Emmène-moi dans le village, là où maman est née. Là où le léopard dort dans les bras du boa. Où les femmes ont des robes qui ressemblent à des soleils fous. Elles nous feront des signes de sous leurs ombrelles faites de plumes de paon. Et les messieurs qui les tiennent par le bras nous feront des sourires d'ivoire en nous montrant du doigt le cimetière des grand éléphants.
Emmène-moi dans le village, là où maman est née, là où papa est un sage.
Je veux écrire pour être avec les autres. Ceux que j'ai connus. Ceux que je vais connaître. Ceux que je ne connaîtrai jamais. Je veux écrire pour être meilleur humain. Pour éviter la disgrâce.
Je voulais remonter les rivières, me perdre dans le vert. Je voulais le silence aussi. Le bord intime des rivières. Le bord du ventre des femmes. L'ombre divine. La peau, turbulence de l'âme. Vouloir voir. Et toucher. Vite. Comme une brûlure. Avant d'être aveugle.
Si le cœur est bien là. Faut se garder. C'est du bon kif d'humain. Dès que c'est coupé, faut en replanter. C'est mon idée. Faut se garder. Faut savoir qu'on est des milliers. Comme des champs de blé. Des milliers à s'aimer. Des milliards à pas le savoir.
Les mots, arriver à les foutre sur le papier. Y'a des fois en pleine trajectoire, à fond la caisse dans la phrase, t'éclates, tu déjantes, et cette foutue phrase cahote dans l'herbage pour finir comme une conne loin du rivage.
Un jour ou l'autre, on le fera en haut, là haut, ce qu'on n'a pas fait en bas, tout en bas. Ton absence m'est souvent invivable, Papa. Y'a un truc qu'a déconné dans notre histoire.
Je suis pas un gars de la syntaxe. Je suis de la syncope. Du bouleversement ultime. Je me fous du verbe et de son complément. Faut pas faire le malin avec les mots. Faut les aimer. Ça file du bonheur, les mots.
Je veux écrire pour être avec les autres. Ceux que j'ai connus. Ceux que je vais connaître. Ceux que je ne connaîtrai jamais. Je veux écrire pour être meilleur humain. Pour éviter la disgrâce.
Coucou, papa, t'es là ?
C'est vrai que tu me manques. Je pourrais me confier si t'étais là. (...)
Coucou, papa, on aurait fait du cerf-volant. Toute la vie. T'aurais tout su faire, j'aurais été ébloui. T'aurais rien su faire, j'aurais aimé ton odeur d'after-shave le matin. (...) Je t'aurais aimé, je t'aurais protégé, je t'aurais compris.
Coucou, papa. Je t'aurais vu tourner autour de maman chaque soir avec la même envie, avec le même amour qu'il y a trente ans.
T'es plus là.
Écrire
Écrire dans la chaleur du corps. Animal. Cinquante ans pépère. Grouille-toi de finir ta mélodie. Voilà les grandes orgues. Ta pauvre tête d’accroché à la vie voudrait accoucher du son bleu de l’oiseau bariolé. Cherche-le bien. L’amour toujours l’amour. Gonzesse nana. Une seule toujours.
Voilà des jours que je n’ai pas écrit. Comme un con. Je vais écrire sur le bonheur possible. Je serais un menteur. Non.
Emmène moi dans le village, là où maman est née. Là où le léopard dort dans les bras du boa. Où les femmes ont des robes qui ressemblent à des soleils fous. Elles nous feront des signes de sous leurs ombrelles faites de plumes de paon. Et les messieurs qui les tiennent par le bras nous feront des sourires d'ivoire en nous montrant du doigt le cimetière des grands éléphants.