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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quittant sa province pour Paris, un jeune trentenaire rejoint une pension de famille. Sans amis, sans famille, sans loisirs, sans attaches d'aucune sorte, il va vivre sa vie par procuration en espionnant ce qui se passe dans la chambre d'à côté et en essayant de grappiller un peu du bonheur des autres.

Hélas pour lui, ses éphémères voisins ont bien du mal à le trouver, ce bonheur : que ce soit un couple de jeunes adolescents venant de découvrir les premiers aiguillons du désir, un couple d'amants qui veulent s'aimer à l'abri des regards, ou un mourant qui veut désespérément trouver un sens à sa vie tant qu'il est encore temps, tout échoue pitoyablement. Les idées transcendantes (l'Amour, Dieu, …) semblent toujours sur le point d'être atteintes, on pense que le couple va enfin pouvoir se sublimer, mais à chaque fois que quelqu'un se met à nu et parle enfin du fond de son âme, il ne rencontre qu'incompréhension et dialogue de sourds. En dehors des convenances, on ne se comprend plus. On naît seul, on vit seul, on meurt seul.

Sans doute est-ce là l'Enfer de Barbusse : notre capacité à percevoir notre possible bonheur, si proche, que notre imperfection humaine nous rend pourtant inaccessible.

Roman très dense, avec un message écrasant et une symbolique toute aussi riche. le genre de roman pour lequel on regrette de ne pas avoir un professeur qui nous explique en détails chaque page que l'on vient de lire.
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L'enfer / Henri Barbusse (1873-1935)
le narrateur a trente ans. Il est foncièrement blasé de la vie et de l'amour, il finit par trouver un travail dans une banque à Paris. Il n'est pas totalement seul dans la vie : l'amour a pris pour lui la figure et les gestes de sa petite Josette dont on ne parlera plus au cours du récit, et pour cause quand on observe la fascination que va subir le narrateur. Il s'estime sans génie, sans mission particulière à remplir, mais rêve toutefois d'une idylle inouïe. Soit !
Il emménage dans une pension de famille et incidemment il découvre dans l'obscurité de sa chambre, près du plafond une fissure éclairée dans le mur ouvrant sur la chambre d'à côté. Il va alors passer beaucoup de temps à observer les divers occupants de celle-ci. Comme il dit, la chambre voisine s'offre à lui, toute nue.
C'est une femme qu'il avait remarquée dans le salon qui entre dans la chambre ; il l'entend et grimpe vers la fissure sans se demander compte du crime qu'il commet à posséder cette femme des yeux. Il attend qu'elle se montre à lui, qu'elle se dévoile, et alors il a la sensation que malgré le mur, son corps se penche vers le sien. Il reste là, tout enveloppé de sa lumière, tout palpitant d'elle, tout bouleversé par la présence nue de cette femme, comme s'il avait jusque-là ignoré ce qu'est une femme.
C'est le lendemain matin qu'un désir le prend, celui d'écrire pour fixer d'une façon définitive tous les détails de ce qu'il a ressenti afin que les jours ne les dispersent pas à tout jamais. Écrire pour pérenniser tous ces moments.
Les jours suivants, c'est une jeune fille et un jeune garçon de treize ans environ qui se retrouvent dans cette chambre. C'est sans doute, en les écoutant, qu'ils sont seuls pour la première fois quoique amis d'enfance. C'est la première fois qu'un désir de désir vient étonner et troubler deux jeunes coeurs cousins sur le point de sortir de l'amitié et de l'enfance.
Plus tard il se désespère de voir la chambre rester vide et l'attente est devenue une habitude chez lui, comme un second métier. Jusqu'au jour où un couple se retrouve clandestinement pour évoquer des souvenirs. L'excitation des réminiscences et l'évocation des drames et des périls anciens retracent le temps de leur amour. Il a l'impression « qu'il leur faut ressusciter le passé pour s'aimer à nouveau, continûment le rassembler par fragments pour empêcher leur amour de s'annihiler dans l'habitude, comme s'ils subissaient l'écrasement de la vieillesse et l'empreinte de la mort. »
Il voit les deux êtres de ce couple se rapprocher, s'enserrer comme deux arbres mêlés, proies éperdues d'une volupté qui, au-delà des lois, au-delà de tout, même de toute sincérité, prépare son chef-d'oeuvre de douceur.
Cette fois le narrateur se demande si ce n'est pas un couple de femme qui séjourne dans la chambre. Il en est à faire des suppositions car la lumière et si faible que seules les voix le guident, et les deux se ressemblent. Il écoute, compare, travaille les lambeaux de voix, imagine en tentant de se débarrasser de l'ombre. Peu importe en fait le sexe de leurs mains cherchant à tâtons la volupté dormante, de leurs deux bouches qui se saisissent, de leurs deux coeurs aveugles et muets.
