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Premier écrit politique de l'écrivain, la grande de peur des bien-pensants est un hommage à un homme politique français, Edouard Drumont. Ce dernier est auteur de « La France juive », pamphlet qui dénonce entre autre la main-mise des juifs sur tout le système financier (thème hautement original), et fondateur de la « Ligue nationale antisémitique de France ». Tout un programme.

Cet hommage est l'occasion de revenir sur les événements politiques qui ont secoué la France 50 ans plus tôt. Quand on est monarchiste et catholique, on ne vit pas forcément très bien l'instauration de la troisième république et la séparation de l'église et de l'état. Surtout que pour l'auteur, il y avait plusieurs situations qui auraient pu faire rebasculer le pays dans la « bonne » direction, mais qui ont échouées par lâcheté, par naïveté, par mauvais calcul, au moment de faire le dernier geste. Ces situations sont d'ailleurs toujours amèrement remâchées aujourd'hui par les successeurs du mouvement : le boulangisme, l'affaire Dreyfus, le décret Crémieux, ...

Même s'il faut reconnaître que Bernanos écrit très bien, il donne dans ce livre dans l'exagération à outrance. Peut-être que le décalage de ses écrits avec notre époque s'est encore creusé ? Toujours est-il qu'on a l'impression de voir quelqu'un vider en vain ses poumons pour tenter de redonner forme à une baudruche crevée.
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Pour ceux qui connaissent et apprécient le Bernanos opposé au nazisme, ce texte a de quoi surprendre. Oeuvre de jeunesse, l'écrivain y fait l'apologie à peine nuancée d'Edouard Drumont, son maître à penser et célèbre auteur de la France juive.
Evidemment, l'oeuvre est difficile à saisir pour nos yeux qui lui sont trop peu contemporains : les événements recensés paraissent inimaginables ou à tout le moins orduriers, les succès de tels livres en feraient bondir plus d'un et les points de vue sont si excessifs qu'ils nous atterrent. Cependant, tout l'intérêt de cette lecture est de saisir la complexité de ces temps si peu manichéens. Bernanos est un homme pensant plus que bien-pensant. Il se trompe, il se corrige, il se nuance et toute la profondeur de sa dialectique passe aussi par la découverte de ses errances. Ainsi, on ne saurait comprendre La Grande peur des bien-pensants sans découvrir Les Grands cimetières sous la lune, autre tournant de sa réflexion politique sur les idées extrêmes. Les deux ouvrages apparaissent alors comme les deux pans d'un même diptyque, où les idées même les plus éloignées des nôtres nous paraissent étayées et pertinentes, pour être aussitôt après mises à mal par de nouveaux éléments.
Un livre passionnant d'un point de vue historique et indispensable d'un point de vue dialectique !
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Je suis entrain de lire "Antisémythes " de Marie-Anne Matard-Bonucci; dans sa préface, l'auteur reprend la déclaration de Bernanos selon laquelle Hitler aurait "déshonoré l'antisémitisme. Cette déclaration se retrouvetrouve dans les annexes de "la grande peur...", édition du Livre de Poche, particulièrement la deuxième et la troisième. Certaines de ces annexes ont été écrites après la Guerre, ce qui établit bien que Bernanos n'a rien renié. Il essaie laborieusement de distinguer l'antisémitisme chrétien de l'antisémitisme nazi, alors que toute la recherche récente en histoire des idées établit le contraire.
C'est pourquoi j'ai eu envie de faire du sort à "la grande peur des bien-pensants", n'ayant jamais compris, qu'on ait si facilement pardonné le livre à son auteur, médiocre écrivain mais excellent antisémite
Car n'est ni plus ni moins que l'apologie d'un des pires théoriciens de l'antisémitisme français, auteur de l'immonde "la france juive",qui se fit tristement connaître lors de l'Affaire Dreyfus. Mais pour lui Drummond a des excuses: il était chrétien; Bernanos aussi d'ailleurs. Cela change tout évidemment!
Bernanos lui-même n'a jamais renié son antisémitisme de jeunesse. Il est vrai que son catholicisme l'a quand même tenu à l'écart du national-socialisme, ce qui, joint à sa condamnation du franquisme dans "les grands cimetières sous la lune" lui a permis de revenir après la guerre de son confortable séjour au Brésil avec une auréole de quasi-résistant (la résistance est plus facile à quelques milliers de kilomètres de l'armée allemande).
Mais cela ne l'empêcha pas de conclure, comme rappelé ci-dessus, qu'"Hitler avait déshonoré l'antisémitisme". Pour le reste ce grand penseur a commis quelques essais violemment antiprogressistes et anti-lumières, dont on ne sait s'il faut admirer le plus la naïveté ou la stupidité. Il rejette le progrès en bloc, qu'il soit social ou technique, au nom d'une Chrétienté médiévale en grande partie imaginaire
Et à vrai dire, on ne comprend pas trop quel régime politique et quelle organisation sociale aurait sa faveur.
Cette condamnation n'a rien d'original et on la retrouve sous la plume de beaucoup d'autres écrivains réactionnaires, y compris chez les idéologues de la Révolution Nationale
Ce qui n'est d'ailleurs pas surprenant, puisqu'on trouve dans les deux cas l'influence de l'Action Française
Pour les"Grands Cimetières sous la lune", tellement loués qu'en leur nom on excuse tout le reste, il faut les replacer dans leur contexte. Installé à Majorque, Bernanos était à origine favorable à la rébellion. Son fils était d'ailleurs phalangiste (dans le contexte de l'époque, ces engagements n'avaient d'ailleurs rien de deshonorants). Les Baléares ayant été rapidement occupés par les Franquistes, Bernanos eut l'occasion d'assister en première ligne aux excès de la répressions (ces excès d'ailleurs équitablement partagés entre les deux camps, comme dans toute guerre civile qui se respecte). Cette dénonciation est d'autant plus honorable que l'auteur appartenait au départ au camp responsable de ces exactions. Il fut apprécié en tant que tel par les gauches européennes. C'est bien, mais cela ne va pas au-delà et n'a nécessité aucun courage particulier, l'auteur étant protégé par son passeport de citoyen français, et les Franquistes évitant tout ce qui aurait pu être un casus belli pour la France
Quant à son oeuvre romanesque, elle est médiocre, ennuyeuse, et empreinte d'une vision si sectaire et exaltée du catholicisme qu'elle en est insupportable et ne rend pas service à cette religion. le style heurté en rend la lecture pénible. Et l'auteur semble haïr tous ses personnages avec une belle equanimite

