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Citations sur Le jour des corneilles (89)

Je songeai qu'il existait des bourgeois, appelés doctes, dont le métier est de remettre en état les corps lorsqu'ils se rompent. Comment trouver ici une telle personne ? Je résolus d'aborder le premier bourgeois, la première créature à passer par-devant ma face. Car je ne pouvais bien sûr repérer la résidence du docte à son panonceau, puisque j'étais aussi analphabique qu'un putois.
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Là, pendant que je patientais longues périodes que la justice puisse attaquer mon cas, et afin d'aider au passage du temps, on m'instruisit de vocabulaire. Car il y avait, en ce lieu, école accordée à ceux d'entre les fripons qui ambitionnaient de s'élever au-dessus de leur condition vulgaire. Je conçus de cette sorte, au fil des jours, non seulement nombre de mots, mais pareillement leur sens et leur mesure, et mieux encore le pouvoir de leur résonance en esgourdes d'autrui. Qui démentira en effet que paroles compétentes rapportent davantage que mots échevelés et trouées de silence ?
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Oui, père mûrissait en sa vie et menaçait, ainsi que le fait le fruit vieillissant sur l'arbre, de quitter la branche de l'ici-bas.
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Advint un événement. Tandis que je discourais par-devant père, nos esgourdes furent emplies d'un bruit singulier. C'était une criaillerie sèche et brève, assurément sortie du gosier d'un bourgeois, serrée de près par le bruit d'un cordage soudainement tendu. Père et moi laissâmes séance tenante notre exercice et commençâmes à ruer nos personnes vers le lieu d'où avait émané le bruit, avoisinant du grand pin à peu près.
Nous arrivâmes bientôt, soufflants et curieux comme loutres. Ce que nous vîmes nous laissa tout abasourds : accroché à une branche par le col, un bourgeois oscillait sous le grand pin telle une pendeloque, sans vie, sa langue dégainée de bouche en une simagrée détestable. Surmontant sa surprise, père s'en fut décrocher le mort. D'un coup de coutelas, la corde fut brisée et le bourgeois chut, s'effondrant, mort et même surmort, sur un lit de russules en une attitude ridicule. Ce qui, un laps plus tôt, était encore un quidam vif et habité n'était plus à présent que sac creux.
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Il nous fallut usiner une brancarde de branchottes et transporter père jusqu'à l'hospite du village. Là-bas, on commença de suite à lui coincer la cheville dans une plâtrade, afin, me dit-on, de permettre à l'os de relever.
Cependant que père était livré au docte-plâtreur, Manon entreprit de me débarbouiller. Je fus d'abord enseigné du sens de ce mot-là, qui désigne immersion en barrique et savonnade vigoureuse. Dans une chambrette de l'hospite, je fus ainsi récuré pour la première fois de ma vie, à l'aide de brosse et savonnette, que Manon maniait avec industrie. Tandis que je sentais la brosse manœuvrer, il me paraissait que ma charmante ne faisait pas qu'enlever croûtes et étages de crasse sur ma peau, mais aussi qu'elle atteignait de plus profondes zones, jusqu'à l'abord d'une contrée encore ignorée. Comme si elle se faufilait en ma personne, y défrichait une forêt nouvelle et y venait s'établir. Je songeais à l'étrangeté que voici : souventes fois, nous nous concevons reclus en nous-mêmes comme en accoutre étanche. Puis, un jour, le commerce aimable des autres nous pénètre et abolit cette solitude de captif.
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Peut-être ainsi, mâchais-je en moi-même, la folie est-elle une sorte de corridor reliant provisoirement vifs et trépassés. Ainsi la déraison de père n'était-elle pas aussi folle qu'il y paraissait : mère, par-delà même les limites de l'ici-bas, permettait à père d'entretenir en sa vie quelque direction.
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"Me vint une fois la question que voici: aurait-il enfoui son chérissement pour moi dans la tombe avec mère ? Je mâchais ce penser: "Serait-ce donc faisable de mettre en terre le sentiment humain? "
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Non, amour ne doit pas être invisible, non plus qu'immatériel. Quoi, amour serait comme vapeurs, comme riens, intouchable et introuvable ? Je ne peux m'y résoudre. Je dis : amour est comme nous-mêmes, bâti de chairs et de substances flagrantes et observables. Mais peut-être aussi notre oeil lui-même est-il par trop aveugle, et incompétent à saisir matière aussi fuyante. Voilà pourquoi je me questionnais tant : père m'aimait-il, m'aimait-il seulement ?
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S’emparant de ma personne, père me mena par-delà la forêt jusqu’au champ de Monsieur Ronce, où se trouvait un trou de marmotte peu aprofond. J’y fus enfourné puis laissé à moisir, séjournant là pour l’équivalence d’une course de soleil, pleuroyant extrêmement de désarroi, de soifs et d’appétits. Caillasses me griffaient l’échine. Poussiers et sables m’emplissaient esgourde, œil et bouche. Paille se tissait à ma maigriotte chevelure.
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Je lâchai : "Diable ! Quand vous me touchez la main tel qu'ainsi, c'est comme si farfadettes me chatouillaient sous le pied ! Cela me met hilarités au corps !"
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