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sur 665 notes
°°° Rentrée littéraire 2019 #25 °°°

Rouch, je suis soufflée et très impressionnée par l'audace dont fait montre cette jeune auteure argentine qui ose un premier roman au postulat de départ complètement dingue : le cannibalisme légal.

Dans un monde d'anticipation qui ressemble furieusement au nôtre, les animaux ont été décimés par une pandémie, la GGB ( Grande Guerre Bactériologique ), rendant la consommation de leur chair impossible. Les autorités du gouvernement de type totalitaire ont convaincu la population de manger de la viande humaine.

Cela fait très longtemps que je n'avais pas lu des pages au bord d'un malaise quasi nauséeux ( depuis certaines scènes des Bienveillantes, je pense ) et j'ai la couenne plutôt coriace en général. Mais là, dès les premiers mots «  Demi-carcasse. Etourdisseur. Ligne d'abattage. Tunnel de désingection. », uppercut direct, pas de préliminaires lubrifiants ton esprit pour le préparer au choc. le descriptif minutieux, clinique, du développement industriel de la consommation de chair humaine, de l'élevage à l'abattage, est insoutenable.
L'écriture d'Agustina Bazterrica est polysensorielle, au fil des mots, des visions, des odeurs surgissent, des sons aussi, tu as beau les refouler, ils sont bien présents, et tenaces. Oui. Tous les lecteurs ne pourront pas supporter ou n'auront pas envie de s'y plonger. Normal.

Normal, mais j'ai pourtant dévoré ( ha ha ) ce roman en quelques heures. Pas par masochisme mais parce que derrière l'atroce, il y a du fond. L'horreur n'est pas gratuite juste pour jouir de son caractère quelque peu fascinant.
Agustina Bazterrica décrypte avec pertinence les ressorts du totalitarisme comme la propension du quidam à croire un discours officiel et à accepter de faire des choses inimaginables sans se poser plus de questions de cela sur la propagande déversée qui présente cela comme une solution à la pauvreté ou la surpopulation. La novlangue de ce cannibalisme institutionnalisé censure des mots perçus comme aussi subversifs que le fait d'avoir des relations sexuelles avec un de ces êtres humains élevés pour être manger : on ne peut plus dire « homme » mais «  tête », on parle de «  viande spéciale », d'"extrémité supérieure » pour éviter le mot « main » etc.

Derrière cette façade totalitaire, on peut également lire une critique sans concession de notre société de consommation tout court, bien évidemment de la consommation de viande et des méthodes actuelles d'élevage et d'abattage des animaux, même si le pamphlet vegan va bien au-delà de ce simple point.