Du moins, le pauvre Léon Bloy, tout aussi exalté dans son genre, mais doté malgré tout d'une véritable verve polémique, et ne manquant pas d'un certain sens de l'humour, avait lui, écrit "le salut par les juifs"
Je ne suis pas certain que, sur le plan des idées, Bernanos vaille beaucoup mieux que Céline, le talent en moins.

Le sieur Lapaque, à qui j'ai déjà fait un sort, déclare dans sa préface à La Grande Peur qu'il n'y a pas lieu de distinguer le bon Bernanos des romans et le méchant Bernanos des pamphlets : Bernanos est un tout, qu'il faut prendre ou laisser en bloc. Je suis bien d'accord. Je laisse
Voilà bien du temps consacré à un méchant livre. Mais c'est oeuvre utile vu l'aura dont il bénéficie encore.
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Quand un écrivain est un écrivain, on peut tout lire de lui forcément. Avec tendresse et férocité comme Bernanos lisait.

N'allons pas pousser le ridicule jusqu'à offrir à Bernanos un certificat de moralité ou de littérature. Il mérite mieux que notre indulgence.

L'antisémitisme est l'antisémitisme et celui de Bernanos ne vaut pas mieux qu'un autre. Il est d'époque et 1930 n'était pas une très bonne année. Mais quand on a été contre Pétain en 1940 et qu'on l'a été, comme Bernanos l'a été avant presque qu'il y ait eu un Pétain à la devanture de la misérable boutique de spécialités françaises de Vichy, alors laissons à Bernanos ces quelques souvenirs de jeunesse qui ne sont pas à notre goût.

