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4,09

sur 221 notes
Le Jour Des Corneilles m'a été chaudement conseillé par l'une de mes plus proches amies qui, connaissant mes affinités pour le style, m'a assurée que " tu vas adorer, j'en suis sûre ".

Et effectivement, dès les premières lignes vous êtes embarqués dans un français incroyable, comme surgit d'outre-tombe, un françois comme Français Rabelois l'eût probablement escrit et appresté, si agréable à l'esgourde par sa sonnaillerie plaisante et insolite.

Cet effet très maîtrisé par Jean-François Beauchemin est rendu presque naturel par le fait que le narrateur et protagoniste principal de l'histoire a vécu, complètement isolé et reclus avec son père dans une cabane au fond des bois depuis sa plus tendre enfance.

Ainsi, ce langage bourré d'archaïsmes québécois, lesquels archaïsmes ressemblent comme deux gouttes d'eau au moyen français qui se pratiquait à l'époque de Rabelais, est censé coller à l'archaïsme du mode de vie, loin de la civilisation et des moeurs de notre époque.

Donc, sur le volet du style, je trouve ce petit roman très réussi et très dépaysant, vous transportant en moins de cinq lignes à cinq siècles en arrière, comme au temps du bon roi François, premier du nom.

Il me faut maintenant parler des choses qui fâchent, à savoir que, malgré cette grande originalité de style, je n'ai pas goûté cette romance au ragoût de chipmonque et d'atrabile. Si vous aimez le glauque de chez glauque assaisonné au gore de chez gore, alors vous aimerez très certainement le Jour Des Corneilles.

En revanche, si comme moi vous n'affectionnez ni glauque ni gore, vous risquez d'éprouver quelques malaises durant cette lecture. de quoi est-il question ?

Dans ce récit à la première personne, le fils Courge explique à un juge tout son parcours, depuis sa naissance jusqu'à cette session devant le tribuneau. Il y fait donc la longue litanie des mauvais traitements semi-sadiques qu'il a subit de la part de son père, faute d'avoir connu sa mère, décédée à sa naissance.

Ce père, véritable brute des bois, qui a tout fait pour le faire périr, volontairement ou involontairement, avec ou sans le recours d'un fort dérangement cérébral est le véritable héros (anti-héros) de cette histoire.

Tout du long, on essaie de comprendre les motivations de cet homme, d'une part à vivre à l'écart du monde et à interdire à son fils tout contact avec ses semblables. Ensuite, l'origine de l'espèce de culte sacrificiel païen qu'il voue à sa défunte épouse, ainsi que quelques uns de ses dérangements psychiatriques.

Dans l'ombre du père Courge, vivote — survit plutôt que vit — son frêle fils, qui passe lui son temps à se demander si son père éprouve quoi que ce soit d'affection envers sa personne.

On peut lire en quatrième de couverture une citation de Martine Laval dans Télérama qui dit : " Ici, l'horreur flirte avec la grâce. " Tout dépend comment l'on entend le mot flirte, si comme moi, l'on considère que cela signifie " qui s'en approche sans jamais l'atteindre ", alors oui, je suis d'accord.

Pour ma part, j'écrirais plutôt que l'horreur flirte avec le morbide et roule un patin à l'immonde. Les scènes de dépeçage de créatures diverses, animales ou humaines, viennent à l'appui de ce sentiment.

Bref, très belle rencontre quant au style, mais grande déception quant au fond. Je pense qu'il est possible de parler d'amour filial sans aller dans des terrains aussi glauques et bourbeux, d'où cette appréciation mitigée et assez généreuse par rapport au plaisir réel que j'y ai pris à la lecture.

Mais ce n'est là que mon avis de sinistre corneille, un avis qui volera en fumée, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Vous pensiez que Rabelais était relégué au placard ? Qu'il était dépassé, voire ringard ? Eh bien, vous vous trompiez ! Jean-François Beauchemin réhabilite cette langue truculente qui, faisons tomber tous les préjugés se profilant à l'horizon, se lit particulièrement bien. Malgré la noirceur des propos, j'avais un sourire jusqu'aux oreilles, tournant les pages de façon frénétique, voulant en lire toujours plus.

