Citations sur L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique (16)
L’humanité « est suffisamment aliénée à elle-même pour être capable de vivre sa propre destruction comme une jouissance esthétique de tout premier ordre. »
A la plus parfaite reproduction il manque toujours quelque chose : l’ici et le maintenant de l’œuvre d’art, — l’unicité de sa présence au lieu où elle se trouve.
C'est cette existence unique pourtant, et elle seule, qui, aussi longtemps qu'elle dure, subit le travail de l'histoire.
L'ère de la reproductibilité technique a déraciné l'art de son fondement cultuel, lui retirant à jamais tout semblant d'autonomie.
Tout homme d'aujourd'hui peut prétendre à être filmé.
Ce qui, dans l’œuvre d’art, à l’époque de sa reproduction mécanisée, dépérit, c’est son aura. Processus symptomatique dont la signification dépasse de beaucoup le domaine de l’art. La technique de reproduction – telle pourrait être la formule générale – détache la chose reproduite du domaine de la tradition. En multipliant sa reproduction, elle met à la place de son unique existence son existence en série et, en permettant à la reproduction de s’offrir en n’importe quelle situation au spectateur ou à l’auditeur, elle actualise la chose reproduite.
Les oeuvres d'art les plus anciennes, nous le savons, sont nées pour servir un rituel, d'abord magique, puis religieux.
A mesure qu'il restreint le rôle de l'aura, le cinéma construit artificiellement, hors du studio, la “personnalité” de l'acteur. Le culte de la vedette, que favorise le capitalisme des producteurs de films, conserve cette magie de la personnalité qui, depuis longtemps déjà, se réduit au charme faisandé de son caractère mercantile.
L'acteur de cinéma, en n'exposant pas lui-même, directement, sa performance au public, perd durant la représentation la possibilité, réservée à l'acteur de théâtre, d'adapter son jeu au public.
Dans le culte du souvenir des amours éloignés ou trépassés, la valeur cultuelle de l'image trouve son ultime refuge. Dans l'expression fugitive d'un visage humain, capté sur d'anciennes photographies, l'aura fait signe une dernière fois. C'est cela qui lui donne sa beauté mélancolique, comparable à nulle autre. Mais dès que l'homme tend à disparaître de la photographie, la valeur d'exposition impose pour la première fois sa supériorité à la valeur cultuelle.
Tous les efforts tendant à l'esthétisation de la politique culminent en un point. Ce point unique est la guerre.