Un jour on ne dit plus " je t'aime". L'un ou l'autre part en voyage, ou en revient, et il s'interdit l'intimité dans l'expression, les gestes. Ni regard noyé ni voix adoucie, le toucher que l'on prodigue à tant d'amis n'est pas innocent dés que l'amour s'en est mêlé. Une distance s'établit, on s'éloigne l'un de l'autre : chacun désapprend ce qu'il avait appris. Une progressive méconnaissance réciproque se substitue à la confidence, ensuite à la tendresse. On rentre en soi, on se cantonne dans soi alors que l'on était comme avec soi-même avec l'autre, et ensemble contre le reste du monde. Un jour on se regarde depuis la rive opposée du fleuve. On marche du même pas, on échange des propos... Mais un rien de vent suffit à emporter loin les voix. Entretemps, l'ombre portée des arbres s'est effilée et déjà s'estompe. Et la lune est un soleil mort.
Les mots sont irresponsables, ils se précipitent sur la première lueur, ils dissipent les ténèbres, ils procède à la conversion de la fantaisie en mémoire - de même qu'ils imposent aux rêves de la nuit la cohérence de la syntaxe, quand les rêves ne souffrent pas d'être traduits en mots. (p.86)
Les mots font partie de nous ; ils sont l’hameçon de la pensée permettant à celle-ci de gagner la surface où règne le jour…
Toute parole trahit son objet, le propos du scribe, au bénéfice d'une finalité supérieure qui lui échappe et qui justifie l’œuvre de trahison. Aussi toute pensée, une fois exprimée, est-elle un mensonge au regard des intentions de l'auteur; toute parole met la chère vérité en cause. Mais, presque toujours, il croit que les mots coïncident avec sa pensée. (p.96)
Tout ce que l'on n'a pas accompli fait partie de la vie, et parfois lui apporte un surcroît de réalité. Ce que l'on a réussi ne nous appartient plus, ni longtemps à personne, mais au temps qui se consume et devient mémoire, rien d'autre que mémoire, avant de s'évanouir en vagues, anonymes métamorphoses. (p.110)
La 500eme
A l'occasion de la 500 ème émission d'Apostrophes,
Bernard PIVOT rend hommage a la francophonie en recevant des écrivains étrangers écrivant en langue Française.
Hector BIANCIOTTI dont "
Sans la miséricorde du Christ" vient d'être retenu pour le Goncourt, est né en
argentine de parents Piémontais. Apres avoir publie 5
romans en
espagnol, il se sent plus a l'aise avec le français dont il...