Et puis La Grande Peur des bien-pensants, c'est bien sûr quelques phrases admirables, mais c'est aussi un de ces bahuts que l'on regarde isolé dans son coin avec une vraie délectation.

Comme certain meuble incroyable que l'on a déniché dans la salle des ventes d'une petite ville de province dont on n'oserait citer le nom. On s'en est entiché à jamais et on aimerait être le seul à le posséder. - le Livre de Poche
Lien : http://mazel-livres.blogspot..
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Attiré par ce titre, j'ai chopé ce livre dans une boîte à livres... Dès les premières pages, j'ai senti que j'allais avoir du mal, beaucoup de mal. J'ai essayé de me motiver en lisant les critiques du livre mais ça m'a plutôt refroidi encore. Sans doute Bernanos est très intelligent et très subtil dans ses propos. Qui sont affreux quand même.
Le livre est une espèce de contre-histoire avec un tas de noms que je ne connais pas, c'est beaucoup trop pointilleux, je vais rejeter ce livre et oublier qu'il fut entre mes mains en cette fin d'été 2022.
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Il me fallut une année pleine et entière pour lire ce pamphlet, pas parce que je n'avais pas envie, mais parce que j'étais pris dans une course, quasi boulimique, de lecture. J'ai privilégié de plus petits livres de Péguy, Maurras, Voltaire, Rousseau et d'autres. Ainsi donc je n'ai pris mon courage à deux mains que en ce début de décembre 2019 et qu'elle ne fut pas mon erreur d'avoir attendu si longtemps.

Georges Bernanos (1888-1948) nous livre, nous donne à voir, un héritage que beaucoup de nos contemporains refuseraient. Il nous permet de suivre, de la chute du Second Empire à une froide journée de février 1917, Edouard Drumont. Tout de suite, ce nom éternellement associé à Clemenceau, mais surtout à l'Affaire Dreyfus devrait, par un réflexe pavlovien, vous faire hérisser le poil. Drumont, c'est l'antisémite, c'est le calomniateur, c'est l'auteur de l'immonde "La France Juive", c'est la personnification même du sentiment antisémite français d'avant-guerre, c'est un personnage que nous devrions tantôt oublier et rayer de nos listes d'écrivains et tantôt mettre au pinacle de l'antisémitisme, héritier d'une vieille tradition catholique. Son antisémitisme est avéré, les nombreux extraits dont Bernanos nous fait grâce, l'attestent. La préface nous prévient aussi, qu'importe, j'ai acheté ce livre, je le lirais.

Ce livre, comme "l'Argent" de Péguy, nous fait voir la fin d'une France, pas de la France, mais d'une certaine France. L'Ancienne France, que le Péguy enfant dans les années 1880 croît avoir touché du bout des doigts. En vérité, Drumont nous montre que la Révolution a permis l'entrée d'une nouvelle classe de personne, des personnes qui étaient tenues à l'écart du temps de nos Rois et qui ne se montraient que rarement. Une classe qui s'est immiscée dans les couloirs du pouvoir sous la Monarchie de Juillet pour n'apparaître pleinement que sous la IIIème la République. « Qui sont ces gens ? », devez-vous vous demander, ce sont des personnes n'ayant pour seul Dieu que l'argent, et pour évangile tous les moyens possibles et inimaginables permettant d'en obtenir. Personnellement j'aurais dit "la Bourgeoisie", lui, Drumont, nous répond "les juifs". Il s'est attaqué à ces personnes par antisémitisme oui et c'est une erreur. Leur obédience religieuse n'est pas la conséquence de l'utilisation de la spéculation comme manière de vivre. Il aurait pu s'attaquer à la bourgeoisie, peu importe la religion de celle-ci, et avoir la même conclusion. Mais voilà, Drumont était antisémite. Et quand il s'attaquait au "Capital cosmopolite", il n'attaquait pas les multinationales naissantes qui permirent le scandale de Panama, mais les juifs, erreur.