L'histoire, je le disais, est rude : un homme, M. Courge, vit comme un sauvage en forêt. Lorsque sa femme donne naissance à leur fils, elle décède. M. Courge élève donc seul le petit. Jusque-là, vous allez me dire, il n'y a pas de réels problèmes, si ce n'est que l'homme, asocial, vit en autarcie. Oui, mais rajoutons à ceci qu'il "n'est pas tout seul dans sa tête", et vous comprendrez dès lors le danger de la situation pour le fils. Et c'est ce dernier qui va raconter cette histoire au juge. Oui, inévitablement, il va se passer quelque chose... Mais il faudra lire le livre pour le savoir !

J'ai adoré ce bouquin qui m'a d'ailleurs donné envie d'aller relire mes Rabelais. Je vous le conseille vraiment.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Au coeur de la forêt, à distance du village, le fils raconte. La vie quotidienne rude, la chasse et la cueillette pour assurer la pitance, une autarcie basée sur des connaissances de la nature parfois insuffisantes, et surtout les coups et les sévices, qui surviennent quand le père est pris par ses démons. La mère est morte en couches, à la naissance du narrateur, mais reste présente pour l'enfant qui dialogue avec les défunts.

Si le sujet n'est pas neuf, (mais existe t-il des thèmes vraiment originaux ?), la manière étonne. Ce fils analphabète utilise un langage étrange, des mots inventés, ou issus d'une forme ancienne, dont on ne connaît pas l'origine . Et l'on découvre qu'il s'agit d'une façon propre de s'exprimer lorsque l'enfant se rend au village pour chercher du secours pour son père qui a fait une mauvaise chute: là, le langage des personnes auxquelles il s'adresse à tout d'une langue ordinaire.

C'est quasiment un exercice de style que nous propose l'auteur, ce récit construit avec des néologismes incessants, et des tournures de phrases particulières, mais tout à fait compréhensibles. On s'y fait d'ailleurs assez vite, comme une langue étrangère que l'on apprivoiserait en quelques pages.

Un court roman original, sur le thème de l'amour inconditionnel d'un fils pour son père , que n'étaye aucun langage, sinon celui de la brutalité, une survie quasiment bestiale et un comportement guidé sur l'instinct et marqué par des coups de folie furieuse.

