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Citations sur Le sang du pauvre (14)

Car voici l’horreur des horreurs : le travail des enfants, la misère des tout petits exploitée par l’industrie productrice de la richesse ! Et cela dans tous les pays. Jésus avait dit : « Laissez-les venir à moi ». Les riches disent : « Envoyez-les à l’usine, à l’atelier, dans les endroits les plus sombres et les plus mortels de nos enfers. Les efforts de leurs faibles bras ajouteront quelque chose à notre opulence. »

On voit de ces pauvres enfants qu’un souffle renverserait, fournir un travail de plus de trente heures par semaine et ces travailleurs-là, ô Dieu vengeur ! se comptent par centaines de mille. Pour qu’il soit dit que la religion n’est pas oubliée, les ateliers de petites filles, ignorés du Dante, sont souvent dirigés par des religieuses, vierges consacrées, aussi sèches que les sarments du Démon, et qui savent les bonnes méthodes pour le rendement…
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— Un homme va mourir pour nous de la plus infâme des morts. Cet homme est un voleur et un assassin, comme chacun de nous. La seule différence entre nous et lui, c’est qu’il s’est laissé prendre, n’étant pas un hypocrite et que, portant ostensiblement ses crimes, il est moins abominable. C’est en ce sens qu’il va expier pour nous et c’est parce que j’ai mission de vous annoncer la Parole de Dieu que je vous en avertis. Je sais bien que ce langage vous étonne et qu’il vous révolte. Je voudrais qu’il vous fît peur. Vous vous croyez innocents parce que vous n’avez coupé la gorge à personne, jusqu’à ce jour, je veux le croire ; parce que vous n’avez pas fracturé la porte d’autrui ni escaladé son mur pour le dépouiller ; parce qu’enfin vous n’avez pas transgressé trop visiblement les lois humaines. Vous êtes si grossiers, si charnels, que vous ne concevez pas les crimes qu’on ne peut pas voir. Mais je vous dis, mon très-cher frère, que vous êtes une plante et que cet assassin est votre fleur. Cela vous sera montré au Jugement d’une manière plus que terrible. Sans le savoir et sans le vouloir, chacun de nous confie son trésor d’iniquités et de turpitudes cachées à un homicide, comme un avare peureux confie son argent à un spéculateur téméraire, et, quand la guillotine fonctionne, les deux têtes tombent ensemble ! Nous sommes tous des décapités !
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Tout homme qui possède au-delà de ce qui est indispensable à sa vie matérielle et spirituelle est un millionnaire, par conséquent un débiteur de ceux qui ne possèdent rien.
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Je me suis demandé souvent quelle pouvait être la différence entre la charité de tant de chrétiens et la méchanceté des démons.

( Bloy apostrophe le prêtre qui s'emporte contre des condamnés à mort)
— Regarde donc à tes pieds, bavard mécanique ; sans clairvoyance ni charité. Si tu le peux encore, aveugle conducteur d’aveugles, regarde ce troupeau à canailles qui t’écoute et qui jouit de l’absolution que tu lui donnes, en flétrissant de ta bouche d’autres canailles plus évidentes et moins respectueuses des lois de l’argent. Tu n’es peut-être pas un bandit toi-même et, pourtant, vois ce que tu fais. Ces têtes qu’on va couper et pour lesquelles ton Dieu a souffert autant que pour la tienne, tu en promets, tu en donnes d’avance le sang à boire à des animaux féroces.

Vois cette dévote à museau de crocodile dont la gueule de médisance a dévoré vingt réputations ; vois cette pénitente à figure d’hyène affamée, cramponnée à tous les confessionnaux, ouvrière d’épouvante et provocatrice de malheur, qui travaille, dix heures par jour, à se confectionner un cilice avec de la corde de pendu ; et cette autre, mangeuse d’innocences et mangeuse d’eucharistie, qui n’a pas d’égale pour flairer les cœurs en putréfaction. Vois cette propriétaire, soularde et omnipotente, mais précieuse et sans couture, qui se pourlèche en songeant à l’agonie des locataires malheureux qui s’exterminent pour son estomac de vautour femelle et pour son boyau culier. Vois ces rangs de mouflons et de tapirs, ces fanons, ces crêtes, ces caroncules de commerçants estimables et recueillis. Mais surtout — oh ! je t’en prie — vois ces vierges de bourgeois, ces jeunes filles du monde aspirant au ciel, dont l’âme blanche est pleine de chiffres et de marchandises restées pour compte jusqu’à ce jour. Élevées avec une attention méticuleuse par leurs parents alignés et immobiles derrière elles, — comme des barriques sur le quai d’un entrepôt — elles n’ont plus rien à apprendre du côté de la pureté ni du côté de l’arithmétique. Il ne leur manque vraiment que du sang à boire, du sang humain de première marque et c’est précisément ce que tu leur donnes.
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Ah ! l’évangélisation des sauvages, la dilatation et l’accroissement en eux de l’Église, choses voulues si passionnément par le Christophore, que nous en sommes loin ! Pas même un semblant d’équité rudimentaire, pas un tressaillement de pitié seulement humaine pour ces malheureux. C’est à trembler de la tête aux pieds de se dire que les belles races américaines, du Chili au nord du Mexique, représentées par plusieurs dizaines de millions d’Indiens, ont été entièrement exterminées, en moins d’un siècle, par leurs conquérants d’Espagne. Ça c’est l’idéal qui ne pourra jamais être imité, même par l’Angleterre, si colonisatrice pourtant.