Tout est dérangeant dans ce roman, mais ce qui est évident, c'est le talent de cette auteure pour construire avec brio un récit glaçant, pour nous faire accepter comme réel un postulat ignoble et dingue. La montée vers l'horreur finale est d'autant bien maitrisée qu'elle s'appuie sur un personnage principal à laquelle notre empathie s'accroche comme une bouée lumineuse dans le chaos. On a tellement envie de voir en lui un peu d'humanité que la fin nous cueille, terrible.
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J'ai été glacée en lisant les premières pages de Cadavre exquis.
Une Grande Guerre Bactériologique (GGB) a eu lieu et il n'a plus été possible de manger des animaux car ils avaient contracté un virus mortel. Des scientifiques ont créé une nouvelle race à partir de génomes humains, qui servira de bétail. Carlos Tejo, bras droit des abattoirs Krieg, lors de son travail, doit visiter les élevages, les tanneries, les boucheries...
Les descriptions sont vraiment horrifiantes, parfois à la limite du soutenable. J'ai parfois dû m'obliger à poursuivre ma lecture tant il y avait de cruauté et d'inhumanité dans les pratiques. Et voilà qu'un élément nouveau survient lorsqu'un éleveur fait cadeau à Tejo d'une femelle...
Ce premier roman de l'auteure argentine Agustina Bazterrica m'a obligée à sortir de ma zone de confort. C'est un roman fortement déstabilisant qui montre d'une part, que les hommes de pouvoir peuvent parvenir quasiment à tout, nous manipuler avec de fausses études, de fausses informations et l'appui de scientifiques soudoyés et arriver à faire taire les foyers de protestation. D'autre part, ce roman de science-fiction n'est autre qu'une caricature géante de ce que l'homme, depuis des décennies fait subir aux autres animaux. Je ne suis pas végane, seulement flexitarienne et en lisant ce livre, je revoyais les étals de viande dans les supermarchés, les expériences récentes avec les vaches à hublot ou les terribles conditions d'abattage dévoilées par l'association l'214.
Les descriptions faites par l'auteure sont effroyables et, à mon avis, prennent trop de place dans le roman et sont exagérément gores, un peu moins aurait suffi à rendre compte.
Par bonheur, le personnage de Tejo, homme malheureux, décrit ainsi " Un type dont le bébé est mort et qui se traîne dans la vie avec un grand trou dans la poitrine. Un type marié à une femme détruite. Son boulot consiste à abattre des humains pour subvenir aux besoins de son père dément qui est enfermé dans une maison de retraite et qui ne le reconnaît même plus " apporte une note "humaine", non dénuée de poésie. J'ai été très sensible aux évocations de son enfance avec son père, au zoo; cet amour filial est abordé à plusieurs reprises. de même, lorsque Tejo s'éprend peu à peu de cette femelle Première génération et va petit à petit, à l'insu de tous, en prenant des risques énormes, la traiter comme un être humain.
Le suspense va aller crescendo dans les derniers chapitres jusqu'au dernier paragraphe et à la dernière phrase qui m'a laissée pantelante ! Impossible de sortir indemne de ce bouquin qui m'a parfois fait penser à l'excellent Défaite des maîtres et possesseurs de Vincent Message (Prix Orange 2016).
Le gros reproche, et pas des moindres, que je lui fais, ce sont ces trop nombreuses scènes trash qui risquent d'indisposer pas mal de lecteurs et leur faire stopper leur lecture avant la fin, ce qui serait dommage. Ma conclusion sera donc : "âmes sensibles, s'abstenir"...
NB : Une mention particulière pour la couverture : son originalité, la photo et les teintes choisies résument bien ce roman de SF.

Livre lu dans le cadre des Explorateurs de la rentrée littéraire 2019 de Lecteurs.com.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Bon appétit !
Il en faut pour mastiquer ce roman saignant dont le titre résume parfaitement l'histoire.
Je sais que ce billet a un petit goût de réchauffé car ce récit d'anticipation morbide a déjà rencontré un vrai succès et il a bénéficié d'un excellent bouche à oreille crue, en passant aussi par la brochette des petits doigts de nombreux Babeliotes. Mais tant pis, je ne suis pas le roi du micro-ondes des plats déjà cuisinés pour rien et je vous livre ma recette en drive.
Dans un futur plus ou moins conditionnel, tous les animaux et pas seulement ces pauvres pangolins, sont frappés par un virus mortel transmissible à l'homme. A défaut de masque, l'homme extermine toutes les bestioles de la surface du globe.
Sans plus aucun os à ronger et face à une demande carnée acharnée, l'humanité décharnée légitime puis réglemente le cannibalisme sans prononcer ce mot aussi indigeste qu'interdit. Bizarrement, ni l'auteure, ni personne n'a eu l'idée de rendre le véganisme obligatoire. Il y a des limites à l'horreur.
Pour que la morale soit sauve, les consciences apaisées et les estomacs rassasiés, après avoir d'abord mitonné les plus pauvres, les migrants, les vieux et les malades, un élevage de bipèdes avec le statut de « viande spéciale » est organisé.
Ce roman possède l'atmosphère d'une chambre froide. C'est la bureaucratie Kafkaienne au milieu des carcasses labellisées.
Marcos, le héros, travaille dans un abattoir qui met à mort le bétail humain dont on a coupé les cordes vocales pour leur ôter le langage et certainement la capacité de se plaindre à un syndicat. Une façon d'éviter la révolte des colis d'Amazones.
Marcos a conscience de l'atrocité de son quotidien, mais il doit continuer à travailler pour financer le placement de son père sénile. La perte de son enfant et le départ de sa femme l'ont vacciné contre toute sensibilité. Néanmoins, il finit par garder chez lui une femme promise à l'assiette. Au début, il ne sait pas trop quoi en faire mais il trouve rapidement le mode d'emploi et retrouve par la même une part d'humanité.
J'en reste à l'entrée et vous laisse découvrir le plat de résistance mais sachez que le comble du chic dans ce roman est de disposer dans les bonnes familles de sa propre créature pour la découper peu à peu tout en la laissant en vie pour réussir ses diners mondains. de la Pâta negra qui bouge.
La force du roman d'Agustina Bazterrica tient pour moi à son ultra réalisme. Elle pousse le processus de deshumanisation de nos sociétés à son paroxysme, décrit la dictature du paraître, la capacité de chacun à se mentir pour accepter l'intolérable face à un système qui peut normer légalement des abominations, légiférer sous les hourras des horreurs, noyer la masse à l'eau tiède, et je peux continuer encore longtemps pour rendre cette phrase interminable.
Ce récit est aussi une fable. En tuant les animaux, c'est la fin de l'état sauvage et le triomphe de la domesticité de l'homme. L'auteure y glisse aussi un peu de poésie à travers les visites de Marcos dans un zoo abandonné.
J'ai lu dans plusieurs critiques que les âmes sensibles devaient s'abstenir. Il est certain que ce n'est pas du Jane Austen mais je préconise au contraire au plus grand nombre d'ouvrir le menu.
Les scènes gores ne sont pas gratuites. Il ne s'agit pas d'une série Z avec un psychopathe armé d'une tronçonneuse chassant des étudiantes courtes vêtues dans une forêt mais de la description d'une inconscience collective poussée à son paroxysme. La construction du récit est habile et l'issue imprévisible.
Je suis omnivore, mais j'ai un coeur. A point. Pour ne pas virer au bleu après cette lecture, je continuerai à manger un peu de viande tout en évitant de donner un nom à mon steak.
Chérie, y'à quoi à manger ? Pour une fois, j'essaierai bien tes trucs verts qui ressemblent à des virus. Oui, des brocolis, c'est ça. Non, non, je vais bien.
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Mais il provient de qui
Ce cadavre si exquis ?
Est-ce celui d'un animal ?
Et alors ce serait normal ?
Élevage intensif sans limites
Puis abattage à la va-vite.

