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Citations sur Autrefois les arbres avaient des yeux : Anthologie (1.. (12)

Élégie du matin

Au début, j'avais promis de me taire
Mais plus tard, au matin,
Je vous ai vus sortir avec des sacs de cendre devant les portes
Et la répandre comme on sème le blé ;
N'y tenant plus, j'ai crié : Que faites-vous ? Que faites-vous ?
C'est pour vous que j'ai neigé toute la nuit sur la ville,
C'est pour vous que j'ai blanchi chaque chose toute la nuit – ô si
Vous pouviez comprendre comme il est difficile de neiger !
Hier soir, à peine étiez-vous couchés, que j'ai bondi dans l'espace
Il y faisait sombre et froid. Il me fallait
Voler jusqu'au point unique où
Le vide fait tournoyer les soleils et les éteint,
Tandis que je devais palpiter encore un instant dans ce coin,
Afin de revenir, neigeant parmi vous.
Le moindre flocon, je l'ai surveillé, pesé, éprouvé,
Pétri, fait briller du regard,
Et maintenant, je tombe de sommeil et de fatigue et j'ai la fièvre.
Je vous regarde répandre la poussière du feu mort
Sur mon blanc travail et, souriant, je vous annonce :
Des neiges bien plus grandes viendront après moi
Et il neigera sur vous tout le blanc du monde.
Essayez dès à présent de comprendre cette loi,
Des neiges gigantesques viendront après nous,
Et vous n'aurez pas assez de cendre.
Et même les tout petits enfants apprendront à neiger.
Et le blanc recouvrira vos piètres tentatives à le nier.
Et la terre entrera dans le tourbillon des étoiles
Comme un astre brûlant de neige.
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Nous devrions (Ar trebui)

Nous devrions naître vieux,
Venir au monde déjà sages,
Être à même de décider de notre sort,
Savoir quels chemins partent du croisement primaire
Et dont l’envie seulement d’aller plus loin soit innocent.
Ensuite devenir plus jeunes, encore plus jeunes, en avançant,
Arrivant matures et forts aux portes de la création,
Passer au-delà, et entrant adolescents en amour,
Être enfant à la naissance de nos enfants.
Ils seraient alors plus vieux que nous,
Ils nous apprendraient à parler, ils nous chanteraient des berceuses,
Nous disparaîtrions toujours plus, devenant de plus en plus petits,
Tels le grain de raisin, le petit pois, le grain de blé…

*

Ar trebui

Ar trebui sa ne nastem batrîni,
Sa venim întelepti,
Sa fim în stare de-a hotarî soarta noastra în lume,
Sa stim din rascrucea primara ce drumuri pornesc
Si iresponsabil sa fie doar dorul de-a merge.
Apoi sa ne facem mai tineri, mai tineri, mergînd,
Maturi si puternici s-ajungem la poarta creatiei,
Sa trecem de ea si-n iubire intrînd adolescenti,
Sa fim copii la nasterea fiilor nostri.
Oricum ei ar fi atunci mai batrîni decît noi,
Ne-ar învata sa vorbim, ne-ar legana sa dormim,
Noi am disparea tot mai mult, devenind tot mai mici,
Cît bobul de strugure, cît bobul de mazare, cît bobul de grîu…

****
Traduit du roumain par Luiza Palanciuc
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Te souviens-tu de la plage
Recouverte d'amers éclats
Sur lesquels
Pieds nus nous ne pouvions marcher ?
Cette façon
Dont tu contemplais la mer
Et disais m'écouter ?
Te souviens-tu
Des mouettes insensées
Qui tournaient dans le carillon
D'invisibles églises
Avec les poissons pour le patron,
De la façon dont
Tu t'éloignais en courant
Vers la mer
Et criais qu'il fallait
Un écart
Pour me regarder ?
Dans l'eau
La neige mêlée aux oiseaux
S'éteignait,
Comme en un joyeux désespoir
Je suivais
Les traces de tes pas sur la mer
Et la mer
Se refermait telle une paupière
Sur l'œil dans lequel j'attendais.
(Te souviens-tu de la plage ?)
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Je crois (Eu cred)

Je crois que nous sommes un peuple végétal
Car autrement d’où nous viendrait la tranquillité
Avec laquelle nous attendons la défeuillaison ?
D’où le courage
De nous laisser choir sur le toboggan du sommeil
Jusqu’à la mort
Avec la certitude
Que nous serons encore capables de renaître
A nouveau ?
Je crois que nous sommes un peuple végétal –
Qui a jamais vu
un arbre se révolter ?

*

Eu cred

Eu cred ca suntem un popor vegetal,
De unde altfel linistea
În care asteptam desfrunzirea?
De unde curajul
De-a ne da drumul pe toboganul somnului
Pâna aproape de moarte,
Cu siguranta
Ca vom mai fi în stare sa ne nastem
Din nou?
Eu cred ca suntem un popor vegetal-
Cine-a vazut vreodata
Un copac revoltându-se?

