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Critique de Sivoj


La première partie, celle consacrée à Molloy, nous voit ce vieillard raconter ce qui semble un simple voyage pour rendre visite à sa mère. On comprend pourtant au fil de ses radotages et tergiversations sur ce qui s'est passé, aurait pu ou aurait du se passer ou se passera (aspect qui peut rappeler le narrateur des Cosmicomics d'Italo Calvino), que son âge n'est pas sans conséquence sur sa santé mentale, qui suit la dégénérescence déjà bien engagée de sa santé physique. Les souvenirs sont déconnectés de leur chronologie, ils se suivent dans un ordre chaotique, leur aspect flou est éclipsé par les détails portés sur des choses apparemment sans importance, mais qui ont marqué le narrateur au point de se rappeler, ou de croire se rappeler mais en fait inventer après coup, ce qu'il a pensé ou ressenti. le récit de Molloy est centré sur son monde intérieur plus que sur son interaction avec l'extérieur, laquelle est trop compromise par son état physique, que l'état mental rejoint dans l'entropie.
Avec un thème pareil, il peut être surprenant de trouver de l'humour et pourtant il est bien présent (quant on y pense, un vieillard à moitié mort mais qui ne veut pas crever, il y a du potentiel comique !). Les phrases sont simples par leur structure mais le vocabulaire est assez sophistiqué pour nécessiter un dictionnaire, leur longueur oscille entre courte et moyenne, mais la difficulté vient en fait de parvenir à suivre le narrateur dans sa propre confusion et ses changements soudains d'idée ou de sujet.

La deuxième partie est écrite de manière plus simple et plus linéaire. Moran se voit confier une mission, en rapport avec Molloy ; il part donc en quête pour le trouver. Youdi lui a confié cette mission ; un personnage invisible, qui commande et se fait obéir, comme le Godot d'En attendant Godot, une personnification de dieu. Gaber est le messager de Youdi, il ne sait que ce qui est noté sur son précieux calepin, dont il répète le message mot pour mot ; lorsqu'il se hasarde à interpréter ce message, il se trompe à chaque fois, nous dit Moran - probablement une allusion au clergé et à la bible, et ce n'est pas la seule du roman. Moran est un homme très pieux, d'une sévérité absurde avec son fils, dont il exige le respect des strictes bienséances, une obéissance totale en toute chose, et qu'il prend plaisir à commander, un peu à la manière de de Pozzo et Lucky d'En attendant Godot ; peut être une allusion à la rigidité des croyants, du clergé et de leurs rituels religieux. Au fil du récit il arrive de curieuses coïncidences à Moran qui développe des symptômes semblables à Molloy, et des parallèles évidents entre leur deux récits. On se demande s'ils sont la même personne, si Moran devient Molloy, ou si c'est le sort de tous de finir de la même manière.

Bref, un roman qui simule bien la démence, s'attaque à l'absurdité des rites et des religions, et où les personnages sont toujours en quête, mais de quoi ? Je ne vais pas prétendre avoir tout compris ; c'est un roman difficile d'accès, avec des références à foison dont on pourrait chercher un sens plus poussé ; une analyse est présente en fin de livre et montre tous les parallèles qu'on peut tracer avec le reste de l'oeuvre de Beckett et avec sa vie personnelle.
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