Powers, tome 9 : Psychotic

Ce tome fait suite à Legends (épisodes 1 à 6 de la deuxième saison). Il contient les épisodes 7 à 12, parus en 2004/2005. Il vaut mieux avoir lu les tomes précédents avant d'entamer celui-ci pour être familier des enjeux pour les 2 personnages principaux.

Dans le quartier chinois, se déroule une course-poursuite qui sort de l'ordinaire. Un supercriminel se tient debout sur le toit d'une voiture en mouvement et il envoie valser tous les véhicules de poursuite grâce à ses pouvoirs magnétiques. Retro Girl intervient pour mettre fin à la destruction et éviter que plus d'innocents ne soient blessés. Après coup, Christian Walker analyse avec elle son intervention pour lui montrer comment elle aurait dû améliorer sa stratégie. Peu de temps après, Deena Pilgrim et lui sont appelés sur le lieu d'un nouveau meurtre de superhéros, celui de Blackguard. Ce dernier disposait d'une pierre magique qui lui donnait une force et une agilité supérieure à la moyenne. Une balle lui a enlevé une partie de la boîte crânienne. Ce superhéros s'attachait surtout à ramener un peu d'ordre dans les quartiers défavorisés. Walker et Pilgrim doivent enquêter pour identifier le meurtrier, mais aussi pour récupérer la pierre magique qui semble avoir été subtilisée. Pendant ce temps là, Artie Boxxor n'arrive pas à accepter sa séparation d'avec Deena. Et les superhéros sont toujours sous le coup de l'interdiction légale d'agir en public.

Cette fois-ci, l'histoire commence comme un comics de superhéros avec une jeune superhéroïne peu expérimentée, en train d'arrêter un supercriminel, puis une séance de coaching après son intervention. Si cette scène n'est pas vraiment un cliché, Brian Michael Bendis (en abrégé BMB) et Michael Avon Oeming (en abrégé MAO) n'ouvrent pas leur nouvelle histoire sur une scène choc, ou sur un point de départ ébouriffant. L'intermède sur les conséquences de l'illégalité de l'activité des superhéros (à base de micro-trottoir télévisé) conforte cette impression que les auteurs sont de plus en plus attachés à développer le contexte dans lequel évoluent les personnages, ainsi que leur vie personnelle. La découverte du cadavre n'est pas spécialement graphique et le seul point original est que Pilgrim et Walker n'arrivent pas à obtenir une déclaration claire sur les circonstances de sa mort, auprès des policiers qui étaient présents.

Il faut attendre les 2 tiers du premier épisode pour BMB et MAO s'amusent à insérer une fiche technique sur le personnage de Blackguard, à la manière d'un manuel de références (sourcebook de type Official handbook to the Marvel universe A to Z). L'enquête se poursuit avec ses fausses pistes et ses avancées, ses confrontations physiques et Deena doit affronter un nouveau problème personnel. le lecteur retrouve le dispositif de la page web avec une discussion en ligne ; il est utilisé avec modération et à bon escient pour montrer la réaction lointaine et désinformée de l'individu anonyme de base.

Dans un premier temps, il est déconcertant pour le lecteur de constater que Bendis et Oeming se contentent de raconter une enquête, dont la seule particularité semble être d'impliquer des fonctionnaires de police véreux. Bendis a construit son intrigue en laissant beaucoup de place à Deena Pilgrim. Il y a 2 points de scénario un peu maladroits qui font tiquer à la lecture : la localisation déroutante du repaire d'un supercriminel (si tout le monde le savait pourquoi personne ne s'y est rendu avant) et l'élimination facile d'un cadavre. Ce dernier passage est rendu encore plus difficile à avaler du fait des illustrations qui montrent l'accès au site comme facile et sans obstacle.

Malgré tout dans cette séquence muette de 15 pages, Oeming prouve une fois encore que ses illustrations peuvent porter à elles seules la narration, sans aucune possibilité de confusion. Son style se rapproche de plus en plus de celui utilisé pour le film Les Indestructibles, mais avec une prédominance de la couleur noir. La scène d'ouverture fait penser à un dessin animé pour la jeunesse, avec quelques détails qui attirent l'attention sur le niveau de destruction, sur le fait que la violence induit des conséquences. La scène suivante, sur fonds noir, correspond au dialogue entre Walker et Retro Girl et elle met à nouveau en évidence les talents de metteur en scène d'Oeming. La scène de découverte du cadavre de Blackguard joue sur les aplats de noir, les rectangles des marches d'escalier dans une composition presqu'abstraite. Comme à chaque fois, Oeming trouve une nouvelle idée de mise en scène pour l'interrogatoire sous la lumière verte, avec un coupable final dont le visage est hanté par ses motivations très humaines.

À la lecture de ce tome, l'histoire semble moins substantielle que les précédentes. L'enquête policière n'est finalement que ça et les déboires personnels de Deena ne trouvent pas leur conclusion avec ce récit. Bendis et Oeming semblent plus préoccupés par développer Deena Pilgrim et l'environnement de la série, que par l'enquête. Cela donne un récit intéressant et prenant mais plutôt frustrant. Et puis, il y a ce titre relativement énigmatique "psychotique". Un petit détour par une encyclopédie en ligne permet de s'assurer qu'il s'agit d'un état mental lié à des troubles de la perception, du jugement et du raisonnement. À l'évidence, cet état s'applique à plusieurs personnages du récit, pas uniquement le coupable. L'intention des auteurs dépasse donc le simple cadre de l'enquête policière. Avec le recul, le récit est plus dense que la simple enquête policière dans la mesure où la psychose passe par une nouvelle phase de développement. Toutefois comme cet aspect du récit ne connaît pas de clôture satisfaisante dans ce tome, le lecteur en ressort un peu frustré. Les enquêtes de Pilgrim et Walker se poursuivent dans Cosmic (épisodes 13 à 18).