Beaux Arts Magazine, n°356

Pourquoi les Français aiment-ils moins la culture que les Anglais, les Suédois et les Néerlandais ?

Alerte. Rien ne va plus ! Il y a cinq ans, une étude démontrait que les Français étaient de moins bons amants que les Espagnols. Aujourd’hui, une autre, menée auprès de 27000 Européens, casse le mythe de la France patrie mondiale de la culture ! Contrairement aux idées reçues, les Britanniques sont plus friands d’opéra que les Italiens et fréquentent plus assidûment les musées que les Français. Cela alors que notre offre culturelle est nettement supérieure en nombre d’établissements et d’expositions. Pire encore pour notre ego collectif : l’Union européenne vient de couronner la population du royaume d’Elizabeth II comme étant la plus pratiquante en matière culturelle des 28 pays qui la composent. Les chiffres sont implacables : 80% des Britanniques ont lu au moins un ouvrage en 2013, contre 73% des Français et 56% des Italiens. Mais ce n’est pas seulement la France qui régresse, c’est toute l’Europe. Par rapport à une précédente étude, datée de 2007, presque toutes les pratiques diminuent : alors que 78% des Européens regardaient ou écoutaient au moins n programme culturel à la TV ou à la radio, nous ne sommes plus que 72% à le faire. La Commission culturelle de l’UE estime ainsi que la baisse globale de l’engagement dans des activités culturelles est de l’ordre de 24%. Ce déclin général s’explique en partie par la crise économique. D’ailleurs, les habitants des Etats les plus riches, et particulièrement ceux du Nord (Suède, Danemark), ont davantage d’activités culturelles que ceux des plus pauvres comme la Grèce, le Portugal, la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie. Mais les deux principales raisons déclarées par les Européens pour justifier leur absence de pratique culturelle sont le manque d’intérêt et le manque de temps. Au vu des résultats de l’enquête, la notion de culture européenne est également mise à mal. Car seule une toute petite minorité d’Européens déclarent avoir une activité culturelle issue d’un autre pays de l’UE (comme lire n ouvrage d’un auteur étranger au pays de résidence), et encore moins une activité dans un autre pas que le sien : moins de 20% ont ainsi visité un monument historique et moins de 10% ont vu une exposition à l’étranger. Un an avant les élections européennes, les hommes politiques devraient donc regarder avec attention cette enquête tant elle explique en partie le manque d’intérêt des Européens pour l’Europe. Contrairement à l’Etat fédéral américain, l’Europe ne s’est construite que sur des bases économiques et politiques. Elle s’est bâtie sans aucune culture commune. Et vu le budget ridicule (1,17 milliard d’euros au total) que consacre l’UE au sujet, cela n’est malheureusement pas près de changer.

A contrecourant de ces images aseptisées dont on assomme les foules, il y a ces vrais visages révélés par les photographes tels que Philippe Bazin. Dans les années 1980, il a focalisé son attention sur les visages de vieillards, de « fous », de marginaux, afin, explique-t-il , de « réintroduire l’image de gens qui avaient été soustraits du regard collectif ». En regardant son travail, il semble indéniable que la photographie a ouvert de nouvelles perspectives aux portraits « psychologiques », permettant de s’approcher au plus près des sentiments, de la vérité humaine. Et d’affronter la mort, comme Roman Opalka avait su le faire avec sa série 1965/1-∞, pour laquelle il s’était photographié, année par année, révélant au grand jour l’impitoyable travail du temps. Une manière de résoudre, en partie, cette énigme éternelle qu’est le visage, à laquelle la création, même si elle s’en est éloignée, n’a jamais totalement renoncé.

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