Les mots font partie de nous ; ils sont l’hameçon de la pensée permettant à celle-ci de gagner la surface où règne le jour…
Ce qui ne ressemble à rien n'a pas d'existence; c'est la reconnaissance de l'étranger, du voyageur, qui certifie l'identité. (p.116)
On ne finit jamais de ne pas comprendre ce que l'on s'est proposé de déchiffrer (p.193)
Les mots sont irresponsables, ils se précipitent sur la première lueur, ils dissipent les ténèbres, ils procède à la conversion de la fantaisie en mémoire - de même qu'ils imposent aux rêves de la nuit la cohérence de la syntaxe, quand les rêves ne souffrent pas d'être traduits en mots. (p.86)
Le pire, avec les gens mauvais, c'est quand ils montrent leur fragilité ... (p.71)
Un jour on ne dit plus " je t'aime". L'un ou l'autre part en voyage, ou en revient, et il s'interdit l'intimité dans l'expression, les gestes. Ni regard noyé ni voix adoucie, le toucher que l'on prodigue à tant d'amis n'est pas innocent dés que l'amour s'en est mêlé. Une distance s'établit, on s'éloigne l'un de l'autre : chacun désapprend ce qu'il avait appris. Une progressive méconnaissance réciproque se substitue à la confidence, ensuite à la tendresse. On rentre en soi, on se cantonne dans soi alors que l'on était comme avec soi-même avec l'autre, et ensemble contre le reste du monde. Un jour on se regarde depuis la rive opposée du fleuve. On marche du même pas, on échange des propos... Mais un rien de vent suffit à emporter loin les voix. Entretemps, l'ombre portée des arbres s'est effilée et déjà s'estompe. Et la lune est un soleil mort.
Ce que l’on a réussi ne nous appartient plus, ni longtemps à personne, mais au temps qui se consume et devient mémoire, rien d’autre que mémoire, avant de s’évanouir en vagues, anonymes métamorphoses.
Nous sommes tous des messagers qui ignorons le message, nous transmettons des secrets à notre insu; chaque geste que nous croyons faire pour une raison précise, une autre qui nous échappe l'a provoqué et nous mène ailleurs - ainsi la poésie porte les mots là où ils n'ont jamais été. (p.205)
Il y a un moi de chaque malade qui ne ressemble pas à l'être en bonne santé qu'il a été. On dirait que devant la mort on prend conscience d'une vie enfouie qu'on a vécue sans s'en apercevoir. (p.182)
La vie n'aura pas été ce que nous croyons avoir accompli ou raté, mais ce qui en nous réclamait d'être porté à la lumière, envers et contre tout. (p.171)