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EAN : 9782073038159
192 pages
Gallimard (04/01/2024)
4.19/5   392 notes
Résumé :
"Il ressemblait, avec ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés, à ce petit oiseau délicat, le roitelet. Oui, c'est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l'or et la lumière de l'esprit s'échappaient par le haut de la tête. Je me souvenais aussi que le mot roitelet désignait un roi au pouvoir très faible, régnant sur un pays de songes et de chimères."

Un homme vit à la campagne avec sa femme Livia, son chien Pablo et... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (103) Voir plus Ajouter une critique
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Un récit de presque rien… une histoire de jardins qu'on soigne et qu'on arrose…

Ce livre est à l'image de sa couverture. D'un bel et élégant vert tendre. Vert comme la nature qui sertit les pensées de l'auteur. Vert comme l'espoir malgré la maladie. Vert comme le ciel en fin d'après-midi avant la tombée du soir et son dégradé de rose virant au rouge. Vert comme la vie qui vient. Et Tendre, très tendre, comme la bienveillance et la pudeur qui remplissent ces pages. Sans oublier ce dessin, celle d'un oiseau, d'un roitelet. Cet oiseau délicat dont le dessus de la tête est éclaboussé d'une tache jaune un peu comme le frère de l'auteur dont il est question dans le livre, avec « ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés ».

« Oui, c'est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l'or et la lumière de l'esprit s'échappaient par le haut de la tête. Je me souvenais aussi que le mot roitelet désignait un roi au pouvoir très faible, voire nul, régnant sur un pays sans prestige, un pays de songes et de chimères, pourrait-on dire ».

Nous avons l'impression qu'il chute cet oiseau. Et pour cause. le frère souffre de schizophrénie depuis l'adolescence. Cette maladie est centrale dans ces pages mais non pas pour en fournir un examen clinique mais juste pour raconter la vie comme elle est, pour noter des pensées journalières sur la façon dont la vie s'adapte, accepte, accueille, aime ce frère singulier. Pour montrer que la poésie jaillit précisément de la relation avec l'autre lorsqu'il est différent. Pour noter et garder précisément les souvenirs d'enfance de cette fratrie.

« le mot schizophrénie, formé à partir du grec skhizein (fendre) et phrên (esprit), ne pourrait mieux illustrer le coup de hache qui un jour a fait voler en éclats l'existence de mon frère, et ouvert en lui une brèche impossible à refermer. Je tente comme je peux de me glisser avec lui dans cette ouverture, mais n'y parviens jamais qu'à moitié : les épaisses ténèbres que j'y rencontre m'empêchent de me mouvoir librement, et me forcent à rebrousser chemin. »

Jean-François Beauchemin mène une vie paisible à la campagne avec sa femme Livia, son chien Pablo et le chat Lennon. Pour cet écrivain parvenu à l'aube de la vieillesse, l'essentiel n'est plus tant dans ses actions que dans sa façon d'habiter le Monde, de parcourir amoureusement la nature en étant attentif au moindre bruit, aux odeurs, aux couleurs, d'entrer en relation avec ses animaux, ses voisins et ses proches. Il ressent profondément la nécessité de l'amour et de la bienveillance alors qu'il s'allège du superflu au fur et à mesure des années qui passent. La relation étroite avec ce frère dont il s'occupe très souvent est marquée à la fois du sceau de l'inquiétude mais aussi de la tendresse et de l'amour. Ce récit est à la fois d'une grande pudeur mais également d'une véritable franchise. L'empathie remarquable de l'écrivain permet au récit d'atteindre une sagesse et une réflexion philosophique, le tout magnifié par une poésie naturaliste très touchante.

« Certains soirs, après sa journée de travail à la pépinière, lorsqu'il préfère l'ombre fraîche de notre jardin à l'austère désordre de son appartement, nous nous asseyons sur le petit banc et observons ensemble le ciel lentement pivoter. Et je sens se réinstaller entre nous une secrète connivence, le sentiment tragique de la déchirante douceur du monde ».

J'ai particulièrement aimé ces passages où l'auteur retranscrit les sensations du frère qui permettent de mieux comprendre comment quelqu'un souffrant de schizophrénie appréhende le monde. La façon dont il aborde la littérature, notamment les recueils de poésie qui ont le don de l'apaiser- en particulier « Seuls demeurent » de René Char, l'un des objets « les plus émouvants à avoir été engendrés par la sensibilité humaine » - et de lui apporter cette proximité humaine qu'il ne trouve pas dans sa vie.

