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Critique de mfrance


Biographie de Clara Malraux, vraiment ? Eh bien non, il s'agit ici, beaucoup plus justement, d'une biographie croisée de Clara et André Malraux, analysant très précisément leur vie commune, puis après leur rupture, détaillant l'existence de Clara, marquée à tout jamais par l'absence de l'homme de sa vie.

Bien sûr, Dominique Bona conte l'enfance de Clara Goldschmidt, née au sein d'une famille juive très aisée, ayant ses racines en Allemagne à Magdebourg, où elle retrouvera chaque année sa grand-mère à laquelle elle est très attachée, ce qui lui permettra d'être parfaitement bilingue.
Très intelligente, cultivée, pleine d'humour et de fantaisie, franche et ouverte, volubile et pleine d'ironie, elle pétille.
Mais on a l'impression que sa vie ne commence vraiment que lors de sa rencontre avec André Malraux, subjuguée qu'elle est, quasiment au premier regard par ce fougueux jeune homme de dix-neuf ans, amoureux d'art et de poésie, intelligent et stupéfiant d'érudition, déjà sur le point de publier un premier ouvrage « lunes en papier ». Clara est éblouie !
Tous deux vont très vite se marier et mener joyeuse vie, oisive et axée sur la culture. André, s'improvisant gestionnaire de la fortune de son épouse, va, à la suite de placements hasardeux, mener le couple à la ruine. Mais qu'à cela ne tienne, pour se refaire, André Malraux a une solution toute trouvée : se rendre au Cambodge, piller un temple khmer, et en vendre les bas-reliefs, ce qui permettra de vivre tranquillement pendant quelques années ! Sitôt dit, sitôt fait. le couple Malraux va alors se lancer dans une aventure parfaitement rocambolesque, menée au mépris de toute prudence, comme s'il était normal de se livrer ainsi au pillage ! Bien entendu, ils seront arrêtés mais simplement placés en résidence surveillée en attendant le procès !
Clara, libérée, de retour à Paris, va alors jouer des pieds et des mains pour sauver André de la prison, ce que, grâce à son énergie, elle parviendra à faire, sans pour autant recevoir le moindre remerciement de son homme !
J'avoue avoir été extrêmement choquée, par la légèreté de Malraux qui s'est comporté comme un aventurier sans scrupules tout au long de cette aventure, lui qui, quelques décennies plus tard, va être totalement inféodé au général De Gaulle et devenir une des personnalités les plus en vue de son gouvernement, en temps que Ministre de la Culture !

Mais cette mésaventure n'empêchera pas le couple de retourner en Indochine. Là, Malraux fondera un journal, bien entendu très critique vis à vis du gouvernement colonial, et tous deux vont s'ingénier à le faire vivre, ce qu'ils parviendront à réaliser durant quelques mois. Et c'est de cette époque que Malraux tirera matière pour écrire le premier de ses quatre « romans asiatiques » « les conquérants », ce qui va susciter l'admiration de Clara, enflammée par l'imagination débordante de l'écrivain, mais également la troubler profondément, par la propension de l'auteur à transformer la réalité et à l'enrichir de ses inventions, alors qu'elle ne conçoit que la sincérité !

A partir de ce moment, elle va exercer son ironie à l'encontre de son mari et leur compagnonnage va peu à peu tourner à l'aigre.
En effet, Malraux, désormais écrivain à succès, fréquente des cénacles, dont les femmes sont exclues, car les femmes, ces êtres inférieurs, n'y ont pas leur place ! Ce, qu'en temps que parfait misogyne, il trouve tout à fait normal. Il va donc peu à peu s'éloigner de Clara dont il supporte de plus en plus mal la présence qu'il juge envahissante.... alors qu'il souhaite paix et douceur, ce qu'il trouve auprès de sa maîtresse Josette Clotis !
La guerre d'Espagne, à laquelle il va participer va achever de défaire leur couple, laissant Clara désespérée.

Au cours de leurs quinze ans de vie commune, Clara s'est laissée étouffer par la personnalité écrasante de son mari, ne se consacrant qu'aux traductions. Seule, elle va enfin pouvoir laisser s'épanouir les ressources qui foisonnent en elle.
Dès 1941, elle se jettera fiévreusement dans la Résistance, se montrera acerbe vis à vis de Malraux qui, lui, ne s'engagera que début 1944. Les quatre romans qu'elle publiera seront tous d'inspiration autobiographique dans lesquels éclatera l'amour qu'elle lui porte encore. Cependant, elle réglera peu à peu ses comptes avec lui, en rédigeant ses mémoires où Malraux tient bien sûr une place de choix. Elle n'hésite pas, elle, à restituer la réalité de leur couple tout en pointant la mythomanie de son compagnon, ses mensonges et ses affabulations.
Ces mémoires s'intitulent « le bruit de nos pas » où passent les fantômes de tous ceux qu'elle a aimés et connus ainsi que le parfum d'une époque, car pour elle, l'écriture est témoignage et « On ne peut pas vivre en n'étant rien ».
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