Sauver l'humanité à tout prix
Même à consommer l'inouï ?

Le concept est odieux et par ce tour de passe-passe extraordinaire, l'auteure réussit à déclencher une empathie sans commune mesure avec celle éprouvée d'ordinaire pour les animaux voués à être avalés et pourtant déjà immense.

Une fois de plus, seules les étoiles, mais aussi la couverture, m'avaient attirée ; c'est si mignon un écureuil !

Point de noisettes au menu, mais un assortiment de plats plutôt épicés. Quelques salades servies avec aplomb par la société, un plat de résistance consistant et pimenté comme aucun grand chef n'avait osé le faire. Et pour le dessert, une petite surprise au coulis aigre-doux.

Pour le digestif, il est absolument indispensable : vous reprendrez bien un doigt d'eau-de-vie ?

Les scientifiques se mettent au service des cuisiniers, mais qui du bétail ou de l'homme est le plus bestial ? Nourriture trafiquée, le trafic finit par devenir légal.

Et la femme qu'on diffame?
Qui sans enfant se sent infâme ?

Nos pupilles se dilatent
Nos papilles se rétractent

Les pages offrent des satyres
Dans cette excellente satire
Parce que ça tire à bout portant
Ça tire à tout bout de champ.

Même si très tôt j'ai deviné la fin
Vous devinez que je n'ai plus faim.

Un livre très profond qui bouscule.
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Imaginons un monde futur où toute espèce animale a été disséminée suite à un virus. Les animaux domestiques euthanasiés pour éviter toute propagation de la maladie. Monde apocalyptique où le cannibalisme devient à la mode. Plus de cimetières, quelques boucheries hors de prix où se vendent têtes, doigts, langues, pénis, de la chair bas de gamme à celle de luxe à travers les foetus et enfants en bas âge. Glauque n'est-ce pas...

Marcos est un de ces hommes qui travaille dans l'abattoir de l'horreur. Depuis que son père est placé, que sa femme l'a quitté, que sa vie s'est effritée, il voue un dégoût certain pour ce travail. Lui, il ne mange pas de viande. Il bosse pour payer la maison de retraite de son père.