Drumont s'évertuera, Bernanos le peint comme un croisé ou un paysan gaulois, à dénoncer le pouvoir de l'argent au sein de la politique française de cette fin du XIXème. le « vieux maître » comme aime à l'appeler Bernanos a dénoncé bien avant les autres le scandale de Panama. Il s'attaque à la puissance financière qui fait et défait des gouvernements, qui paye des pots de vin pour faire voter telles lois et surtout qui oeuvre à la destruction de la France.

Bien entendu, Drumont qui est catholique, royaliste, a été immensément déçu par le légitimiste Mac-Mahon, Président de la République, qui n'a rien fait pour restaurer la monarchie. L'idée que Drumont serait le dernier d'une race, au sens ancien, qui donna des Godefroy de Bouillon, des Tancrède, nous est particulièrement suggérée. Mais ce livre nous montre aussi que Drumont, après le coup d'éclat de son oeuvre bien connu "La France Juive" fut jusqu'à la fin de sa vie, un combattant pareil à un lion qui, aussi à l'aise avec une plume qu'avec une épée, ne craint pas de combattre. Il mourut en 1917, seul et quasi-aveugle.

Bernanos ne fait pas preuve d'enthousiasme sur son époque, il nous montre que la déconstruction de la France a bien marché, que le parti de "l'Anti-France", qui a oeuvré depuis les Lumières jusqu'à la date de rédaction du livre, a fait oublier la chrétienté. Nous, héritiers d'un millénaire de christianisme. Nous, qui avons été un des premiers royaumes d'Occident à être christianisé, on nous aurait fait oublier en à peine deux siècles toute notre histoire, tout notre patrimoine. La République, laïque (comprendre anticléricale) a oeuvré en expulsant les congrégations religieuses. La majorité des Français a appris son histoire avec ce que Péguy a appelé les Hussards noirs c'est-à-dire des professeurs, Normaliens, profondément républicains. Bien entendu comme tout régime qui s'établit, qui a des fondations peu stables, la République a placé ses pions un peu partout. Mais ce qu'il faut retenir, selon Bernanos, c'est que ce régime, qui a amené à une société sans Dieu, sans spiritualité, une société consommatrice, a servi les pouvoirs de l'argent.

Drumont s'est attaqué à ceux qui ont du pouvoir, celui de l'argent, notamment aux personnes issues de la communauté juive alsacienne, qui dans une période post-Sedan, a laissé planer le doute sur son allégeance. Les Reinach, Kohn, Rothschild, Hertz, Dreyfus et d'autres ont été associés aux pouvoirs de l'argent et de la destruction de la France, à cause de leur judaïsme, mais, il s'est aussi attaqués aux Gambetta, Clemenceau, Grévy, Simon, Ferry et même Déroulède et Boulanger. Il disait d'ailleurs de Pujo (Ligue de la Patrie française) et de Déroulède (Ligue des Patriotes) qu'ils n'avaient aucune doctrine.

Je terminerais en signalant que ce livre nécessite une encyclopédie à portée de main, étant donné le nombre faramineux de noms propres, d'évènements, de lieux cités. C'est un livre qui constate de la transformation de notre pays entre 1870 et 1930 mais qui pourrait heurter les plus sensibles d'entre nous. La conclusion de Bernanos préfigure déjà son livre "La France contre les robots". Drumont reste et restera un des premiers nationalistes français mais aussi le fondateur de la "Ligue antisémite". Et il lègue aux nationalistes français cet héritage, qui n'est pas facile à porter. Ce livre témoigne d'une époque révolue et surtout d'une époque où la République pouvait être renverser du jour au lendemain.

Pour conclure, on peut dire que ce livre est biographique parce que nous suivons Drumont de sa vingtaine à sa mort, il témoigne comme je l'ai dit d'une époque particulière [1870-1930] et en même temps Bernanos anticipe une société machiniste, consommatrice, sans spiritualité.

Pour ceux à qui les noms de Maurras, Daudet, Déroulède, Barrès évoquent quelque chose, sachez qu'avant eux il y eut Drumont.
Lien : https://aviscontraires.wordp..
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