« Je pense que la plupart de mes souvenirs sont comme des lettres cachetées dont le timbre aurait été retirée à la vapeur ».

Pourquoi, cependant, ce livre n'a-t-il pas été un coup de coeur pour autant ? Peut-être ai-je éprouvé une petite pointe de gêne, mais à de rares moments il faut le souligner. Si j'ai tout aimé dans ce récit, exception est faite lorsque l'auteur rapporte certaines paroles de son frère dans lequel ce dernier exprime son amour et son admiration pour le narrateur. le récit est certes empreint de pudeur et l'auteur ne vole pas la vedette à son frère, mais il y a un petit quelque chose qui me met toujours à distance lorsque l'autofiction se raconte avec tant de beauté. J'ai préféré, de loin, les passages, heureusement les plus nombreux, où l'écrivain est dans la connivence, dans l'action, dans les silences, dans la contemplation. Il est toujours délicat de rapporter ainsi les propos des autres lorsque nous écrivons sur soi je trouve, est-il nécessaire de le faire lorsque les actes de la personne qui se raconte disent déjà tout de lui ?
« Tu n'es pas toujours à la hauteur, mais tu es doté d'une grande force intérieure. Moi je suis faible et vulnérable. Mais je me sens aimé par toi, parce que tu ne te sers pas de ma faiblesse pour affirmer cette force ».

Mis à part cette gêne toute personnelle, le récit est un très beau récit sur un thème peu évoqué, celui de la schizophrénie. Il permet de porter un regard différent et de réaliser qu'il faut parfois regarder dans la même direction que l'autre pour tenter de le comprendre et d'être en phase avec lui. Il montre à quel point la littérature permet d'habiter le monde autrement, voire d'être salvatrice. Et surtout il fait l'éloge de la simplicité, de la vie dans sa plus simple expression, malgré la maladie, grâce à la maladie même, et ça, c'est renversant de beauté :

« Parfois, rien n'arrive et c'est un enchantement. S'endormir sur le sofa avec une oreille de chien sur la joue. Ne rien dire, écouter les gens parler de leur vie, se souvenir, expliquer, retracer en eux-mêmes le trajet qui les a menés où ils sont. S'arrêter, sentir passer en soi l'ombre de quelques regrets, puis continuer à marcher dans le sentier. le soir très tard, attendre sous le porche le retour du chat en observant la lune. Refaire pour la centième fois l'inventaire de tous ces objets immatériels auxquels je me cogne chaque jour. Repenser à mon père qui chante dans son vieux complet démodé, à tous ces gens debout à ses côtés dans l'au-delà et qui tiennent leur coeur dans les mains. S'arrêter chez mon frère pour lui remettre dans un plat de céramique un repas préparé par Livia. Passer une heure en compagnie des vaches laitières de monsieur et madame Vermeulen, et ensuite rentrer à la maison, la même depuis vingt ans, y retrouver les êtres et les choses qui permettent de faire chaque jour le nécessaire pour que l'âge ne soit qu'un obstacle mineur ».

Voilà. Tout est dit. C'est juste beau. Et que ça fait du bien !

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« Même quand l'oiseau marche
il sent qu'il a des ailes. »
Antoine-Marin Lemierre, Oeuvres

De Jean-François Beauchemin, je connaissais « le jour des corneilles » dont je garde en mémoire l'univers sauvage et mystérieux, sinistre et dérangeant, brutal et déroutant.
Lorsque j'ai vu la magnifique couverture représentant un petit roitelet sous fond vert, et lu le très beau billet de Michel (@Michel69004), il était évident que « le roitelet » ferait partie de mes prochaines lectures.

Ce qui est particulièrement troublant, c'est l'atmosphère qui oppose ces deux romans. Si « le jour des corneilles » m'a plongée dans une atmosphère où la fascination se mélangeait à un sentiment d'oppression et de malaise, ce roman-ci m'a profondément touchée.
À travers l'histoire de deux frères orphelins depuis quelques années, Jean-François Beauchemin explore les thèmes de l'âme humaine, de la folie, de la schizophrénie, de l'identité, de la différence. Malgré les drames, la peur, la solitude, il se dégage beaucoup de douceur, de sensibilité, d'humour, d'attention, de compréhension dans ce petit récit. L'auteur véhicule de magnifiques valeurs de partage, de générosité et d'acceptation.

