Se représente-t-on un écrivain composant son œuvre, (œuvre qui ne peut avoir de vie que pour autant qu'il y ait mis son âme à lui, sa passion à lui, ses sentiments à lui, ses visions à lui,) se représente-t-on un écrivain ne s'abandonnant à ses passions et n'écoutant le chant de ses rêves, qu'après s'être assuré qu'ils se trouvent exprimés d'une façon similaire dans les tragiques antiques revues et corrigées suivant "les bienséances françoises" et la morale jésuitique !
Les héros des Corneille et des Racine sont d'intolérables pédants, qui ne vivent que pour faire hors de propos des discours en trois points, dans lesquels il leur arrive sans doute d'être éloquents, corrects et habiles - autant que peut l'être un bon rhétoricien - mais dans lesquels il ne leur arrive jamais d'être naïfs, insensés, puérils, de balbutier des choses folles, de sangloter des choses navrantes, comme le fait la Nature, comme le fait la Passion, comme le fait la Vie.