: Un album d'une belle et délicate philosophie où songer aux disparus ne remplira pas toujours d'une tristesse immense.
Repenser à eux sera sans doute aussi rassurant.
L'histoire s'adressera aux absents que l'on aime, qui manquent au quotidien mais également aux bons souvenirs qu'ils laisseront derrière eux, plus qu'à leur statut défunt ( car à cela, on ne pourra rien y changer).
On aura envie de dire avec cette histoire de
Gilles Baum que les morts survivront au temps comme ils auront vécu.
Cela se passe au Japon, à Hokkaïdo.
Madame Chimùsù avait une tante enterrée dans le cimetière qui surplombe le port.
Son mari qui voyageait beaucoup lui rapportait des souvenirs en forme d'oiseaux. Et dans la forêt, ensemble, ils effectuait tous un magnifique rituel à découvrir par les lecteurs.
Le jeune homme qui tient la quinquaillerie y a lui aussi un grand-père, enterré dans ce cimetière veillé par de grandes pierres debouts.
Il se souvient que ce grand-père avait sur ses dernières années étudier le chant des baleines.
Mme Saori Yukamata n'y a que son époux dans ce cimetière et les souvenirs ne manquent pas.
Pourtant, avec la nouvelle autoroute aménagée au bord du cimetière, du côté du flanc de la colline que tout le monde empruntait pour s'y rendre, il faudra désormais affronter les voitures lancées à forte allure.
Nul besoin ni envie de se retrouver de l'autre côté un peu plus tôt.
Gilles Baum et
Yukiko Noritake raconteront une belle union solidaire du lieu pour ne pas laisser les morts seuls de l'autre côté de l'autoroute sans qu'on vienne les réveiller un peu.
Les auteurs imagineront une mauvaise intention des promoteurs de l'autoroute, dont les grandes ambitions resteront dans l'ombre mais dont on suppose que les jeunes lecteurs questionneront les motivations. Les grands lecteurs devineront sans doute la seconde lecture avec ses hommes aux tatouages de dragons noirs. Cette ombre au tableau échappera aux jeunes lecteurs leur conservant l'idée chaleureuse et brillante de la suite.
En disant peu, les auteurs inviteront à en savoir plus.
Comme une évidence, Mme Yukamata se montrera fine psychologue et plus maligne vis à vis de leur bienfaiteur qui amènera du tourisme par l'autoroute.
On aime l'astuce pour permettre au village de vivre avec ses défunts et entretenir les petites histoires de son lieu.
Une belle histoire humaine qui permettra sans doute d'accueillir la pratique du jour de la Toussaint avec un autre regard pour les jeunes lecteurs qui ne pourront évidemment pas s'empêcher de ressentir avec tout ceci un caractère lourd et pesant de cérémonie.
Mais nous sommes ici au Japon et ailleurs, ça sera aussi encore une autre philosophie, comme au Mexique par exemple. D'autres pratiques culturelles, d'autres rituels, d'autres mythes de l'au delà.
Ici c'est comme cela, la-bàs comme ceci, mais nous sommes libre de vivre la chose comme on le dicte notre sensibilité.
On apprécie la beauté des plans généraux et paysages miniatures de
Yukiko Noritake.