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Citations sur Les Détectives sauvages (32)

Un temps la Critique accompagne l’Œuvre, ensuite la Critique s’evanouit et ce sont les Lecteurs qui l’accompagnent. Le voyage peut etre long ou court. Ensuite les Lecteurs meurent un par un et l’Œuvre poursuit sa route seule, meme si une autre Critique et d’autres Lecteurs peu à peu s’adaptent a l’allure de son cinglage. Ensuite la Critique meurt encore une fois et les Lecteurs meurent encore une fois et sur cette piste d’ossements l’Œuvre poursuit son voyage vers la solitude. S’approcher d’elle, naviguer dans son sillage est signe indiscutable de mort certaine, mais une autre Critique et d’autres Lecteurs s’en approchent, infatigables et implacables et le temps et la vitesse les devorent. Finalement l’Œuvre voyage irremediablement seule dans l’Immensite. Et un jour l’Œuvre meurt, comme meurent toutes les choses, comme le Soleil s’eteindra, et la Terre, le Systeme solaire et la Galaxie et la plus secrete memoire des hommes. Tout ce qui commence en comedie s’acheve en tragedie.
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Quand je suis arrivé à la petite maison, je me sentais si fatigué que n'ai même pas allumé.
Je suis allé jusqu'au lit à tâtons, uniquement guidé par la lueur qui parvenait de la grande maison ou de la cour ou de la lune, je ne sais pas, je me suis laissé tomber à plat ventre, sans me déshabiller, et je me suis endormi instantanément.
Je ne sais l'heure qu'il était alors ni combien de temps je suis resté ainsi, je sais seulement que j'étais bien et que lorsque je me suis réveillé il faisait encore sombre et qu'une femme me caressait. J'ai mis un moment à rendre compte que ce n'était pas Maria. Pendant quelques secondes j'ai cru que je rêvais ou que je m'étais irrémédiablement perdu dans la vecindad, à côté de Rosario. Je l'ai enlacée et j'ai cherché son visage dans l'obscurité. C'était Lupe et elle souriait comme une araignée.
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8 novembre
J'ai découvert un poème merveilleux. De son auteur, Efren Rebolledo (1877-1929), on ne m'a jamais rien dit en cours de littérature. Je le recopie :

Le vampire

Tes boucles ténébreuses et lourdent coulent
sur tes blanches courbes comme un fleuve
et dans leur flot crépu et sombre je répands
les roses enflammées de mes baisers

Tandis que j'entrouvre les épais
anneaux, je sens le léger et froid
effleurement de ta main et un long frisson
me parcourir et me pénètre jusqu'aux os.

Tes pupilles chaotiques et farouches
étincellent au soupir
qui s'exhale et me déchire les entrailles,
et pendant que j'agonise, toi, assoiffée,
tu sembles un vampire sombre et obstiné
qui de mon sang ardent se repaît.

