AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Dandine


Ce livre m'a entraine en une chevauchee fantastique. En peu de pages il m'a fait traverser l'Europe et son histoire pas trop recente. Et j'ai pu assister, essoufle, a la naissance de la pensee moderne. Il m'a procure un intense plaisir (quelle ecriture! Quel style!) tout en me forcant a cogiter (et cette culture! cette science l'air de rien!). J'ai peu lu jusque la de son auteur (Miette est une pure merveille, j'en avais fait un compte-rendu et j'ai comme une envie de le relire pour en poster un nouveau) et j'ai bien fait de sortir de mes sentiers balises. Pierre Bergounioux est un orfevre (en fait il est aussi sculpteur, il travaille le fer).


Le livre peut etre divise en deux parties pas trop distinctes. La premiere est, en un travelling vertigineux, une vue a vol d'oiseau des origines et de la formation – politiques et intellectuelles - de l'Europe. Delirant! Etourdissant! Pied de nez aux historiens de métier. La deuxieme est une audacieuse biographie de Descartes, presque irrespectueuse! Et ce, malgre un certain respect des faits historiques averes.


Rene Descartes est considere un des peres de la philosophie moderne pour avoir donne l'importance au moi, au sujet, face au monde, a la nature (le celebre "je pense donc je suis"). Il a ecrit et publie son oeuvre revolutionnaire aux Pays-Bas. Pourquoi? Comment cela se fait? C'est un hobereau francais. Longtemps un soldat. Qui a voyage un peu partout en Europe a la suite d'armees diverses. Pourquoi il fuyait la France, son berceau natal et intellectuel? Pourquoi, passant par l'Italie, il ignore l'art et la beaute de ce pays? Et l'Allemagne, n'a-t-elle ete qu'un champ de bataille pour lui? A-t-il eu besoin de s'enfermer, laissant de cote la societe, le paysage, la culture, pour tirer au clair sa pensee? Pour Bergounioux, Descartes a concu en songes et en terres allemandes les premisses de son argument, mais c'est seulement en Hollande qu'il pourra le fixer definitivement sur le papier. Comme si l'exil et la claustration, la solitude d'une retraite, etaient des conditions indispensables a l'ecriture. Les liens sociaux que l'hobereau a etabli a Paris l'empechent de travailler. Pour se concentrer sur son oeuvre il doit s'eloigner, s'expatrier. Et pourquoi justement les Pays Bas? Bergounioux esquisse trois raisons principales: la paix relative qui regnait en ces moments en Hollande, l'aisance calme de la vie materielle, le climat froid. Comme s'il avait besoin du froid pour clarifier ses pensees, et du lit, ou il restait jusque tard dans la matinee (et ou il ecrivait peut-etre aussi, Proust avant la lettre?). Dans une chambre monacale, en une petite ville provinciale eloignee des bruits de la capitale.


Axer les virees europeennes de Descartes sur la poursuite du froid, d'un climat etouffeur de bruits, belle trouvaille! Originale et audacieuse! Mais c'est plus qu'une trouvaille. Bergounioux insinue que pour revolutionner la pensee, pour redessiner le monde, il est peut-etre necessaire de s'eloigner des habitudes, des certitudes des paysages connus.


Est-ce que j'ai donne l'impression que ce livre est un ouvrage de philosophie? Non, c'est un roman. Ou du moins il se lit comme un roman. Bergounioux a une ecriture merveilleusement fluide, il sait eveiller notre interet et le maintenir jusqu'au point final. Une soixantaine de pages. On parcourt ca en un tournemain. Et on reste bouche bee devant la prouesse. Moi j'ai ete epoustoufle.
Commenter  J’apprécie          5814



Ont apprécié cette critique (55)voir plus




{* *}