A découvrir pour le style et la violence des sentiments.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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J'ai longtemps cherché comment décrire ce livre. En vain.
Et puis, voilà, j'ai trouvé le mot juste : c'est une bizarrerie.
Il ne rentre dans aucune case et ne ressemble à rien de ce que j'ai pu lire jusqu'ici.
L'auteur, québécois, l'a écrit dans une langue incroyable. Une langue venue du fond des siècles, du vieux françois ou plutôt du vieux québécois ; en tout cas, une langue qui réjouit nos oreilles... oh, pardon : nos esgourdes !
Dès le début, le lecteur se retrouve donc plongé dans un autre univers, une sorte d'univers parallèle.
La lecture est un enchantement, du moins en ce qui concerne la forme (la langue). Parce qu'en ce qui concerne le fond (l'histoire), c'est une autre paire de manches.
Le titre nous prévient. Ce n'est pas le jour des toucans, des martins-pêcheurs ou des rouges-gorges, non : c'est le jour des corneilles. C'est noir. Très noir.
Il faut rentrer dans ce texte sans craindre les descriptions assez crues, entre autres celles des dépeçages de bêtes en tout genre, mais le lecteur que cette sorte de choses ne rebute pas sera enchanté de sa lecture.
Durant quelques courtes heures de lecture (le livre est très mince et se lit vite) j'ai partagé la vie d'un père et de son fils, hors du temps, hors du monde, et j'ai vraiment aimé ça.
J'ai aimé ça, parce que c'est ce qui me plaît dans la lecture : voyager dans le temps et/ou dans l'espace, vivre des aventures que je ne vis pas dans ma vie réelle... bref, sortir de mon quotidien. Et ce livre-là m'a emmenée loin, très loin !
Un roman que je recommande à ceux qui n'ont pas peur de sortir des sentiers battus... et qui ont le coeur bien accroché.
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Né dans la cabane que ses parents ont choisie pour se retirer du monde, le fils Courge - c'est son nom - apprend la vie, parfois la survie, du peu que son père à la parole rudimentaire lui concède. Il grandit loin de la société. Sa mère est morte en lui donnant le jour.
L'âge lui conférant l'entendement, prospère alors en lui une ombre. Celle d'un manque qu'il ressent de plus en plus comme fondamental. Sans pourvoir y donner ni contour ni matière, le fils Courge comprend peu à peu qu'avec l'homme naît le besoin de trouver auprès de ses semblables, de ceux qui lui ont donné le jour en particulier, un sentiment de sécurité, de bien-être dans la proximité, une notion à laquelle il ne saurait donner de nom mais dont il en ressent inconsciemment l'impérieuse nécessité.
Privé de bienveillance maternelle, il reste confronté à ce seul père souvent pris lui-même par les visions de ses folies passagères. Ce dernier ne conçoit de nécessités que celles du corps. D'esprit il n'est question que dans ses lubies, de cœur jamais. Son abord n'est que rudesse voire même sauvage brutalité.
Dans le jour des corneilles, Jean-François Beauchemin réalise sous les yeux de son lecteur une expérience de laboratoire. Dans cet huis clos qu'il restreint à la confrontation père-fils, il étudie la construction de l'être humain, l'écartant des nécessités du cœur.
Mais voilà qu'un événement le rapprochant de la société que père et mère ont fui, le fils Courge va entrevoir dans la rencontre inattendue d'une jeune fille du village voisin, Manon, la raison du mal qui le ronge. Il découvre que, tapis au fond de l'être, se blottit le germe d'un besoin instinctif, aussi fondamental que nourriture du corps : le besoin d'amour. Le besoin de partager l'amour plus exactement, car lui n'en manque pas à l'égard de ce père plus cruel qu'aimant. Le besoin d'avoir un retour à cet élan spontané qui le fait rester auprès de cet être atrabilaire et imprévisible.
Le thème est prenant en soi. La façon de l'aborder est très originale. Par la forme qu'il donne à son texte, construit sur la base d'un parler archaïque, d'un langage fleuri, parfois cru, pour aborder des notions primaires, Jean-François Beauchemin le rend ardent, d'une lecture filante, jamais pesante et divertissante au final. Formidable contraste calculé au regard de la gravité du sujet.
En narrateur-acteur, son héros se livre à tous les excès qu'autorise le naturel, le spontané, à toutes les violences de langage et d'action. Cette façon de juxtaposer le comique du verbe, la brutalité des comportements et l'extraordinaire sensibilité de deux êtres frustres est stupéfiante et tellement porteuse d'émotions. On ne peut qu'être séduit par cet ouvrage qui reste au final un grand message d'amour.
J'ai donc moi-même été conquis par ce fabuleux roman. Fonds et forme, c'est très réussi à mon goût. Dès les premiers mots j'ai été saisi par son originalité, puis par ses thème et artifice de construction. Je le recommande vivement.
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Le roman s'ouvre sur le procès du narrateur. On ignore ce qu'il s'est passé, même si on devine déjà qu'il s'agit d'un évènement dramatique. Mais pour pouvoir comprendre comment on en est arrivé là, il va falloir remonter loin dans le passé, jusqu'aux origines de la folie…


Le narrateur commence alors le récit de sa vie, sa naissance dans une cabane perdue au fond des bois. La mort de sa mère en couches, le chagrin de son père, rendu fou par la perte du seul être qui comptait à ses yeux. L'apparition de « ses gens » dans la tête de cet homme bourru, qui le poussent à commettre des actes cruels, inhumains, qui mettent en danger la vie de son fils… Il nous raconte cette vie coupée du monde, où il apprend très tôt à chasser, à pêcher et à se débrouiller dans cette nature ambivalente, tantôt bienfaitrice, tantôt impitoyable. Il y connait la faim, le froid et la folie d'un père taiseux, violent et imprévisible mais auquel il voue un amour inconditionnel dans ce monde sans repères. Amour qu'il découvrira aux côtés de la jolie Manon, une fille du village et qui le mènera à se poser cette question essentielle, obsédante comme une ritournelle : « Père m'aime-t-il, m'aime-t-il seulement ? ». Dès lors, le petit Courge n'aura de cesse de chercher les preuves de cet amour…


