Pourquoi ce livre?
Un attrait pour la culture juive, pour une culture qui repose en grande partie sur la lecture et l'écriture, de vagues histoires lues ou entendues sur un Américain né à Lachine prix Nobel de littérature, ce nom,
Saul Bellow, auquel je n'aurais pu associer aucun titre, mais qui revenait sporadiquement dans le réseau de lectures que je construis de façon plus ou moins cohérente, plus ou moins consciemment aussi, nom qui surgit chaque fois que l'on évoque les grands noms de la littérature américaine de la seconde moitié du 20e siècle, nom qui m'est passé sous les yeux assez souvent pour qu'il s'imprime presque à mon insu dans une sorte de liste intérieure de livres à lire. Comment me suis-je un jour retrouvé à lire
Ravelstein, je ne m'en souviens plus, mais une configuration thématique de fixations personnelles fit que je n'eus aucune résistance quand son ultime roman, publié à l'âge de 85 ans, me passa entre les mains.
Un premier aspect qui m'a plu :
Le roman prend la forme d'une biographie d'un personnage de fiction, Abe
Ravelstein, écrite par Chick, son ami écrivain. Ce duo de personnages est au coeur du roman et de l'aspect le plus marquant pour moi, soit la mise en scène d'êtres humains qui ont décidé de mettre au centre de leur vie la culture, la littérature et la pensée, d'en faire une valeur absolue et qui refusent de faire une discipline ou une sphère d'activité de ce qui est plutôt le prisme par lequel ils vivent, agissent et se meuvent dans leur monde.
Un second aspect qui m'a plu :
Malgré sa relative brièveté horizontale (à peine un peu plus de 300 pages), le roman développe une intéressante densité verticale, modalisée par sa plongée dans la culture des deux personnages et par leurs discours sur les oeuvres aimées qui les ont guidés. La pensée et le discours d'Abe
Ravelstein se nourrissent effectivement des philosophes antiques, des romanciers français du 19e siècle, évoquent en quelques endroits Leopold Bloom et Anna Livia Plurabelle, faisant ainsi éclater la frontière de la chronologie biographique pour inviter le lecteur à plonger dans le mouvement autrement plus immense de l'esprit et de l'histoire.
Un aspect qui m'a moins plu :
Lui reprochera-t-on la minceur de l'intrigue, l'arrogance des personnages, une forme de catalogue humaniste qui tend à effacer le roman, j'aurai tendance à évoquer un roman de parole, un mouvement de culture, une assurance dans la plénitude d'une vie menée délibérément, une fête de l'écriture et du langage. Roman moins horizontal que vertical, il donne envie de s'immerger dans chaque page plutôt que de passer à la suivante le plus rapidement possible. Anachronique apparemment en ce sens, pertinent. Essentiel à sa façon.