Bon bon, ce roman m'intriguait fortement. Un sujet certes épouvantable (le cannibalisme) mais combien singulier avec cette possibilité de susciter réflexions et d'amener une trame pertinente et efficace.
Dégoûtant c'est le mot qui me vient en premier à la fin de ce livre. Dégoûtant parce qu'on vit quelques heures en autarcie dans cet abattoir de l'horreur. Rien ne nous est épargné. Des procédés d'abattage, les génomes humains traités comme du bétail, servant de cobayes, déshumanisés jusqu'à l'extrême. Et c'est sûrement là que le bât blesse. L'histoire est une grande et dégoûtante autopsie clinique. L'abattoir en toile de fond les trois quart du livre. Les personnages évoluent peu ou pas. Ils semblent tous résignés, amnésiques d'une vie antérieure empreinte d'éthique, dépourvus d'empathie, d'amour, de sentiments, d'éducation, de moral, d'émotions. Ils sonnent creux. Ils se mangent entre eux parce qu'il faut se nourrir, que l'humain est devenu comestible, légalisé. Ça renvoie à notre propre mode de consommation carnivore. Sauf qu'ici on imagine le goût en bouche de l'oreille de son voisin.

Je n'ai pas été choquée comme certains par le plus laid dans ce roman, j'ai trouvé un certain côté addictif et interrogatif. Ça interroge aussi notre conscience sur le problème de surpopulation qui nous pend au nez, les dérives de l'homme, d'une société immorale, guidée par un ventre criant famine. Par contre, le passage sur la maltraitance de chiots m'a été insupportable....

Malgré tout, c'est un roman qui m'a semblé horriblement froid, trop clinique, trop descriptif dans les scènes d'horreur. J'attendais un sursaut d'humanité, une note de couleur sur le tableau noir, une psychologie plus marquée et totalement absente ici. J'ai rarement lu un roman aussi froid. On s'imagine un tournant en seconde partie quand Marcos s'attache à une « femelle » enchaînée chez lui mais la fin est tellement incohérente par rapport au profil de Marcos que je suis plus que perplexe. Une impression que l'auteure voulait expédier son histoire et la clôturer vite fait. Mais cela ne tient pas la route à mon humble avis.

Impression plutôt en demi-teinte. Je ne sais toujours pas si j'ai aimé ou détesté ce roman. Je l'ai lu sans ennui et avec entrain même. Convaincue ou pas, je n'en sais strictement rien.
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"Après tout depuis que le monde est monde, nous nous mangeons les uns les autres. Quand ce n'est pas symboliquement, nous nous dévorons littéralement."

Cannibalisme : comportement qui consiste à manger les individus de sa propre espèce (nous ferons ici la différence avec l'anthropophagie).

Et si tel était notre devenir : consommer notre propre chair. le cannibalisme ne serait-il pas le prix à payer pour toutes nos années de carnivorisme effréné, toutes ces années passées à dévorer et à nous régaler de la chair carnée des animaux de notre écosystème ?

"Si tous les abattoirs avaient des murs en verre, tout le monde serait végétarien". Cette citation postée récemment par Snail11 sensibilise à l'urgence de prendre soin de notre planète et de l'espèce animale, elle fait funestement écho à la réflexion qui émane de ce tout premier roman d'Agustina Bazterrica.
Bien évidemment, il n'y a pas de murs en verre sur l'un des nombreux abattoirs dans lequel travaille Marcos Tejo, le personnage principal de ce roman, et le monde est loin, très loin même, d'être devenu végétarien, oh que non, il mange sa propre chair, la chair de ses semblables !

Comment le monde que nous décrit Agustina Bazterrica a-t-il pu en arriver à une telle extrémité ?
Des humains triés, sélectionnés et élevés pour remplacer les animaux comestibles qui ont tous été décimés par un virus après la GGB (la Grande Guerre Bactériologique) ; des humains prêts à être consommés (comme nos poulets de batterie ou label rouge) sous l'appellation certifiée conforme de "viande spéciale", "bavette spéciale", "côtelettes spéciales" car oui, tout est bon chez l'humain quand il arrive pour être traité et subir l'ignoble processus de transformation sur les lignes d'abattage de la société KRIEG, située quelque part en Argentine ou ailleurs, pour laquelle Marcos Tejo officie en tant que bras droit de son dirigeant.