Quel choc que ce petit roman écrit par Jean-François Beauchemin ! Un choc dû à l'intrigue elle-même, dont l'extrême violence contraste avec l'innocence et la naïveté de son narrateur, qui raconte son histoire en toute objectivité, sans en mesurer la dureté. Un choc également lié au langage employé par l'auteur, un langage qui déroute au départ le lecteur. Fait de vieux français, d'une construction minimaliste et d'un vocabulaire désuet, il s'avère à la fois âpre et poétique. Très vite on se fait à cette langue venue d'un autre temps, qui n'est pas sans rappeler celle utilisée au moyen-âge, et on se met à en apprécier toute la beauté et la singularité. L'auteur fait preuve de talent et d'un magnifique travail sur le style !


L'histoire, quant à elle, est véritablement fascinante. A la façon d'un conte, on ne sait rien ni du lieu, ni de l'époque à laquelle elle se déroule. le mode de vie sauvage des protagonistes côtoie de loin un monde qui semble bien plus moderne, rendant difficile de situer l'histoire dans le temps. Par ailleurs, la tension liée à l'attente de la révélation du drame ne cesse de s'amplifier au fur et à mesure de la lecture et ne laisse jamais le lecteur indifférent. Jean-François Beauchemin nous offre un texte inclassable et néanmoins remarquable sur la folie, l'isolement et l'amour filial. Un bijou à découvrir !
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A une époque et en un lieu indéterminés (peut-être le Canada du siècle dernier ?) le père Courge et son fils vivent dans une cabane au fond des bois à l'écart du monde et dans un état presque primitif.

C'est le fils, qui n'a reçu d'autre éducation que celle que son père a bien voulu lui donner, qui est le narrateur. Son langage est bourré d'archaïsmes et de néologismes.

Cependant, réduire le roman de Jean-François Beauchemin à une curiosité langagière serait très réducteur, même si cette langue si particulière est savoureuse et inventive.

Le jour des corneilles, aborde des sujets tels que la recherche de l'affection, les relations entre un fils et son père, la folie.

La quête du fils Courge pour connaitre l'amour, celui de son père, de sa mère défunte, d'une jeune femme rencontrée lors de son premier vrai contact avec la civilisation, est à la fois poignante et effrayante.

Inclassable, d'une réelle originalité, ce roman d'un auteur québécois que je découvre grace à Babelio, est une curiosité, mais aussi un ouvrage de grande qualité à découvrir.
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Ouh là faut s'accrocher avec cette prose en vieux français/médiéval/québécois (enfin je suppose !). La vie d'un jeune homme, qui raconte à un juge, son enfance avec son père dans une cabane dans les bois. Des phrases sèches, des coups, des voix ‘sous le casque'. Lui, voit le fantôme de sa mère. Une scène finale de la pire horreur. Je n'ai pas été conquise. Pas du tout ce que j'en espérais. Trop glauque !
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Tous mes remerciements à l'opération Masse Critique de Babelio pour m'avoir fait découvrir cet étrange mais bouleversant petit roman de l'auteur québécois Jean-François Beauchemin. En ouvrant « le jour des corneilles », nous plongeons au coeur d'une sombre forêt grouillante de vie et de mystère où vivent en ermites un père et son fils. le père, espèce d'ogre au tempérament orageux, élève seul son enfant depuis la mort tragique de la mère de celui-ci – une éducation bien rude, faite de torgnoles, de mauvais traitements et de coups de gueule. Pourtant, tous ces sévices n'empêchent pas le garçon de lui vouer une admiration passionnée et de voir en lui un surhomme, une force de la nature capable d'en déchiffrer les moindres énigmes. Mais ce surhomme possède une faille, car, presque chaque semaine depuis la mort de sa femme, le père reçoit la visite de « ces gens », des hallucinations qui lui dictent d'étranges et dangereuses missions qu'il force régulièrement son fils à l'aider à effectuer. Les jours passent et l'enfant mûrit, s'interrogeant chaque jour une peu plus sur le monde intriguant qui l'entoure et s'alarmant de la démence grandissante de son père. Et, chaque jour, la même question le hante, leitmotiv fiévreux et obsédant : « Père m'aime-t-il ? M'aime-t-il seulement ? »