« le mot schizophrénie, formé à partir du grec skhizein (fendre) et phrên (esprit), ne pourrait mieux illustrer le coup de hache qui un jour a fait voler en éclats l'existence de mon frère, et ouvert en lui une brèche impossible à refermer. Je tente comme je peux de me glisser avec lui dans cette ouverture, mais n'y parviens jamais qu'à moitié : les épaisses ténèbres que j'y rencontre m'empêchent de me mouvoir librement, et me forcent à rebrousser chemin. »

*
Je vais commencer tout d'abord par les mots de l'auteur écrits dans le dernier chapitre :

« … il n'y a presque rien dans ce livre que j'ai terminé d'écrire il y a trois jours, juste une histoire au fond très simple de jardins qu'on soigne et qu'on arrose, de saisons qui passent et de gens quelquefois malheureux, c'est vrai, mais en paix relative avec leurs regrets, sans peur exagérée de l'avenir, et qui s'étonnent ensemble de la brièveté de leur existence. Et puis, entremêlée à celle de ces gens ordinaires, l'histoire aussi d'un homme à la tête pleine d'ombres et de secrets, mais au sommet de laquelle filtre un mince rai de lumière, un roitelet, qui plus douloureusement que les autres se trouble des transformations qui s'opèrent en lui. »

C'est vrai, il n'y a presque rien dans ce livre, c'est une histoire banale, celle de ces deux frères, l'un écrivain, l'autre souffrant de troubles psychiques. Mais dès les premières lignes du roman, j'ai été séduite par la beauté poétique du texte, par les émotions qui en émanent. Ce petit roman est une petite pépite.

« le roitelet » est remarquable dans sa capacité à décrire avec empathie et justesse le monde dans lequel vit ce jeune frère.
Dès les premières lignes, on comprend l'élément déclencheur de cette maladie et ses tous premiers symptômes. L'adolescent est à un moment transitoire de sa vie où, comme un oisillon trop frêle encore dans son nid, il est impuissant à prendre son envol pour explorer le monde.

« À ce moment je me suis dit pour la première fois qu'il ressemblait, avec ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés, à ce petit oiseau délicat, le roitelet, dont le dessus de la tête est éclaboussé d'une tache jaune. Oui, c'est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l'or et la lumière de l'esprit s'échappaient par le haut de la tête. Je me souvenais aussi que le mot roitelet désignait un roi au pouvoir très faible, voire nul, régnant sur un pays sans prestige, un pays de songes et de chimères, pourrait-on dire. »

Cet événement traumatique va le fragiliser, le briser, ouvrir dans son esprit une déchirure impossible à colmater malgré tout l'amour qu'il reçoit, le transformant peu à peu en une personne qui ne se reconnaît plus, qui ne comprend plus le monde dans lequel il vit, qui n'y trouve plus sa place. Incapable de reprendre le contrôle de ses émotions, il se replie sur lui-même.

« J'ai cessé d'être tout à fait dans cette vie. Je sens que s'ouvrent devant moi les portes d'un pays terrible, et que j'y suis repoussé comme à la périphérie des choses et du Monde. »

*
Les deux personnages principaux sont très bien construits, avec une psychologie complexe et nuancée qui rend leur histoire encore plus captivante et émouvante.

Ce qui m'a plu, c'est la beauté de cette relation fraternelle, leur connivence, leur attachement, leur affection mutuelle.
La maladie n'a pas creusé de fossé entre eux. Bien au contraire, ils ont réussi à créer des passerelles pour se retrouver, communiquer, partager, se livrer, s'écouter, s'aider : des petits riens qui font tout, une présence, un regard, un sourire, quelques paroles, un geste, prendre du temps pour l'autre.

Le silence a une importance capitale dans ce récit. Mais ce n'est pas un silence qui éloigne : loin de là, c'est un silence qui rapproche, qui lie.
Car il y a des silences qui ne sont pas vides.
Car il y a des silences remplis d'amour et de compréhension.
Car il y a des silences qui parlent et trouvent les mots justes.

