Parvenu au point culminant du chemin, et près de descendre vers la Genivière, Pierre Noellet arrête un instant la Huasse, et se dresse, les yeux tournés à droite, vers une masse sombre comme une tache noire dans le crépuscule. C’est le château de la Landehue dans l’ombre de ses grands arbres. Un point ardent brille à l’une des fenêtres : « Ils sont arrivés ! » pense le jeune gars. Ses yeux s’animent, il sourit. Pourquoi ? une joie d’enfant, des souvenirs qui lui reviennent. Ç’a été si triste, tout l’été, de voir cette maison fermée, sans maître, sans vie. Pour la première fois, M. Hubert Laubriet a passé la belle saison loin de la Landehue. Dès lors, plus de train de voitures et d’invités, plus de chasse, plus de fanfares, plus rien. Mais les hôtes du château sont revenus, et la preuve en est sûre.
Pierre Noellet est content, et, talonnant la Huasse, il se met, pour s’annoncer, à siffler une chanson du pays.
Au même moment, M. Laubriet entrait dans la cour de la Genivière, formée par trois bâtiments : la grange le long du chemin ; puis, perpendiculaires à cette première construction, et séparées d’elle par un large passage, l’habitation du fermier d’un côté, l’étable et l’écurie de l’autre. Du dernier côté, rien ne fermait la vue : c’étaient des cimes d’arbres descendant le ravin de l’Èvre, et, par-dessus, la vallée ouverte.
Le châtelain aimait le site de la Genivière, métairie qui avait jadis appartenu à la famille de sa femme, il aimait surtout le métayer, un des hommes les meilleurs et les plus riches du pays. Il allongea son visage maigre et fin, encadré de favoris gris, au-dessus de la demi-porte d’une pièce, tout à l’extrémité de la maison.
– Bonjour, métayère ! dit-il.