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Critique de mariecesttout


De quoi nous parle ce Jean Marie Blas de Roblès, qui, il ne faut pas l'oublier car c'est important, est archéologue?
De la vie d'Athanase Kircher, donc,un jésuite allemand, graphologue, orientaliste, esprit encyclopédique et un des scientifiques les plus importants de l'époque baroque.nous dit wikipedia.
Racontée en chapitres jusqu'à sa mort par un disciple, Caspar Schott, un autre scientifique allemand contemporain, qui a ,lui aussi, existé.
Et ceci grâce à un manuscrit totalement inédit trouvé à la Bibliothèque nationale de Palerme , et parvenu à quelqu' un qui connaît l'oeuvre d'Athanase Kircher mieux que quiconque , et même de façon un peu obsessionnelle, Eléazard von Wogau .
A partir de là on va lire, alternativement, les aventures d'Athanase, les réflexions que celles-ci inspirent à Eléazard, et, parallèlement les aventures de la famille von Wogau et de quelques autres au Brésil.

Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Eléazard n'aime guère Athanase.Un "artiste de l'échec "l'appelle-t-il. Alors lire et étudier à longueur de journée les louanges de Caspar Schott sur le génie de cet homme ne le mettent pas d'humeur joyeuse dans ses carnets,qui sont la partie je dirais "philosophique" du livre .Réflexions auxquelles il faut ajouter ses conversations avec un ancien jésuite devenu maoïste, Euclides. Il parlent de beaucoup de choses,et entre autres, de ce qu'est l'Histoire.
L'Histoire c'est -ce qui s'est réellement passé , pense-t-il citant Léopold von Ranke ( vous comprendrez le temps que l'on met à lire ce livre, vu le nombre de références , soupir..).
Euclides lui répond Duby : "L'historien est un rêveur contraint, contraint à rêver devant les faits, à replâtrer les failles, à rétablir de chic le bras manquant d'une statue qui n'existe toute entière que dans sa tête."
Et l'art… "Toute l'histoire de l'art et même de la connaissance est faite de cette assimilation plus ou moins poussée de ce que d'autres ont expérimenté avant nous…"

Qui a pensé quoi, qui a écrit quoi.." Ce qui importe, c'est la matière grise universelle, pas les individus qui s'en trouvent par hasard, ou s'en rendent sciemment, propriétaires "( j'ai appris dans ce roman qui avait -vraiment -écrit « Rome, Rome l'unique objet de mon ressentiment etc, ) et tant d'autres choses , que j'oublie, bien sûr au fur et à mesure, hélas..).
C'est dans ces réflexions que Jean Marie Blas de Roblès, archéologue, donc, nous dit beaucoup sur l'histoire, donc, mais aussi la science , science et réalité, ou plutôt science et appréhension du réel , la religion etc, et c'est toujours passionnant. Très érudit aussi , et je recommande de consulter un index qu'il avait rajouté sur tous ceux qui sont nommés.

Cet Euclides va pousser Eléazard à se réconcilier avec le personnage historique qu'il étudie .Et à en tirer des enseignements sur sa propre personnalité, bien sûr.
"Qu'ai-je aimé chez Kircher, sinon ce qui le fascinait lui-même: la bigarrure du monde, son infinie capacité à produire des fables, Wunderkamer: galerie des merveilles, cabinet des fées.. Grenier, cagibi, coffre à jouets où se lovent nos étonnements premiers, nos frêles destins de découvreurs."
"L 'effet Kircher: le baroque. Ou, comme l'écrivait Flaubert, ce désespérant besoin de dire ce qui ne peut se dire…"

C'est un personnage vraiment étonnant, Athanase! Qui au siècle de Galilée , à l'époque où les sciences expérimentales donnent accès à la compréhension, invente lui absolument n'importe quoi de façon complètement compulsive et dans n'importe quel domaine. Il a l'art de profiter de l'évènement, et bien sûr, bénéficiant des faveurs divines, ses inventions et découvertes ne sauraient être contestées. Il y a ainsi des épisodes très drôles au moment d'une épidémie de peste, où il saute sur les bubons pour étudier leurs contenus, découvrant le vermicelle de la peste, installe dans les cercueils des alarmes pour les malheureux enterrés un peu vite, à chaque jour sa trouvaille!
Dans un autre domaine, il est donc persuadé d'avoir percé à jour la lecture des hiéroglyphes, de pouvoir communiquer en chinois et même de pouvoir reconstituer la langue de Dieu lui-même, celle qui était parlée en haut de la tour de Babel , et son dernier ouvrage, intitulé La Tour de Babel, donnait la preuve mathématique que la tour de Babel n'aurait jamais pu atteindre la Lune, attestant ainsi que "sa destruction résultait plus de la folie de son entreprise que de la volonté divine." CQFD.
Et même au moment de sa mort! Avec la balance à peser l'âme que Caspar Schott devait utiliser juste au moment où il rendait son dernier soupir.. Un demi-scrupule pesait l'âme de Kircher…

J'ai vraiment beaucoup aimé toute cette partie de ce roman,peut être un peu moins le reste. Peut être y a-t-il trop de personnages , un peu survolés, du moins si on compare avec le duo Kircher- Eleazard.
Je ne vais pas tout reprendre, mais ces nombreux personnages qui évoluent dans cette histoire suivent chacun leur chemin- et quel chemin pour certains! Ils ont donc tous en commun un rapport plus ou moins familial avec Eleazard, et, comme dans tout bon roman choral, des liens entre eux. Et un destin commun.. En tout cas, pendant qu'Eléazard va se "trouver", les autres vont tous se "perdre".Un peu ou beaucoup.
Même si, à mon avis , les chapitres qui narrent leurs aventures sont d'intérêt inégal, c'est un roman qui est difficile à lâcher.

Quant à ce qu'il raconte vraiment, ce qui est vrai, ce qui est faux, alors là…:
"Le problème n'est pas de savoir si un tel a vraiment dit ce qu'on lui fait dire, mais de juger si on a réussi à le lui faire dire d'une façon cohérente. La vérité n'est-elle pas ce qui finit par nous convenir assez pour que nous l'acceptions en tant que telle? le cas limite de la satisfaction, disait W.V. Quine."

Très satisfaite, moi!
Bien sûr, si vous aimez les textes concis, vous évitez..












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