Jeux à l'espagnole : Jeu 1

Ma peur de ne pas être à la hauteur au niveau de mes résultats universitaires l’a emportée sur l’invitation de mes amies Marjorie — alias Marjo — et Philippine — Philie — pour faire un tour ce soir avec elles. Mes partiels de fin d’année ont été plus que corrects, mais je reste hyper stressée. Je me rassure en bûchant encore et encore afin de réduire l’éventualité d’un échec. Je me détendrai peut-être dimanche. C’est comme ça dans ma vie, j’ai l’impression qu’il faut toujours que je fasse au maximum de mes capacités, et ce, même si mes notes sont en général très honorables.

Marjo est une fille plus grande que moi qui suis déjà d’une taille moyenne. Seule sa mère est réunionnaise, elle lui a légué un teint hâlé avec des yeux marron légèrement bridés sous une chevelure raide et noire de Chine, ce qui lui confère une allure sauvage, genre Pocahontas. Quant à Philie, c’est une petite brunette aux cheveux très bouclés qui cachent un visage de souris grignoté par d’immenses yeux bleu azur. On aurait tout de suite envie de protéger cette petite fille si son caractère bien trempé ne démentait pas aussitôt la première impression.

Les jeunes Espagnols sont pour la plupart en galère et elle ne se fait pas beaucoup d’illusions sur son avenir en tant qu’artiste. C’est pourquoi elle prend deux ans pour mettre entre parenthèses ses études au profit de ce « passe-temps » fort bien rémunéré.
Elle « escorte » des clients de la haute pour lesquels elle est effectivement à la hauteur, du moins c’est mon avis. Malgré son jeune âge, elle doit avoir vingt ans maxi, je n’ai pas du tout de mal à l’imaginer dans cette partie, le genre de fille à être dès le départ une femme.

Je ne passe pas mon temps à m’épiler des tonnes et des tonnes de poils. Et toc. Je lui conseillerais bien le laser, ce qui m’éviterait des vidages de poubelle de salle de bains, sauf que Rosa tient souvent ses conversations sur un registre bien loin de mes problèmes de ménage, en général sur ses études ou son deuxième boulot. Elle exerce celui-ci en-dehors de l’appart, pour que ses parents n’y voient que du feu, la croyant partie travailler en bar de nuit. Voilà, voilà...

J’ai eu du mal à en croire mes oreilles quand elle m’a annoncé ça au bout d’un mois de colocation sur une question parfaitement innocente de ma part à propos de son emploi du temps surchargé en soirée. Je lui ai même fait répéter plusieurs fois, par peur d’avoir mal traduit, et ne l’ai vraiment crue qu’après une longue conversation. Je pensais que la prostitution étudiante était le problème des fauchés dans mon genre.