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Critique de Alzie


BD, comme bande dessinée, mais aussi comme bande de dessinateurs.
Le neuvième art est à l'honneur en ce début d'année, dans cet heureux hors-série du magazine Beaux Arts consacré à dix albums culte de la BD - hors manga - et à leurs créateurs, venant compléter un numéro de 2011 dédié à la BD d'humour et qui en annonce bien d'autres, nous dit-on dans la préface. Tant mieux si la BD est maintenant enfin reconnue comme un moyen d'expression à part entière. Grandes étapes d'une aventure artistique retracées ici et analysées au fil des vignettes et des planches de dix chefs-d'oeuvre : du "Petit vingtième", au début du vingt et unième, un parcours plein de surprises, réconfortant, passionnant, indispensable.

"Tous enfants de Tintin", selon Benoît Peeters. du « Lotus bleu », Hergé (1946) à « Jimmy Corrigan », Chris Ware (2003), dix oeuvres sont présentées, dix étapes dans l'histoire de la BD. Quel chemin parcouru depuis l'époque des premiers récits illustrés. Si au départ on se méfiait de la BD, c'est que le dessin a souvent eu mauvaise réputation - les dessinateurs sont chargés de pervertir, ils détournent de la lecture, c'est bien connu... - il faudrait dresser la liste de tous les méfaits dont on a chargé la BD.

On découvre dans ce numéro bien des secrets d'auteurs et ceux d'une fabrication qui s'appuie à la fois sur l'imagination et la documentation la plus rigoureuse, qu'elle soit historique, géographique ou politique. Adaptations, détournements, personnages variés et complexes contribuent à la réussite d'aventures devenues inoubliables alimentées par de prodigieux suspens, comme le « Mystère de la Grande Pyramide » d'Edgar P. Jacobs, disciple et concurrent de Hergé (1954), premier grand succès du genre. Mais tout cela ne serait rien sans le dessin, l'invention graphique, le trait, l'art du découpage et de la composition ou celui de la mise en couleurs qui sont exposés au fil des pages. Travail et patience, un grand art : on ne le dira jamais assez.

Au début des années 70, une rupture s'opère et le roman dessiné apparaît. L'arrivée de Corto Maltese fait date pour tous les bédéphiles : « La Ballade de la mer salée » (1969). Hugo Pratt, génie du noir et blanc et de l'aquarelle, s'est largement nourri aux sources littéraires et cinématographiques ; un petit air « Burt Lancaster » inspiré du film le Roi des Iles, en 1954, pour l'invention de son héros récurrent, introduit en France grâce à Pif gadget. Richesse des années 70 et inoubliable collaboration de Jean-Michel Charrier et Jean Giraud, avec Blueberry « Le Spectre aux balles d'or » (1972), qui revisitent les codes du western et l'adaptent miraculeusement à la BD. Mariage également réussi entre le polar et la BD à la fin des années 1980 : Tardi met en scène le privé Nestor Burma avec « 120, rue de la gare » (1988), une adaptation exceptionnelle de Léo Malet qui n'allait cependant pas de soi pour un auteur dont le travail était essentiellement centré sur la Grande Guerre. Longévité d'une série dont on attend le dixième épisode en ce début d'année .

« Les Passagers du vent » inaugurent, en 1979, une saga romanesque très riche, en cinq volumes, au XVIIIe siècle, où le timide dessinateur autodidacte François Bourgeon, imprégné lui aussi de littérature aventureuse, offre au monde de la BD une héroïne amoureuse, impétueuse et libre, qui échappe à tous les stéréotypes : Isa. Un univers, un cycle. Histoire et érotisme, plus rien ne sera comme avant.

« Partie de chasse » d'Enki Bilal, en 1983, marque l'entrée tonitruante de la politique fiction dans la BD : l'histoire impacte de sa violence des vignettes où la couleur devient partie prenante de la narration. Il faut ajouter Art Spiegelman, en 1986, réalisant ce que personne n'avait fait avant lui : une BD animalière de chats et de souris qui raconte la Shoah à travers le témoignage de son père, Maus : prix Pulitzer en 1992. Refusée par de nombreux éditeurs, la BD paraîtra en France grâce à Françoise Verny. Citer encore « From Hell » (1999) d'Eddie Campbell et Alan Moore, dix ans de travail pour réaliser une synthèse de tous les mythes qui ont entouré le plus grand mystère criminel non résolu à ce jour : celui de Jack l'éventreur. Et on a fait le tour. Cerise sur le gâteau : une petite histoire inédite en français, de Jimmy Corrigan, est offerte au lecteur avant qu'il ne referme le numéro.

Excellente lecture autour de dix lectures à faire absolument.
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