Chaque jour qui passe, il supervise, il sélectionne ces hommes, ces femmes, pour n'en garder que le meilleur : la femelle PGP (Première Génération Pure), élevée en captivité sans avoir subi aucune modification génétique (cela ne vous rappelle rien ?). Puis il y a les autres, les laitières, les gestantes, les non-gestantes, les mâles excitateurs, les obèses (gavés comme des oies, vendus à des abattoirs spécialisés dans le traitement de la graisse), certaines "têtes" comme il les appelle, seront quant à elles destinées à l'élevage pour la transplantation d'organes ou pour la fabrication de sacs et de chaussures pour madame.

Marcos Tejo est un homme sombre, taciturne, il porte sa douleur et son histoire familiale comme on porte un fardeau. Il n'attend plus rien de la vie. Comment pourrait-il en être autrement quand on a perdu un enfant et que l'on ordonne chaque jour qui se lève la mise à mort de son semblable et que l'on porte en permanence sur soi l'odeur âcre du sang, l'odeur de la mort.
Mais la vie de Marcos Tejo va prendre une tournure des plus inattendues : en recevant pour cadeau une femelle PGP, il va commettre l'impensable car finalement ne lui offre t'on pas là le moyen de pouvoir réparer le passé ?

La vision de l'autrice est brillante, son récit fascine comme il répulse. L'écriture est incisive et dissèque sans le moindre détour l'inconcevable, l'indicible. Car qui pourrait supporter de vivre dans un monde où l'on peut élever une "tête" à sa guise, chez-soi, et la consommer petit bout par petit bout alors qu'elle est encore vivante ? Un monde dans lequel les chasses à l'homme sont autorisées et même très prisées des gens de la haute, un monde laissant libre cours à l'hypocrisie et aux pires formes de déviances qui soient...

En nous livrant cette dystopie remarquable Agustina Bazterrica pointe du doigt le carnivore qui est en nous. Les atrocités qu'endurent les humains tout au long de son récit ne sont que le reflet de ce que nous faisons subir aujourd'hui aux animaux que nous consommons. Elle nous rend la monnaie de notre pièce, elle nous confronte à nos propres crimes et pour cela elle nous sert directement sur un plateau le châtiment sur mesure qui sonne comme un retour à l'envoyeur. Et cerise sur le gâteau, elle nous offre un final inattendu. Bravo !

* Je remercie HundredDreams grâce à qui j'ai découvert l'autrice.
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Un roman aussi magistral qu'atroce, voilà comment je résumerais cette histoire qui nous met une sacrée boule au ventre, du début à la fin.
Magistral parce que l'écriture est somptueuse, parfois froide, presque clinique, à l'image des techniques d'abattage pratiquées dans le roman.
Et parfois empreinte d'une touche de poésie et d'une immense humanité.
Atroce, parce que l'homme est capable du pire, surtout quand il croit que tout se justifie, quand il fait en sorte que les mots et la terminologie se mettent au service de la barbarie.
Je l'ai lu d'une traite, parce que le récit est fascinant et aussi pour en finir vite, car bien que profondément addictif, ce roman met aussi extrêmement mal à l'aise.
L'histoire est assez simple, un virus a anéanti tous les animaux et une nouvelle race de bétail est donc désormais élevée en vue de nourrir la population du monde entier. Mais ces animaux d'un genre particulier ne sont autre que des humains, des hommes, des femmes et des enfants qu'on a fait naître et qu'on a élevés pour être mangés voire pire.
Ce roman nous met face à nos comportements les pires, à ce que l'homme a été capable d'infliger à ses semblables au cours de l'histoire pour des raisons idéologiques et à ce qu'il serait tout à fait capable de refaire si les conditions étaient réunies pour qu'il se sente légitime à le refaire.
Un immense merci à Babelio et aux éditions Flammarion pour cet envoi.
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Peut-être que ce roman est génial. Un véritable choc littéraire… Peut-être !
Mais, pour moi, cette lecture a été une souffrance de la première à la dernière page.
Je ne l'ai terminé que par respect pour Babelio et les Editions Flammarion qui ont eu la gentillesse de me l'envoyer avant sa parution en librairie. Je les en remercie.

L'auteure nous entraîne dans un futur où la grande guerre biologique a contaminé les animaux avec un virus mortel les rendant impropres à la consommation, ils ont d'ailleurs tous été abattus.
Nous basculons alors dans une épouvantable histoire de cannibalisme où rien ne nous est épargné.
On tue des humains, des immigrés, des marginaux, des pauvres.

