« Ce que vous appelez le destin n'est rien d'autre qu'une volonté mêlée de chance et de ténacité. de courage aussi. »
Quand l'époque privilégie davantage l'autofiction comme socle des premiers romans,
Stéphanie Bodin a pour sa part choisi la biographie romancée de
Joséphine Baker dans
Soleil d'éternité. Un choix audacieux au regard de la multiplicité des regards biographiques déjà parus sur le sujet.
Mais en s'affranchissant du récit linéaire et en s'invitant sans excès dans les pensées de son personnage, l'auteure réussit haut
la main ce travail d'équilibriste, trouvant après un démarrage hésitant, un rythme particulièrement agréable à suivre.
De Saint-Louis dans le Missouri à Milandes en Dordogne, on suit ainsi Joséphine à New-York, Paris et tout autour du monde, la danse chevillée au corps depuis l'enfance et le spectacle comme échappatoire à la misère familiale qui lui est aussi promise.
Un parcours en forme de combat, porté par la rage de l'élévation et l'inarrêtable volonté de ne pas accepter ce qui est refusé à sa race à une époque où « le divertissement nègre » réjouit les foules en Amérique, mais où ceux qui le pratiquent restent des artistes de rang inférieur.
Et puis il y a cette deuxième partie de vie où Joséphine décide que la gloire ne peut être suffisante si elle ne rend pas ce qu'elle a obtenu. Après avoir multiplié les hommes (Pepito, Lion, Menier,
Simenon, Bouillon…), ce sont les enfants qu'elle adoptera en nombre dans un projet dont la générosité non maîtrisée la plongera dans une vieillesse injuste.
Dans son approche de Joséphine, l'écriture de
Stéphanie Bodin ne peut cacher l'immense empathie qu'elle lui inspire, s'invitant dans ses pensées tout en tentant de ne pas la trahir en allant trop loin dans l'invention. Une question d'équilibre à nouveau…
Une empathie qui touche à la sororité, tant c'est finalement ce personnage de femme qui se bat contre tous les plafonds qu'on veut lui imposer, que cherche à magnifier l'auteure. Ou contre tous les obstacles qui surgissent systématiquement dès que la vie de Joséphine semble, un temps, s'apaiser.
Un mot enfin sur la lumière, le soleil, le ciel et la lune, omniprésents dans le livre et quête métaphorique de Joséphine. Des thèmes qui ne surprendront pas ceux qui derrière
Stéphanie Bodin auront reconnu la blogueuse Moon Palaace, passée de l'autre côté du miroir.
Un passage réussi qu'on a maintenant envie de retrouver dans un prochain livre, plus personnel, pour voir davantage se libérer quelques jolis effets de style entrevus dans ce
Soleil d'éternité.