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Critique de NMTB


NMTB
20 décembre 2014
Ce roman contient tout ce qu'un journal serait susceptible de renfermer : les descriptions du quotidien, des conversations rapportées, des idées couchées sur le papier à la va-vite, des états d'âme, des propos raturés, des pages arrachées. le jeune curé d'Ambricourt découvre peu à peu ses paroissiens, tous écrasés par l'ennui ou autrement dit par la déréliction. On peut donc lire ici le sacerdoce d'un pauvre curé, fragile, nerveux, malade et rongé, lui aussi, par le cancer du doute ; à cette différence près que lui vit pleinement ce début de démoralisation, sans jamais tenter de le fuir, de s'y complaire ou de l'évacuer hors de lui. Il ne perd jamais complètement la foi, s'en remet toujours à Dieu, même s'il évolue au bord du précipice. Il y a énormément d'humilité, de pudeur dans ce qu'écrit ce curé, seuls les passages scrupuleusement biffés et les pages manquantes nous laisse deviner des sentiments vraiment excessifs. Une bonne partie du début de ce journal est consacré à un problème historique de l'Eglise, un « problème insoluble : rétablir le Pauvre dans son droit, sans l'établir dans la Puissance. » Ce paradoxe de la charité chrétienne qui soutient le pauvre dans sa pauvreté se reflète par les difficultés à agir dans la réalité du curé d'Ambricourt, sa maladresse malgré ses bonnes intentions. « Aucune société n'aura raison du Pauvre. Les uns vivent de la sottise d'autrui, de sa vanité, de ses vices. le pauvre, lui, vit de la charité. Quel mot sublime. » Encore une fois, malgré l'inadaptation de l'idéal à la réalité, le curé d'Ambricourt ne perd pas la foi ; le monde ne peut être racheté que par la charité. L'injustice, ce mal qui prolifère, le curé d'Ambricourt la connait trop bien pour ne pas la déceler immédiatement chez ses paroissiens. Confronté aux intrigues familiales, aux secrets, aux souffrances, il remonte les révoltes, les luxures, les haines jusqu'au scandale initial, l'injustice inacceptable, auquel il faut pourtant se résigner pour retrouver l'espoir. Loin de poursuivre une chimérique éradication d'un Mal qui se métastase, qui s'insinue partout et peut-être là où on le cherche le moins (au sein même de notre propre être), il prêche l'acceptation, la résignation, car « qui juge la faute ne fait qu'un avec elle, l'épouse ». Dans sa très éclairante préface, reproduite dans l'édition Pocket, Malraux fait un bref résumé de l'évolution des personnages de roman au cours du dix-neuvième siècle. Il rapproche les personnages de Dostoïevski à ceux de Bernanos et parle pour ce dernier d'incarnation. le curé d'Ambricourt a effectivement quelque chose de surnaturel, d'une pure âme.
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