Dans les asiles « Les vieux que l'on n'appelle plus papy ou mamy sont vendus après leur mort, à bas prix, c'est de la viande sèche et malade, gavée de produits pharmaceutiques. »

La deuxième partie du roman m'a laissé espérer un peu d'humanité, mais non, on bascule à nouveau dans l'horreur absolue.
Ce roman nous envoie en pleine gueule la souffrance que nous faisons subir aux animaux dans trop d'abattoirs et cela m'est insupportable.

Je suis probablement chochotte et je l'assume.
Je vais terminer ainsi ma critique car parler de ce livre m'est aussi pénible que de le lire.
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J avais un peu hésité avant de lire ce roman. J avais peur de ne pas tenir le choc mais une critique d une amie m a fait sauter le pas.
Oui j ai adoré cette histoire. J aime beaucoup les dystopies. J ai trouvé l histoire proposée par Agustina Bazterrica très audacieuse et en même temps cohérente et plausible. Mon côté bisounours ne m empêche pas de voir que l homme peut être cruel ( je connais pas d espèce animale qui torture par exemple). En cas de grosse famine, je pense que certains pourraient franchir la ligne blanche et finirent pas bouffer leur voisin.
Apres la grande guerre bacteriologique, les animaux ont été atteints par un virus mortel transmissible à l homme . Il fallut donc tuer tous les animaux y compris les chiens et chats. Puis une nouvelle race de "viande comestible" fut créée à partir de génomes humains. On suit tout le processus de cette viande avec Marcos tejo qui travaille dans un abattoir. Lui ne mange pas de viande. Mais son père est devenu sénile et pour payer les frais de la maison de retraite, il faut ce travail qu il déteste. Sa femme s est réfugiée chez sa mère suite au décès de leur nourrisson. C est donc un homme brisé auquel on s attache parce qu il semble avoir gardé une part d humanité en lui. On suit ses pas dans sa journée de travail et on découvre l horreur mais racontée avec distance, froidement, sans trop en faire. On rit jaune devant tant d hypocrisie. On ne parle plus de mains mais de membres supérieurs . On ne parle pas de femme enceinte mais de femelle gestante.
Dans sa vie compliquée, va se rajouter un problème épineux. Un cadeau pour le moins surprenant : une femelle de premier choix. Que va t il bien pouvoir en faire?
Ce n est pas une lecture facile mais j ai dévoré ce livre. En espérant que cela reste de la pure fiction et pas de l anticipation.
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Lire ce 'Cadavre exquis' revient à regarder jusqu'au bout une vidéo de L214, sans baisser les yeux. En transposant un tout petit peu : les animaux entassés, détenus en cage et abattus ici ne sont ni des porcs, ni des volailles, mais des hommes, des femmes, des enfants humains.
On les appelle des 'têtes' et on leur a coupé les cordes vocales, histoire de vaincre les résistances des consommateurs les plus sensibles :
« Certains mots dissimulent le monde. Il y a des mots convenables, hygiéniques. Légaux. »

Dans cette histoire de cannibalisme organisé, l'exploitation de l'homme par l'homme, poussée à son paroxysme, perturbe à plus d'un titre.
D'abord parce qu'elle pose la question de la hiérarchisation entre humains - qui existe déjà (cf. organisation du travail à l'échelle mondiale, prostitution, sort des plus précaires…).
Ensuite parce que toutes les pratiques relatées ici ne sont que la transposition du sort subi par les animaux, pour la recherche, les loisirs et évidemment la consommation de viande (le nec plus ultra étant la chair vivante ou celle de 'petit'). Cet aspect montre d'ailleurs à quel point la bouffe qu'on nous vend est malsaine et trafiquée - mais ça, ça serait presque un détail tant le reste du propos interpelle.

D'abord parasitée par les ressemblances entre cet ouvrage et 'Dîner secret' (Raphael Montes), j'ai de plus en plus admiré la plume de l'auteur, son talent pour nous plonger dans ce portrait immonde d'une société en dérive et nous rendre le personnage central terriblement touchant dans ses ambivalences.

« Après tout, depuis que le monde est monde, nous nous mangeons les uns les autres. Quand ce n'est pas symboliquement, nous nous dévorons littéralement. La Transition nous a offert l'opportunité d'être moins hypocrites. »

Merci Babelio, merci Flammarion pour cette découverte en avant-première !
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