Après
les reines de France au temps des Valois, je poursuis ma lecture de la saga de
Simone Bertière avec ce premier tome des reines de France au temps des Bourbons, intitulé Les deux régentes. Et les deux régentes dont il s'agit ici ce sont Marie de Médicis et Anne d'Autriche, respectivement mère de
Louis XIII et de Louis XIV. À elles deux elles forment, avec Catherine de Médicis, les reines régentes les plus importantes et les plus marquantes de l'histoire de France. Connaissant à présent très bien Catherine et les Valois j'avais hâte de découvrir enfin Marie et Anne plus en profondeur, en tant que reine et surtout en tant que mère.
Et le moins que l'on puisse dire après cette lecture, c'est que les deux femmes sont absolument aux antipodes. Mais elles ont en communs d'avoir toutes les deux eu un règne chargé et intense, preuve en est ce tome fait près de 600 pages alors qu'il ne s'agit que de deux reines ! Et bien qu'il s'agisse d'une belle-mère et d'une belle fille il s'en dégage rapidement un triumvirat en miroir : Marie/
Louis XIII/Richelieu vs. Anne/Louis XIV/Mazarin. Une reine mère, un enfant roi, un cardinal.
Marie de Médicis est une reine et une mère autoritaire, sévère et peu sensible, une reine très tôt devenue veuve et qui a dû gérer une régence imprévue. Mais Marie n'aura jamais vraiment compris qu'elle n'était seulement que garante d'un pouvoir temporaire qu'elle devrait rendre à son fils une fois apte. Elle n'a jamais voulu lâcher le pouvoir et cet acharnement aveugle, son manque évident de confiance envers son fils mais aussi une certaine froideur naturelle seront la cause d'une incompréhension mutuelle entre la mère et le fils qui durera une vie entière. Marie y sera pour beaucoup dans la personnalité complexe de
Louis XIII, jeune homme puis homme renfermé, introverti, méfiant affectivement et politiquement . J'ai rarement lu une relation mère/fils aussi chargée, aussi trouble, et aussi compliqué et pourtant j'en ai eu un certain nombre mais celle-ci les dépasse de très loin. Marie avait hérité d'un rôle bien-sûr difficile et instable, celui de régente, surtout en tant que femme, elle a fait face à de nombreuses révoltes princières (notamment son second fils, Gaston, qui sèmera le trouble durant des années) néanmoins il semble que sa vision politique ait toujours été un peu étroite, elle n'avait pas le talent pour cela. Richelieu qu'elle a contribué à élever au rang de cardinal/ministre l'aidera beaucoup, mais inévitablement il en sera de même avec lui avec qui les relations deviendront tendues entre eux et le jeune roi, jusqu'au point de rupture : la fameuse journée des dupes. Après ça
Louis XIII aura fait son choix son ministre conservera sa confiance, il formeront une alliance plutôt solide et Marie ira d'exil en exil entrecoupé de réconciliation infructueuses, et ce même à travers toute l'Europe. Pour l'anecdote Marie, Richelieu et
Louis XIII mourront tout trois à à peine 7 mois d'intervalle… Je trouve ça à fois triste et presque révélateur.
Pour Anne d'Autriche ce fut totalement différent, c'est une femme discrète, peu intéressée par le pouvoir, très pieuse et très familiale. Si au début de son mariage elle a bien évidemment souffert de l'omniprésence de Marie de Médicis et de la méfiance de son époux — elle commettra d'ailleurs plusieurs impairs (à l'origine d'une grande mésentente avec
Louis XIII) —, une fois que le triumvirat disparu, Anne se trouvera libérée, délestée d'un poids et pourra enfin s'épanouir dans ce rôle de mère pour lequel elle excelle et se plaît. Elle assurera la régence d'une main de fer avec le soutien précieux de son homme de confiance : Mazarin. Mais on le sait une régence, encore une fois, c'est un temps propice aux rébellions et aux contestations en tout genre et elle en affrontera un certain nombre, notamment la Fronde qu'elle surmontera avec un réel aplomb et dont le pouvoir royal ressortira grandi. Avec l'aide de Mazarin, même si sous la pression des rebellions elle devra se séparer de lui quelques temps, elle remettra le pouvoir intacte à son fils, Louis XIV. Anne d'Autriche, à l'inverse de Marie saura s'effacer politiquement le temps venue, mais c'est un effacement qui préparera son fils, dans l'avenir, à ne tolérer aucune femme en politique.
Bref, il se passe dans la vie de ses deux reines bien plus de choses que je ne pourrai ici ni résumer ni analyser, en revanche
Simone Bertière elle, le fait brillamment sur plus de 600 pages, qui sont comme à son habitude absolument passionnantes et accessible sans rien enlever à l'exigence et à la rigueur. Elle nous fait entrer dans la vie des deux dernières régentes de France mais aussi des deux dernières reines ayant eu du pouvoir, car après elles plus aucune reine n'aura ni ce privilège ni ce prestige. Car c'est véritablement grâce et a cause de ces deux reines régentes que les reines à venir se verront effacées de la scène politique de la cour.
À la différence des deux tomes précédents
Simone Bertière fait usage d'une psychologie encore plus fine et encore plus poussé étant donné la complexité des relations respectives d'une intensité politico-familiale importante.
Simone Bertière nous explique tout, le politique comme le familiale, de façon captivante et réussie, tout est là.
Encore un excellent moment de lecture, encore un gigantesque coup de coeur !