Quand je l'ai lu pour la première fois (il y a quelques heures), je n'ai pas pu m'empêcher de m'enfermer à clé dans ma chambre et de me mettre à me masturber tout en le récitant une, deux, trois, et jusqu'à dix ou quinze fois, en imaginant Rosario, la serveuse, à quatre pattes sur moi, me demandant de lui écrire un poème pour cet être cher et regretté, ou me suppliant de l'empaler sur le lit avec ma verge brûlante.
Une fois soulagé, j'ai pu me mettre à réfléchir sur le poème.
Le « flot crépu et sombre » n'offre, je crois, aucun doute quant à son interprétation. Il n'en est pas de même avec le premier vers du second quatrain : « Tandis que j'entrouvre les épais / anneaux », qui pourrait bien renvoyer à ce « flot crépu et sombre », aux boucles une par une étirées et démêlées, mais dont le verbe « entrouvrir » cache peut-être un sens différent.
« Les épais anneaux » ne sont pas très clairs non plus. S'agit-il des boucles de la toison pubienne, de celles de la chevelure du vampire ou s'agit-il de différents accès au corps humain ? En un mot, est-il en train de la sodomiser ? Je crois que la lecture de Pierre Louÿs me tourne encore dans la tête.
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Voici quelque chose sur l’honneur des poetes. J’avais dix-sept ans et des desirs irrepressibles d’etre ecrivain. Je me suis prepare. Mais je ne suis pas reste a rien faire pendant que je me preparais, parce que j’ai compris que si c’etait ce que je faisais jamais je ne triompherais. De la discipline, un certain charme complaisant, voila les cles pour arriver la ou l’on veut arriver. La discipline. Ecrire chaque matin au moins six heures. Ecrire chaque matin et corriger l’apres-midi et lire comme un possede le soir. Le charme ou charme complaisant : rendre visite aux ecrivains dans leurs demeures ou les aborder au cours des presentations de livres et leur dire a chacun juste ce qu’ils veulent entendre. Ce qu’il veut desesperement entendre. Et avoir de la patience, car ca ne fonctionne pas toujours. Il y a des salauds qui vous donnent une tape dans le dos et ensuite on se connait je ne me souviens pas. Il y a des salauds durs et cruels et mesquins. Mais ils ne sont pas tous comme ca. Il faut avoir de la patience et chercher. Les meilleurs sont les homosexuels, mais attention, il faut savoir a quel moment s’arreter, il faut savoir precisement ce que l’on veut, sinon on finit par se faire enculer gratis par n’importe quel vieux pede de gauche. Avec les femmes c’est aux trois quarts la meme chose : les femmes ecrivains espagnoles qui peuvent donner un coup de pouce sont agees et moches et le sacrifice parfois ne vaut pas la chandelle.
[...]
Comme tant d’autres Mexicains, moi aussi j’ai abandonne la poesie. Comme tant de milliers de Mexicains, moi aussi j’ai tourne le dos a la poesie. Comme tant de centaines de milliers de Mexicains, moi aussi, l’heure venue j’ai cesse d’ecrire et de lire de la poesie. Ah partir de ce moment ma vie a suivi le cours le plus triste qu’on puisse imaginer.
[...]
Tout ce qui commence comme comedie finit comme monologue comique, mais nous ne rions plus.
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Un jour je lui ai demande où est-ce qu’il était alle. Il m’a dit qu’il avait suivi un fleuve qui relie le Mexique a l’Amerique centrale. Que je sache, ce fleuve n’existe pas. Il m’a dit, pourtant, qu’il avait suivi ce fleuve et qu’il pouvait dire maintenant qu’il connaissait tous ses meandres et affluents. Un fleuve d’arbres ou un fleuve de sable ou un fleuve d’arbres qui par endroits se transformait en un fleuve de sable. Un flux constant de gens sans travail, de pauvres et de creve-la-faim, de drogue et de douleur. Un fleuve de nuages sur lequel il avait navigué pendant douze mois et sur le cours duquel il avait trouvé d’innombrables iles et peuples, meme si toutes les iles n’etaient pas peuplees, et où parfois il a cru qu’il allait rester vivre pour toujours ou qu’il allait mourir. De toutes les iles visitees, deux etaient prodigieuses. L’ile du passe, a-t-il dit, où n’existait que le temps passe et dont les habitants s’ennuyaient et étaient raisonnablement heureux, mais où le poids de l’illusion était tel que l’ile s’enfonçait chaque jour un peu plus dans le fleuve. Et l’ile du futur, où le seul temps qui existait etait le futur, et dont les habitants étaient reveurs et agressifs, si agressifs, a dit Ulises, qu’ils finiraient probablement par se bouffer les uns les autres.