*
Le roman traite des thèmes profonds et universels de l'existence humaine tels que l'amour, la recherche du bonheur, la famille, le deuil, le chagrin, la maladie. J'ai ressenti un sentiment de sérénité et de paix, sentiment que le narrateur n'a pas toujours réussi à transmettre à son jeune frère.

« Regarde un peu ces lucioles. Elles clignotent dans la nuit pour se reconnaître entre elles. Mais moi, je ne suis la lampe de personne. »

Les parents sont présents dans les souvenirs des deux frères, dans leurs pensées, leurs rêves. Malgré leur absence, ils continuent à les guider, les rassurer, les protéger, les aider à trouver leur chemin.

« Réfléchis, mais ne fais pas que réfléchir ; émerveille-toi aussi. Émerveille-toi, mais ne fais pas que t'émerveiller ; réfléchis aussi. » Ça sera la grande affaire de ta vie. »

*
Tout au long du livre, j'ai eu l'impression de toucher du doigt ce que peut éprouver au quotidien une personne schizophrène, je me suis sentie ballotée entre deux mondes qui cohabitaient : une réalité effrayante, éprouvante, impénétrable, difficile à vivre et le sentiment d'un monde invisible, obscur fait d'ombres et de peurs. J'ai ressenti combien cet homme était malheureux, seul, inquiet, combien la maladie l'éloignait des autres et de lui-même.
Les idées sont là, mais confuses, désordonnées, décousues. Elles mettent parfois du temps à se démêler dans l'écheveau de sa pensée, mais lorsqu'elles jaillissent, elles sont pleines de bon sens, de vérités et de finesse d'esprit.

« Je suis un puits sans fond. J'ai beau fouiller en moi, je n'aperçois rien qu'une nuit profonde. Je suis perdu. »

*
La nature, les oiseaux et la poésie forment un plaid chaud, doux et réconfortant dans lequel s'enveloppent les deux hommes. J'ai aimé cette atmosphère dans laquelle je me suis sentie apaisée.

Nous vivons dans un monde qui va trop vite, qui nous rend sourd et aveugle aux autres et qui nous fait perdre l'essentiel.
Ce roman est tourné vers la beauté du monde qui nous entoure, vers les choses simples de la vie que l'on ne voit pas toujours : la beauté de la nature, la vie apaisante à la campagne, une promenade en forêt, la simplicité d'un coucher de soleil, la lumière du matin, le chant des oiseaux, les fleurs de son jardin, le lien affectif avec son animal de compagnie, une belle soirée entre amis, un minestrone réalisé avec la recette de sa mère.
C'est un monde qui n'a que faire de l'étroitesse d'esprit, de la malveillance, de l'hypocrisie, de l'économie des liens sociaux.

*
Pour conclure, malgré l'évocation de la dureté de la maladie, cette lecture fût un concentré de bonheur. J'ai aimé ce roman introspectif et sensible, teinté de douceur et d'amertume, de tristesse et de joie, d'images effrayantes et de rêves, de personnages pétris d'humanité que l'on ne quitte qu'à regret.

« Je crois au contraire qu'en dépit de tout, des jours radieux s'ouvrent devant nous. Mais nous sommes de mauvais peintres, et nous manquons de recul, et peignons sur la toile un paysage déformé par notre vision trop étroite. »

L'écriture, à la fois poétique et bouleversante, tendre et percutante, offre un univers pudique et doux, une profondeur émotionnelle qui m'a empoignée, mais dont je garde un sentiment de sérénité.
C'est un récit à découvrir absolument.
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Voici un récit apaisé, délicat, à la simplicité au cordeau , petit bijou de littérature, où l'auteur a une façon merveilleuse , unique , de conter l'âme humaine d'une façon saisissante de beauté , entre tendresse , sollicitude , amour fraternel intense, vivant , sorte de journal intime pétri de spiritualité et d'engagement total de soi…..

L'auteur en 63 chapitres très brefs y retrace les premiers symptômes de la schizophrénie de son frère —— il a la soixantaine, son frère deux ans de moins——- repoussé à cause d'elle dit - il «  à la périphérie des choses et du Monde » , son existence est peuplée parfois de fantômes et de délires paranoïaques , sans quiétude , son esprit obsédé et encombré… .

