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Citations sur Les différentes régions du ciel (24)

Ce n'était pas une histoire. Il ne s'y passait rien. Que le vent, les brumes satinées de l'aube, la traîne mordorée des saisons. Les bouquets de buée ou de lilas sur le coin des fenêtres. Nous ne sortions que très peu, et souvent pour fuir la ville, pour aller dans les campagnes et nous y regarder comme dans une glace, voir sur les arbres, les herbes et les eaux les progrès de notre amour. Il nous suffisait de frôler les choses pour qu'elles soient un instant embellies par notre fièvre, gagnées par la même paix, par le même mal. Des rues, des quartiers, nous ne fréquentions que les eaux souterraines, profondes. Ruelles, passages dérobés à la nonchalance des promeneurs, à leur vision distraite et pressée, cours intérieures, jardins suspendus, en nacelles, en corbeilles, en volières. Rien ne nous arrivait, que l'essentiel.
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C'est avec le stylet que tu m'avais offert, et dont j'usais pour ouvrir les pages de ces vieux livres que j'aimais tant, que je viens, doucement, de m'ouvrir les veines. Je n'ai pas relevé les manches de ma robe. La lame s'est enfoncée d'abord dans le tissu, puis dans la peau, enfin dans la chair profonde. Je suis allée du plus lointain au plus proche. La résistance diminuait progressivement, devenait bientôt nulle : j'ai très bien senti le sang surgir, ruisseler, tiède comme un duvet, comme une écume de mûres ou de framboises. Comme une fleur qui se déploye, légèrement incisée par le premier soleil.
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Vous ouvrez le livre un vendredi soir, vous atteignez la dernière page un dimanche dans la nuit. Après il faut sortir, retourner dans le monde. C'est difficile. C'est difficile d'aller de l'inutile, la lecture, à l'utile, le mensonge.

(Une petite robe de fête)
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Tu n'entrais pas en moi aussitôt. Tu goutais d'abord l'odeur et les sucs qui étoilaient ma peau. Membrane de libellule que tu ne rompais pas, que tu ne froissais pas. Que tu buvais. Parfums et sucs du temps au-delà du temps. Velours, soies, draperies de lys. Ton odeur épousait la mienne, s'y fondait. Tu frémissais et t'émouvais de ce que tu ne dévorerais pas, de ces saveurs de mets, de ces gâteaux de rosée et de sang qui s'offraient aux yeux, qui se donnaient tout entiers en ne livrant que leur ordonnance visible, leur secrète essence...
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Je sens mon visage s'éclairer comme si le livre sur lequel je me penche était une bougie.
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Dieu aime parler à travers des bouches édentées, c'est son charme. p. 680 "Les ruines du ciel" (2009)
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Toute notre vie n'est faite que d'échecs et ces échecs sont des carreaux cassés par où l'air entre.
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Deux sortes de paradis : venir en aide à quelqu'un et lire un livre.
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La porte rouge



Je marchais dans la rue des Martyrs au Creusot, comblé par la vue d’une mousse sur un muret et des écailles de peinture brune sur une porte. Une ville n’est jamais plus belle que dans ce qu’elle a de fatigué. Le petit soleil blanc de l’automne me montait à la tête. Le dentiste m’attendait. Il me fallait d’abord passer devant un magasin de bonbons à l’enseigne de « La Chique », puis tourner dans une impasse au fond de laquelle brillaient des merveilles oubliées - vieux garages aux murs de briques vineuses, hautes herbes jaunes dansant leur sabbat. Ensuite grimper un escalier étroit comme une certitude, entrer et m’asseoir devant une table proposant ses journaux flétris. J’avais emmené avec moi un livre du poète Jean Follain. Une lumière de vin de paille traversait les vitres imprécises de la salle d’attente. Tout ce que nous vivons espère être nommé. La lumière du ciel venait au Creusot chercher son nom dans le livre d’un poète mort à Paris le 10 mars 1971 à minuit dix, renversé par une voiture, quai des Tuileries. La poésie dispute ses proies aux ténèbres. Tout ce qu’elle touche s’enflamme. Elle le touche à peine, du bout des doigts, femme impure des Évangiles qui effleure la frange du manteau du Christ et s’en découvre guérie. Chaque seconde est éternelle. Le dentiste, m’appelant par mon nom, ouvrait la porte et s’effaçait, préfigurant le geste qu’aura l’ange au jour ordinaire de ma mort pour me laisser passer.


p.746
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Le monde plaque l' oreiller de ses joies sur mon âme jusqu'à ce qu'elle étouffe.
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