Il y a des moments où ce qui se passe est à faire vomir les volcans. On l’a vu, à la Martinique et ailleurs. Seulement le progrès de la science empêche de comprendre et les horreurs ne s’arrêtent pas une seule minute. Pour ne parler que des colonies françaises, quelle clameur si les victimes pouvaient crier ! Quels rugissements, venus d’Algérie et de Tunisie, favorisées, quelquefois, de la carcasse du Président de notre aimable République ! Quels sanglots de Madagascar et de la Nouvelle-Calédonie, de la Cochinchine et du Tonkin !
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« Grande Dame, dit Christophe Colomb à Isabelle, dans l’Atlantide de Verdaguer, donnez-moi des navires et, l’heure venue, je vous les rendrai avec un monde à la remorque. » Il les obtint, ces petits navires dont on aurait pu garder les débris comme d’impayables trésors, leur bois étant le plus précieux qu’il y eût sur terre, après celui de la Croix du Christ et pour la même raison. Il les obtint, comme on sait, après dix-huit années de supplications dans toutes les contrées de l’Europe et ce fut la mort qu’il apporta au monde indien, dans ses mains ineffablement paternelles.

On lui changea son œuvre dès le premier jour. On fit des ténèbres avec sa lumière et quelles ténèbres ! On se soûla du sang de ces innombrables fils et ce qui restait de ce sang, ce dont les chacals et les chiens du vomissement ne voulaient plus, on le recueillit dans le creux des mains, dans des pelles de mineurs, dans des écopes de bateliers, dans les coupes de la débauche, dans les deux plateaux de la justice prostituée, dans les calices mêmes des saints autels et on l’éclaboussa de la tête aux pieds ! On contraignit cette Colombe amoureuse à piétiner, ainsi qu’un corbeau, dans le pourrissoir des assassinés. L’orgie des avares et des sanguinaires enveloppa la montagne de son sourcilleux esprit comme d’un tourbillon de tempêtes, et ce fut la solitude la plus inouïe sur cet amoncellement de douleurs !

Christophe Colomb avait demandé qu’aucun Espagnol ne pût aborder aux terres nouvelles, à moins qu’il ne fut certainement chrétien, alléguant le but véritable de cette entreprise, qui était « l’accroissement et la gloire de la religion chrétienne ». On vida pour lui les prisons et les galères. Ce furent des escrocs, des parjures, des faussaires, des voleurs, des proxénètes et des assassins qu’on chargea de porter aux Indes l’exemple des vertus chrétiennes. Lui-même fut accusé de tous les crimes et la hideuse crapule qu’on lui envoyait fut admise a témoigner contre cet angélique Pasteur qui voulait défendre son troupeau, et dont le principal forfait avait été d’attenter à la liberté du pillage et de l’égorgement.

Il fut enfin dépossédé, exproprié de sa mission et, pendant plusieurs années, put assister, lié et impuissant, à la destruction de son œuvre. Ses illégitimes et cupides successeurs remplacèrent aussitôt la Paternité par l’Ergastule et l’évangélisation pacifique par le cruel système des repartimientos, qui fut l’arrêt de mort de ces peuples infortunés.
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Je me suis demandé souvent quelle pouvait être la différence entre la charité de tant de chrétiens et la méchanceté des démons.
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Il n’y a qu’un moyen de ne pas détrousser les autres, c’est de se dépouiller soi-même.
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Le riche est une brute inexorable qu'on est forcé d'arrêter avec une faux ou un paquet de mitraille dans le ventre...

Il est intolérable à la raison qu'un homme naisse gorgé de biens et qu'un autre naisse au fond d'un trou à fumier. Le Verbe de Dieu est venu dans une étable, en haine du Monde, les enfants le savent, et tous les sophismes des démons ne changeront rien à ce mystère que la joie du riche a pour subsistance la douleur du pauvre. Quand on ne comprend pas cela, on est un sot pour le temps et pour l'éternité !
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Promenons-nous parmi les tombes. Beaucoup sont incultes, abandonnées tout à fait, arides comme la cendre. Ce sont celles des très pauvres qui n'ont pas laissé un ami chez les vivants et dont nul ne se souvient. On les a fourrés là, un certain jour, parce qu'il fallait les mettre quelque part. Un fils ou un frère, quelquefois un aïeul, a fait la dépense d'une croix, puis les trois ou quatre convoyeurs ont été boire et se sont quittés sur de pochardes sentences. Et tout a été fini. Le trou comblé, le fossoyeur a planté la croix à coups de pioche et a été boire à son tour. Aucun entourage n'a jamais été ni ne sera jamais posé par personne pour marquer la place où dort ce pauvre qui est peut-être à la droite de Jésus-Christ... Sous le poids des pluies, la terre s'est affaissée et les pierres sont sorties en si grand nombre que même les chardons ne peuvent y croître. Bientôt la croix tombe, pourrit sur le sol, le nom du misérable s'efface et n'existe plus que sur un registre de néant...
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