Que de pages sublimes en soixante - trois tableaux où l'auteur trouve la force de s'élever, quoi qu'il arrive, où qu'il soit .se sentir léger et fendre le ciel de ses pensées , malgré l'adversité.!

Le narrateur , enveloppé dans le tissu flou des jours qui déclinent échange avec son frère cadet des paroles profondes , effilés, jamais surgies du hasard , justes toujours .

Le premier , écrivain , réfléchit à propos de la vieillesse , la mort , l'amour de la nature ,les oiseaux, son épouse, son chien fidèle, ses parents disparus, son enfance .

Il tente de traduire les pensées lucides du second,, de ce «  Roitelet » qui exerce la profession de pépiniériste, porté par le mystère de leurs divergences fusionnelles.

Parfois leurs parents disparus les visitent ou un chien lui aussi , pose son oreille sur leur visage endormi .
Un petit banc les attend toujours au sein d'une palette bucolique , dans le calme suspendu de l'été .

Ils aiment le monde des oiseaux et la nature , se nourrissent l'un de l'autre à travers la phase tragique , vacillante , parfois, obscure , semée de dangers du deuxième. «  Je suis de moins en moins réel , C'est atroce » .

Comment un tel minuscule récit autobiographique peut - il provoquer de vives émotions,, une telle variété d'intuitions ? .

Soif d'éternité , douceur infinie d'aimer, dignité de résister, les deux frères livrent là l'essence de leur être , la fluidité des paroles échangées force l'admiration.
Chaque chapitre livre son lot d'actes marquants , le choix d'une nourriture spirituelle, de splendeur visuelle, d'intériorisé, ample entre exigence , doute , humilité et incroyable acuité, peut être à l'image de la lecture des livres de Charles-Juliet.

Un tel amour fraternel , clairvoyant, vagabond, profond, entre un cerveau décousu mais aimant et la sagesse d'un écrivain rare comme celui - là!

On pourrait citer nombre de phrases , éclairées de lumière , tendresse , douceur incomparable !

Un récit magnifique , trop court, saisissant , d'une beauté incomparable et rassurante , pétri de sollicitude et de tendresse , au coeur d'une existence fraternelle malheureuse , marquée par la peine, l'inquiétude , la solitude , le désordre .

