de beaucoup. Est-ce un dieu perdeur ? Car enfin, s'il y a des dieux, à regarder l'Histoire, il doit bien y avoir aussi des dieux perdeurs dont les pauvres humains sont les jouets.
- Sans doute
Le nom de Jésus lui-même ne vient-il pas du verbe "sauver" ?
- Si. Yeshoua : "Dieu sauve" ; Dieu, ou plus exactement en hébreu comme vous savez le nom divin en quatre lettres, YHWH sauve, répondit Simon.
Elle n'était pas croyante. Elle ne croyait pas en quelque chose, pas même vraiment en quelqu'un, me semblait-il. Elle croyait. Comme on aurait pu dire aussi bien : elle voyait, ou elle entendait. Ce verbe "croire" était pour elle sans complément. Il ne signifiait pas, à ce que je comprenais, l'adhésion à une foi, mais à un événement qui se produisait dans sa vie, de l'ordre de la présence. Il y avait pour elle dans l'invisible un autre avec lequel elle était.