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Je leur ai demande si Germán ou Arqueles ou Manuel leur avaient raconte en quoi consistait mon travail, comment je gagnais quotidiennement mes pesos. Et ils ont dit non, Amadeo, de ca ils ne nous ont rien dit. Et alors je leur ai dit, tres fier, que j’ecrivais, et je crois que j’ai ri ou que j’ai tousse quelques bonnes secondes, moi je gagne ma vie en ecrivant, les gars, je leur ai dit, dans ce pays de merde Octavio Paz et moi on est les seuls a gagner notre vie de cette facon. Et eux, evidemment, ils ont garde un silence emouvant, si on me permet l’expression. Le genre de silence que Gilberto Owen gardait, d’apres ce que les gens disaient. Alors je leur ai dit, toujours en leur tournant le dos, toujours le regard fixe sur le dos de mes livres : je travaille a cote, sur la place Santo Domingo, j’ecris des requetes, des demandes et des lettres, et j’ai ri de nouveau et la poussiere des livres s’est envolee sous la vigueur de mon rire,
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La poesie arrive jusque-là, cette mauvaise catin qui m’a accompagne traitreusement durant tant d’annes. Olet lucernam. Maintenant il serait opportun de raconter deux ou trois blagues, mais il ne m’en vient qu’une seule, comme ca, sur le coup, et qui plus est une blague sur les Galiciens. Je ne sais pas si vous la connaissez. Il y a un type et il se met à marcher dans un bois. Moi-meme, par exemple, je suis en train de marcher dans un bois, comme le Parco di Traiano ou comme les Terme di Traiano, mais en sauvage et sans autant de deforestation. Et ce type est en train, moi je suis en train de marcher dans la foret et je tombe sur cinq cent mille Galiciens qui sont en train de marcher et de pleurer. Et alors je m’arrete (gentil geant, geant curieux une derniere fois) et je leur demande pourquoi ils pleurent. Et l’un des Galiciens s’arrete et me dit : parce que nous sommes seuls et que nous nous sommes perdus.
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Il y a une littérature pour les moments où on s'ennuie. Elle est abondante. Il y a une littérature pour les moments où on est calme. C'est la meilleure littérature, je crois.
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Les gens qui étaient là parlaient en hurlant. Certains accompagnaient en chantant la mélodie de l’aveugle, un boléro ou c’est ce qu’il m’a semblé, où il était question d’un amour désespéré, un amour que les années ne pouvaient éteindre, mais par contre rendre plus indigne, plus ignoble, plus atroce. Lima et Belano avaient trois livres chacun et avaient l’air d’étudiants comme moi. Avant de partir nous sommes approchés du comptoir, épaule contre épaule, nous avons commandé trois Tequilla que nous avons bues cul sec et ensuite nous sommes sortis dans la rue en riant. En quittant l’Encrucijada, j’ai regardé en arrière une dernière fois avec le vain espoir de voir apparaître Brigida à la porte de la réserve, mais je ne l’ai pas vue.
Les livres d’Ulises Lima étaient :
Manifeste électrique aux paupières de jupes, de Michel Bulteau, Mathieu Messagier, Jean-Jacques Faussot, Jean-Jacques N’Guyen That, Gyl Bert-Ram-Soutrenom F.M., entre autres poètes du Mouvement électrique, nos homologues français (j’imagine).
Sang de satin, de Michel Bulteau.
Nord d’été naître opaque, de Mathieu Messagier.
Les livres d’Arthuro Belano étaient :
Le parfait criminel, d’Alain Jouffroy.
Le pays où tout est permis, de Sophie Podolski.
Cent mille milliards de poèmes, de Raymond Queneau. (Ce dernier était photocopié et les coupures horizontales que laissait voir la photocopie, et l’usure propre à un livre excessivement manipulé, en faisait une espèce de fleur de papier étonnée, avec les pétales hérissés vers les quatre points cardinaux).
Plus tard nous avons rencontré Ernesto San Epifanio, qui avait aussi trois livres. Je lui ai demandé de me laisser en prendre note. C’étaient :
Little Johny’s Confession, de Brian Patten.
Tonight at noon, d’Adrian Henri.
The Lost Fire Brigade, de Spike Hawkins.
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Ensuite je me suis mis à penser à l’abîme qui sépare le poète du lecteur et lorsque j'ai voulu le sonder j'étais déjà profondément déprimé.
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