J'avais découvert cette oeuvre fine à l'écriture merveilleuse à la librairie, grâce à sa couverture d'un vert indéfinissable, trouée d'un oiseau tout blanc qui prend son envol , le bec peint à la verticale , qui trouve la force de s'élever quoiqu'il' arrive !
Un ouvrage à lire et relire pour s'en nourrir !
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Chhhuuut, à petits pas, sur la pointe des pieds, Jean-François Beauchemin m'a fait une place sur le banc dans son jardin. Je me suis assise, nous avons écouté les oiseaux chanter en partageant une bouteille de vin.
La soirée était douce au pied de l'arbre. le chien a posé son museau sur mes genoux, le chat est venu réclamer des caresses.
Une lecture qui suscite l'apaisement, donne envie de quiétude, bercée par le bruit du vent dans les branches. Alors je me suis laissée emporter par les mots, le rythme lent, les joies, les peines de cette vie tranquille, presque contemplative.
La seule part d'ombre est celle du frère schizophrène depuis l'adolescence, un roitelet trop tôt tombé du nid, en pleine chute (tel que semble nous le montrer la couverture) irrésistiblement attiré par le vide, le puits sans fond dans lequel il manque de s'écraser à chaque instant.
La tendresse fraternelle de l'auteur pour son frère est saisissante, tant de patience, de paroles douces, de trésors déployés pour calmer les angoisses, les colères, les peurs.
Je referme ce livre avec un léger sourire aux lèvres, rassérénée par la voix douce et rassurante de l'auteur qui me désigne les étoiles dans le ciel, et m'endors apaisée…
Alors, pourquoi pas 5 étoiles pour ce texte à la beauté simple ? Peut-être m'a-t-il manqué un fil d'Ariane qui donne une cohérence d'ensemble au texte. Les très courts chapitres pourraient presque être lus indépendamment les uns des autres, tant chacun porte des mots, des idées propres à alimenter nos pensées et réflexions à la manière d'un recueil de poésie.
Jean-Francois Beauchemin brouille les pistes, le narrateur n'est jamais nommé et est écrivain, le lecteur a donc l'impression que c'est de lui dont il parle, dont il fouille les tréfonds de l'âme, et nous expose la vie avec une sincérité désarmante.
Cependant, l'auteur a révélé en interview que tout dans ce livre n'est que pure fiction, il n'a pas de frère schizophrène, ni de femme prénommée Livia, ni de chat… On peut donc saluer le tour de force et de passe-passe, tant tout semble inspiré de faits réels, au bémol près des pensées un peu trop élaborées du frère de mon point de vue, capable par moments d'une extrême lucidité sur sa situation ; je ne suis pas sûre que cela se tienne d'un point de vue médical, mais je n'ai pas de connaissance de la question.
Le frère me semble plutôt révéler la part sombre du narrateur (qui ne serait pas en réalité que douceur et patience comme il parvient à nous faire croire). Ce frère chimérique ne serait qu'une autre facette de lui-même avec un côté très noir, révolté, incapable d'accorder sa confiance aux autres, ni de profiter de l'instant présent.
Nul doute que par la suite, le lecteur se replongera avec plaisir dans un chapitre pris au hasard pour venir y picorer les graines qui font le sel de la vie. Un livre à la fois sombre et lumineux à découvrir, puis à relire encore et encore…
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Quelle merveille, quel joyau !!
Vingt-troisième ouvrage d'un auteur que j'avais jusqu'alors complètement ignoré, le Roitelet est un livre formidable.
le québécois Jean-François Beauchemin écrit là un texte rare par la délicatesse et la tendresse qui s'en dégagent.
Journal de bord d'une fraternité solaire, rythmé par de courts chapitres simples mais intenses, le Roitelet parle d'abord de la relation que l'auteur entretient avec la réalité. Et avec son frère…
Il vit avec sa femme Livia, son chien Pablo et le chat Lennon, à la campagne, à une cinquantaine de kilomètres de Montréal. Son frère est schizophrène et il le voit presque tous les jours. L'oiseau c'est lui…
Beauchemin a 60 ans et fait un peu le bilan :
-Cétait une fin de journée d'une stupéfiante douceur, qui rendait la vie et la pensée faciles. le bonheur me pousse aux confidences. À un moment la lumière a encore faibli ce qui m'a un peu enhardi: « Pour dire très simplement des choses très complexes, j'ai mis du temps à être heureux L'inquiétude et la peine que me causait mon frère ont pu, j'imagine, jouer un rôle dans ce retard. Mais Livia la vie à la campagne, la proximité des bêtes, les fleurs du jardin, la beauté de certains soirs, tout cela aura beaucoup contribué à la venue de ma joie. de vous compter parmi mes amis aussi.» Là-dessus, monsieur Vermeulen s'est tu un instant, est devenu tout songeur, puis il a conclu avec ces mots: «À quoi sert l'amitié? Peut-être à consoler le chagrin que l'amour a causé.»-

Bien sûr le lecteur français pensera à Christian Bobin, récemment décédé. Mais Beauchemin se définit d'abord comme un poète de la réalité ou un prosateur de l'imaginaire cherchant avec pudeur les fondations d'une spiritualité païenne :
« Je me serai consacré à cette recherche: il n'y a pas d'époque de mon existence qui n'ait été imprégnée de cette volonté d'une descente en l'humain. L'enfance même n'y a pas échappé: le sentiment d'un monde invisible auquel l'intuition donne une forme, l'étonnement de trouver en chaque personne les paysages cachés que les sens ne perçoivent pas, mais que l'effort de compréhension illumine soudainement, tout cela était déjà présent au milieu de mes jeux d'autrefois. Si, aux turbulences de la foule, j'ai presque toujours préféré les remous de l'être, c'est sans doute justement parce que je sentais que le puits des premières s'alimentait à la source des seconds. Et c'est pourquoi la présence de mon frère à mes côtés m'est si précieuse. J'y redécouvre jour après jour ce débordement de l'âme qui précisément éclabousse ma vie. Ça n'est pas que l'âme de mon frère soit spectaculaire. Mais ce qui me plaît, c'est qu'elle cherche un passage vers le jour. Les oiseaux aussi font cela. Dans les derniers instants de la nuit, à l'heure du dur combat entre l'ombre et la lumière, ils s'envolent des nids et partent à la rencontre du soleil, comme pour en précipiter la venue. »

