J'ai senti en moi une rage sourde à l'idée du mal que nos rois faisaient à leurs sujets, à cet énorme mensonge qui leur servait à conserver leur pouvoir.
Il n'y avait pas de lutte entre hommes et femmes dans ce royaume, il y avait une lutte entre ceux qui acceptaient la loi royale et ceux qui la refusaient.
— Alors, dernière ville ? Dernière bataille ?
— Il n’y a jamais de dernière bataille.
Darran tendit la main vers une grande femme, armée d’une bâtarde et vêtue de cuir clouté, qui lui passa une torche allumée. Alors il se pencha vers Maura et chuchota :
— Ne meurs pas cette nuit, s’il te plaît.
— Moi aussi, je t’aime, murmura-t-elle trop bas pour qu’il l’entende.
Darran projeta la torche dans le ciel avec une telle force qu’elle fit un grand arc de cercle en tournoyant. Des reflets orangés dansèrent un bref instant sur des centaines de casques et de lames des rebelles massés autour d’eux. Aussitôt, avec un sifflement, les projectiles des balistes traversèrent la nuit comme des traits de feu et éclatèrent sur les murailles dans un vacarme assourdissant. Des débris incandescents retombèrent en pluie sur le chemin de ronde et des hurlements s’élevèrent de la cité.
- Les soldats, c'est un peu comme les homards, n'est-ce pas ? Il y a cette fichue carapace à briser, avant d'y goûter...
- Je vais compter jusqu'à trois, a dit mon père en levant sa grande hache. A trois, je vous tue tous.
Ils n'ont pas attendu qu'il se mettre à compter, ils ont tous détalé en désordre.
Vous autres nobles, vous mentez comme vous respirez.
Grand Kàn, d'Arterac, vous êtes bien un homme ! Vous est-il possible d'imaginer qu'il existe des femmes qui n'éprouvent absolument aucun intérêt pour les baisers, les billets doux et les beaux serments des amoureux ? Je n'ai jamais rien éprouvé de tel ni pour Darran ni pour personne.
Ce monde est pourri jusqu'à l'os. C'est comme ça, il n'y a rien à faire.
Ce n'était pas une flèche de chasse, c'était une flèche de guerre. Elle avait été conçue spécialement pour provoquer des infections et empêcher qu'on l'ôte de la plaie. La pointe elle-même, très tranchante, était en forme de chevron pour déchirer encore un peu plus la chair si on la tirait vers l'arrière. Mais surtout, tout le long de la tige, on avait taillé des encoches en biseau pour en faire des bords cassant, de sorte que si on la retirait d'un côté ou de l'autre, on semait de petits éclats de bois à l'intérieur de la plaie.
C'est quelque chose de voir mourir un homme, mais c'est encore pire de voir mourir son âme.