Au premier abord, « le jour des corneilles » décontenance un peu par son style d'écriture très inhabituel, mélange de jargon rural et de dialecte médiéval. Pourtant et à condition de lutter contre l'envie de sortir de temps en temps son dictionnaire pour vérifier tel ou tel terme, ce style s'avère rapidement très immersif. Par son étrangeté, il permet d'accentuer l'atmosphère d'isolement et de bizarrerie qui baigne tout le récit. Cet atmosphère très particulière est encore renforcée par le cadre de la forêt, entité vivante et obscure, à la fois source de menaces et de réconfort puisque c'est entre ses racines que le jeune narrateur vient chercher l'amour que son père lui refuse obstinément. Car «Le jour des corneilles » est avant tout une histoire d'amour : l'amour dévorant et maladif d'un fils pour son père, amour doublé du désir désespéré d'être aimé en retour – ou, à défaut de cela, d'avoir au moins la certitude de ne l'avoir jamais été. Pour acquérir cette certitude, le jeune homme ne reculera devant aucune extrémité, pas même la plus tragique…

A la fois cruel et attendrissant, poétique et horrifiant, « le jour des corneilles » est un roman d'une rare puissance émotionnelle. Une très belle expérience à tenter !
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Le jour de la naissance du fils Courge est le début d'un long calvaire pour lui : sa mère meurt en accouchant et son père, un sauvage qui fuit la société des hommes, devient en partie fou. La présence de "gens" dans sa tête le conduit à faire des expériences étranges – souvent dangereuses et douloureuses – dont l'acteur attitré est toujours son fils. Ce dernier, qui raconte son histoire face à un tribunal, subit et se tait … jusqu'au jour où il décide de voir si son père l'aime vraiment, s'il a vraiment un coeur …

"Me vint une fois la question que voici: aurait-il enfoui son chérissement pour moi dans la tombe avec mère ? Je mâchais ce penser: "Serait-ce donc faisable de mettre en terre le sentiment humain? " Ce petit roman court a connu un énorme succès outre-atlantique et même au-delà du Québec natal de l'auteur. Il a même été adapté en film d'animation en 2012, avec les voix de Jean Reno et Lorànt Deutsch. Dans un monde idéal j'aurais aimé vous parler de ce roman en utilisant le même vocabulaire, mélange d'un patois archaïque et d'un québecois fort savoureux, qui demande de la concentration mais auquel on finit par s'habituer, à notre plus grand bonheur … Un style sans pareil, original, frappant, celui d'un illettré qui tente de comprendre le monde, en manquant pourtant de tout le vocabulaire nécessaire pour exprimer ses sentiments.

"Car s'il me faut aujourd'hui tourner pour vous les pages de mon existence, il me faudra aussi, par même occasion et pour mieux traduire mon récit, ouvrir le livre de la vie de père, si étroitement emmaillotée à la mienne. Cela afin de vous instruire meilleurement des circonstances où je fus conduit à achever mon prochain, puis enseigné de vocabulaire et, enfin, mené ci-devant vous et les membres de ce tribuneau pour trancher mon cas."

En effet, au-delà du style, c'est l'histoire elle-même qui ne peut nous laisser indifférent : en quelques pages, le narrateur décrit un mode de vie hallucinant, un huis clos à la limite du monde civilisé dont il est tenu à l'écart pendant plus de 20 ans. Livré seul à un père à demi-fou, il supporte stoïquement car il n'a jamais rien connu d'autre. Seuls le conforte les morts qu'il voit apparaître, dont sa mère, qui lui donne la force de vivre et de survivre.

Au coeur de cette sombre forêt, Jean-François Beauchemin donne à son texte un petit air de conte à l'ancienne, comme une quête moyenâgeuse racontée avec les mots de cette époque, une quête de l'âme humaine. Par la bizarrerie du style, Beauchemin renforce l'originalité de cette confession, accentuant sa noirceur tout en la rendant plus supportable car racontée moins crument.

Un ovni littéraire émouvant et incontournable pour tout amoureux de la langue et de la littérature.
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