***
Traduit du roumain par Luiza Palanciuc
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Laissons tomber les mots

Laissons tomber les mots
Tels des fruits, tels des feuilles,
Seuls ceux où la mort est déjà mûre.
Laissons-les tomber,
Flétris jusqu’à la pourriture,
Couvrant à peine de leur chair
L’os divin.
Le noyau nu et ouvert,
Comme la lune, dans les nuages fanés,
Peut-être se glissera-t-il sur la terre…
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Deux croix

Toi, tu fus ma croix
Grande, fine,
À même de me supplicier
Poutre sur poutre.
Moi, je fus ta croix
Innocente,
Dans le miroir réfléchie.
Le même mouvement
Pour l’étreinte
Et la crucifixion,
Pour l’époux
Et l’épouse.
Laisse
Le temps couler par deux fois,
Du soir et des aurores,
Pour l’un et pour l’autre,
Nous ressembler
Et nous recouvrir, sombre,
De fleurs –
Parmi lesquelles nous regardions vers les hauteurs
Dessinées avec deux croix jumelles :
L’une était d’ombre.
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Prière

Principe de toutes choses,
Lieu géométrique du vide
Qui demande à être comblé
Pour durer,
Voie d’entrée
Dans un endroit existant
Seulement dans la mesure de l’articulation,
Laisse tomber
De ta sainte bouche
Les syllabes,
Laisse-les m’envahir,
M'ensemencer,
Fais-moi engendrer des plantes-réponses
Dont poussent
Vers le silence suprême
Les arbres de sons
D’où l’automne secoue les sens.
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Autrefois les arbres avaient des yeux (Cândva arborii aveau ochi)

Autrefois les arbres avaient des yeux,
Je le jure,
Je sais bien
Que je voyais lorsque j’étais un arbre,
Je me souviens combien m’étonnaient
Les étranges ailes des oiseaux
Qui me passaient devant,
Mais je ne me souviens plus
Si les oiseaux devinaient
Mes yeux.
En vain je cherche maintenant les yeux des arbres.
Je ne les vois peut-être pas
Parce qu’arbre je ne suis plus,
Ou bien sont-ils descendus sur les racines
Dans la terre,
Ou peut-être,
Qui sait,
Ce ne fut qu’une illusion
Et les arbres sont aveugles depuis toujours…
Mais alors pourquoi donc
Lorsque je passe tout près d’eux
Je les sens
Me suivre du regard,
Un regard bien connu,
Pourquoi, lorsqu’ils frémissent et clignent
De leurs milliers de paupières,
J’ai envie de crier –
Qu’avez-vous vu ?…

*

Candva arborii aveau ochi

Cândva arborii aveau ochi,
Pot sa jur,
Stiu sigur
Ca vedeam când eram arbore,
Îmi amintesc ca ma mirau
Ciudatele aripi ale pasarilor
Care-mi treceau pe dinainte,
Dar daca pasarile banuiau
Ochii mei,
Asta nu îmi mai aduc aminte.
Caut zadarnic ochii arborilor acum.
Poate nu-i vad
Pentru ca arbore nu mai sunt,
Sau poate-au coborât pe radacini
În pamânt,
Sau poate,
Cine stie,
Mi s-a parut numai mie
Si arborii sunt orbi dintru-nceput…
Dar atunci de ce
Când trec de ei aproape
Simt cum
Ma urmaresc cu privirile,
Într-un fel cunoscut,
De ce, când fosnesc si clipesc
Din miile lor de pleoape,
Îmi vine sa strig –
Ce-ati vazut?…

***
Octobre, Novembre, Décembre (Octombrie, noiembrie, decembrie, 1972) Traduit du roumain par Luiza Palanciuc
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La solitude (Singurătatea)

La solitude est une ville
Où tous les autres sont morts,
Les rues sont propres,
Les places dépeuplées,
Tout se voit d’un coup
Dilaté dans le vide
Si limpidement gardé.
La solitude est une ville
Où il neige à foison
Et où aucun pas ne profane la lumière
Déposée en couches,
Et seulement toi, œil éveillé,
Ouvert sur ceux qui dorment,
Regardes et comprends, et tu n’en as pas assez
De tant de silence et de tant de pureté
Où personne ne combat
Et n’est abusé,
Où trop claire
Pour faire mal
Est même la larme d’un animal abandonné.
Dans la vallée,
Entre la souffrance et la mort,
La solitude est une ville enchantée.

*

Singurătatea e un oraş
În care ceilalţi au murit,
Străzile sunt curate,
Pieţele goale,
Totul se vede deodată
Dilatat în pustiul
Atât de limpede sortit.
Singurătatea e un oraş
În care ninge enorm
Şi nici un pas
Nu profanează lumina
Depusă în straturi,
Şi numai tu, ochiul treaz
Deschis peste cei care dorm,
Priveşti, şi-nţelegi, şi nu te mai saturi
De-atâta tăcere şi neprihană
În care nimeni nu luptă
Şi nu e minţit,
Unde-i prea clară
Ca să mai doară
Până şi lacrima de animal părăsit.
În valea
Dintre suferinţă şi moarte,
Singurătatea e un oraş fericit.


***
L’oeil de cigale (Ochiul de greier, 1981)
Traduit du roumain par Luiza Palanciuc
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Voyage (Calatorie)

Je voyage en moi-même
Comme dans une ville étrangère
Où je ne connais personne.
Le soir j’ai peur dans la rue
Et les après-midi de pluie
J’ai froid et m’ennuie.
Pas une envie de voyager,
Quand même la traversée du chemin
Est toute une aventure,
Pas un souvenir d’autres vies
Face à la question
« Pourquoi ai-je été amenée ici ? »

*

Călătorie

Umblu prin mine
Ca printr-un oraș străin
În care nu cunosc pe nimeni.
Seara mi-e teamă pe străzi
Și-n după-amieze ploioase
Mi-e frig și urât.
Nici o dorință de-a calatori,
Când și numai trecerea drumului
E aventura,
Nici o amintire din alte vieți
Întrebării
«De ce-am fost adusă aici?»…

***
Le troisième sacrement (A treia taină, 1969)
Traduit du roumain par Luiza Palanciuc
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