Notre voyeur retrouve une femme connue avec son amant, mais à présent avec son mari et cette succession lui permet de comparer… Leur conversation est complexe et ils échangent sur le bonheur, l'amour, la mort, Dieu …etc. de très belles pages…
Plus tard, un vieillard et deux femmes dont l'une enceinte donne matière à imaginer à notre voyeur, quand le vieil homme s'enivre de souvenirs spacieux ; il est malade, condamné, il n'ose plus aller dans l'avenir, alors il s'efforce de se rapprocher de quelques points lumineux des jours heureux écoulés. Il est le passé, son présent se résumant à une condamnation irrémissible, la belle jeune femme blonde, Anna, le présent qui brille, la jeune fille enceinte l'avenir radieux et prometteur. le temps et l'espace, la vie est ainsi résumée…avec un ultime rayon de bonheur pour le vieil homme et Anna…
Extrait : « Il la regarda, et elle leva les yeux sur lui… lui qui adorait sa tendresse fraternelle, elle qui s'était attachée à son adoration. Quel infini d'émotion dans ces deux silences qui se confrontaient avec un certain enlacement : dans le double silence de ces deux êtres qui, je l'avais remarqué, ne se touchaient jamais, même du bout des doigts… Elle avait pris instinctivement l'attitude suprême de la Vénus de Médicis : un bras demi-plié devant les seins, l'autre allongé, la main ouverte devant son ventre. Puis dans une exaltation d'offrande, elle éleva ses deux mains à ses cheveux. Tout ce qu'avait caché sa robe, elle l'apportait à ses regards. Toute cette blancheur, qu'elle seule, jusqu'ici, avait vue, elle la donnait en holocauste à cette attention mâle qui allait mourir…»
L'homme, le narrateur-voyeur, recouvre des moments de lucidité pour se convaincre que cette addiction est en train de lui jouer de mauvais tours puisqu'il ne va plus à son travail, se faisant porter malade, ce qu'il est en réalité, obsédé quasi pathologiquement par cette fissure du mur.
Puis ce sera l'affrontement du mourant avec le prêtre venu lui offrir l'extrême onction, un duel, un acharnement du prêtre pour obtenir la confession, les deux hommes se regardant au bord de la tombe comme deux ennemis. Une ultime confession surprenante et douloureuse du mourant à l'égard de Anna clôt le chapitre. Et le narrateur s'interroge sur sa vie et livre ses angoisses existentielles clamant que l'humanité n'est que le désir du nouveau sur la peur et sur la mort.
Et alors ? Toutes ces vies racontées, rêve de l'écrivain en devenir ou réalité ? On peut se poser la question.
Paru en 1908, ce roman très personnel, le premier d'Henri Barbusse, est assez surprenant. Profondément teinté d'érotisme, écrit dans un style superbe se rapprochant du naturalisme, très éclectique dans les sujets abordés quoique passagèrement abscons dans ses envolées lyriques et poétiques, il montre la fascination d'un homme regardant les épisodes de la vie humaine se passant de l'autre côté du mur de sa chambre. C'est à mon sens un roman plus philosophique qu'érotique.
Extrait de ce que voit le narrateur après que l'homme vient de lire un poème à la femme… : « Elle ne bougeait plus ; elle s'était endormie, la tête sur les genoux de son ami. Il se croyait seul. Il la regardait, il sourit. Une expression de pitié, de bonté, erra sur son visage. Ses mains se tendirent à demi vers la dormeuse, avec la douceur de la force. Je vis face à face le glorieux orgueil de la condescendance et de la charité, en contemplant cet homme qu'une femme prostrée devant lui divinisait. »
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Une lecture surprenante. On devient voyeur avec ce héros qui regarde dans le trou du plafond de sa chambre d'hôtel. Avec lui on rencontre tous ces personnages qui vivent (amours, mort, adultère. ..). Un roman sensuel. Mais il y a aussi autre chose : une interrogation permanente sur la vie, son sens et sur ce que l'on est. On y comprend que l'homme est seul et désespérément seul enfermé dans son solipsisme. Barbusse épouse de nombreux discours : philosophiques, religieux et scientifiques. Il pose les questions. Nous emporte avec lui dans ses divagations. intéressant et prenant.
Je m'attendais à découvrir quelques accents politiques sur le communisme. C'est pour cela que j'avais décidé de lire ce livre. L'auteur était largement évoqué dans le livre le siècle des intellectuels de Winock. Mais ce roman n'emprunte pas ce chemin.
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