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Critique de Charybde2


Riche en pistes à explorer, une passionnante incursion dans la politique de la fantasy, trop brève pour ne pas s'exposer à certaines caricatures.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/04/16/note-de-lecture-winter-is-coming-william-blanc/

Pour contourner l'impression tenace et pourtant largement infondée que, à la grande différence de la science-fiction, la fantasy serait dans le meilleur des cas peu ou pas politisée – et dans le pire… on se souviendra de la charge parodique menée contre elle en 1972 par Norman Spinrad avec son « Rêve de fer » -, William Blanc opère un superbe retour à la source, à savoir essentiellement celle, « Au bout du monde » (1896), de William Morris, dont l'oeuvre, un temps tombée en désuétude est désormais vaillamment défendue en France par les éditions Aux Forges de Vulcain, et dont le versant le plus directement science-fictif et utopique est analysé avec brio par Fredric Jameson dans son « Archéologies du futur » de 2005. Oeuvre construite en réaction à une modernité technologique vécue avant tout comme déshumanisante et éloignant le monde des vertus utopiques d'un pré-socialisme pourtant cohérent, elle influence largement et profondément aussi bien J.R.R. Tolkien que C.S. Lewis, qui placeront le moment venu le genre sur orbite, au Royaume-Uni et dans le monde entier (on lira d'ailleurs avec intérêt à ce propos la belle fiction de l'Italien Wu Ming 4, spécialiste universitaire reconnu de l'oeuvre de l'auteur du « Seigneur des anneaux », précipitant ensemble au lendemain de la première guerre mondiale Tolkien, Lewis, Graves et T.E. Lawrence : « L'étoile du matin »).

Las, force est de constater avec l'auteur que ce double élan majeur, dévoyant subtilement celui de William Morris, donne bien un caractère résolument anti-moderne à cette fantasy dominante, justifiant ainsi a posteriori la lecture réactionnaire du genre (ce qui ne veut pas nécessairement dire fascisante, loin s'en faut, et n'en déplaise à la rédoutable provocation de Norman Spinrad mentionnée plus haut) – lecture certainement renforcée par les mentions effectuées le moment venu de H.P. Lovecraft ou de Robert Howard. En suivant William Blanc, qui ne mentionne qu'anecdotiquement l'influence d'Ursula K. Le Guin, pourtant bien réelle et fort différente, en matière de sociologie de la réception, et qui passe totalement sous silence les oeuvres également significatives, et qui auraient complexifié et densifié le propos, des Américains Jack Vance et Fritz Leiber, avec leur maniement singulier d'une véritable ironie politique (en attendant, bien plus tard, celle de Terry Pratchett), il faut finalement attendre le « Trône de fer » de George R.R. Martin, et sa déclinaison / adaptation en série télévisée, pour que soit introduite à grande échelle dans la fantasy une lecture moins idyllique et moins pastorale du Moyen-Âge rêvé issu de Morris, Tolkien et Lewis, qu'une vision correctrice amplement plus cynique et systémique s'y introduise (ce qu'un détour par le travail de China Miéville, se jouant souvent largement des frontières établies entre science-fiction et fantasy, aurait pu davantage que confirmer), et qu'une inscription – fût-ce ex post – dans les politiques écologiques contemporaines devienne manifeste.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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