Je m'aperçois que c'est la première fois que je ramène de si longs passages. Mais c'est vraiment trop
beau !
144 pages cousues main, que je viens de relire et que je relirai encore, qui disent l'essence d'une vie qui défile sans, comme le dit Beauchemin,qu' il s'y passe grand chose.
L'écriture est ciselée finement, juste comme il faut.
Jusqu'à la couverture en vrai-faux livre de chevet, usée jusqu'à trame, d'où le roitelet semble s'extraire.

Tout cela est d'une formidable beauté.

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critiques presse (5)
LeFigaro
03 février 2023
Un roman de toute beauté qui conte la vie de deux frères à la campagne.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
31 janvier 2023
Poète maintes fois primé au Québec, ayant allègrement ­parcouru la moitié du chemin de la vie, Jean-François ­Beauchemin publie un récit apaisé et pourtant saisissant. S’il est l’occasion d’une forme de bilan d’une existence en poésie, Le Roitelet a le frère du poète pour cœur battant.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaLibreBelgique
19 janvier 2023
L'auteur québécois réunit deux frères dont l'un est schizophrène. Un journal intime parsemé d’intenses échanges spirituels.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeJournaldeQuebec
08 février 2021
Avec Le Roitelet, on est plongé dans le quotidien tranquille d’un écrivain qui relate la vie discrète de son frère schizophrène, et c’est captivant !
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LeJournaldeQuebec
08 février 2021
Ce petit bijou établit un subtil parallèle entre la maladie mentale et le monde des oiseaux, aborde avec élégance la douleur humaine, de même que la bienveillance et la sollicitude.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (128) Voir plus Ajouter une citation
J'espérais secrètement que les livres aient sur mon frère le même effet bénéfique qu'ils avaient sur moi. C'était difficile à dire. Je ne sais pas trop comment ni pourquoi, les poètes l'aidaient à vivre. Mais la mélodie que j'entendais dans la littérature ne semblait pas plus arriver à ses oreilles qu'à son esprit. On aurait dit que, pour lui, les mots écrits étaient des mains qui tâtonnent dans l'obscurité. Puisque, à cause du docteur Dumontier, c'était par les mots qu'il était véritablement entré dans le malheur, peut-être cherchait-il, par eux aussi, à en sortir au moins un peu.
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L'adolescence est une période de remodelage du cerveau: le programme de maturation qui bientôt fournira les codes de l'âge adulte fait l'objet d'importants bouleversements. De nouvelles connexions neuronales se mettent en place, tandis que d'autres s'évanouissent. Des accidents se produisent, paraît-il, lors de cette grande période de reconfiguration, qui rendent certaines jeunes personnes particulièrement fragiles inaptes à gérer les situations émotionnellement éprouvantes.
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Vieillir ne comporte pas tant d'avantages, mais il y a au moins celui-ci: on se déleste du superflu. A partir d'un certain âge, la vie peut-être formidablement légère. Je ne sais pas pourquoi la mienne en tout cas s'allège de plus en plus. Peut-être à bien y songer l'humour de Livia joue-t-il un rôle dans cette légèreté d'oiseau. L'amour qui dure, et qui en mûrissant ne conserve que ce qu'il faut, y a aussi assurément sa part.
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Ce n'est pas que l'âme de mon frère soit spectaculaire. Mais ce qui me plaît, c'est qu'elle cherche un passage vers le jour. Les oiseaux aussi font cela. Dans les derniers instants de la nuit, à l'heure du dur combat entre l'ombre et la lumière, ils s'envolent des nids et partent à la rencontre du soleil, comme pour en précipiter la venue.
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"Si vous voulez mon avis, ça n'est pas la vie spirituelle des gens qui fout le camp. C'est la poésie. La poésie n'est pas un genre littéraire, elle est l'expérience de la vie par l'esprit, le pressentiment aveuglant que l'existence même la plus fragile, la plus diminuée ou la plus impuissante vaut la peine qu'on s'y intéresse vraiment."
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