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Critique de Warrenbismuth


Jorge Luis BORGES (1899-1986) est un poète argentin prolifique qui a grandement influencé la littérature internationale. Ce recueil de poésie parut en 1960 puis fut traduit en France à partir de 1965.

Poésie en prose sur la moitié de l'ouvrage, elle se mue soudain en vers libres. de petites historiettes en forme de mini scènes de vie (mais elles pourraient être issues de l'imagination de l'auteur) comprenant des touches historiques plus ou moins accentuées. Elles peuvent paraître parfois énigmatiques, dans une atmosphère fantastique, qui n'est pas sans rappeler le climat de Leopoldo LUGONES (1874-1938), lui-même argentin (le premier texte lui est d'ailleurs dédié) et déjà présenté sur ce blog.

BORGES rend hommage à des figures publiques, des célébrités disparues, avec une prééminence pour la silhouette de Jules CÉSAR. Ces morts célèbres apparaissent en revenants, de manière pouvant être gothique (on pense à Edgar Allan POE), surgissant des ténèbres de l'Histoire ancienne, celle des périodes obscurantistes, ou plus contemporaine. L'écriture, particulièrement envoûtante, est soignée, d'une précision totale, ramassée, expurgée à l'extrême. « Dans l'étable, presque à l'ombre de la nouvelle église de pierre, un homme aux yeux gris et à la barbe grise, étendu dans l'odeur des animaux, cherchait humblement la mort, comme on cherche le sommeil. le jour, fidèle à de vastes lois secrètes, déplace sans cesse et mélange les ombres dans l'humble enceinte. Dehors, des terres labourées, un caniveau aveuglé de feuilles mortes et quelque trace de loup dans la boue noire où commencent les bois. L'homme dort et rêve, oublié ».

Dans cette omniprésence de la mort se succèdent d'anciens dictateurs et héros fictifs, charpentés, parfois issus d'autres auteurs, comme ce portrait de Don Quichotte : « Vaincu par la réalité, par l'Espagne, don Quichotte mourut dans son village natal aux environs de 1614. Miguel de Cervantes lui survécut peu de temps. Pour l'un et pour l'autre, pour le rêveur et pour le rêve, cette trame entière consista dans l'opposition de deux mondes : le monde irréel des romans de chevalerie, le monde quotidien et banal du XVIIe siècle ».

Car ce sont bien des oppositions, deux mondes qui s'affrontent ici, l'ancien et le nouveau (du moins lors de la rédaction des poèmes), les êtres réels et ceux inventés de toutes pièces. Il est fort difficile de ne pas penser à l'univers onirique, païen et abstrait de Fernando PESSOA, dont l'ombre planant sur le texte « Borges et moi » pourrait bien être son double tout en se défendant d'être celui de BORGES : « Je ne sais pas lequel des deux écrit cette page ». Ambiance pouvant se faire mythologique, voire surréaliste, pour revenir sur terre, notamment grâce à la figure de Robert Louis STEVENSON. Et puis cette récurrence de l'apparition du tigre.

Textes brefs et empruntant à divers styles et diverses ambiances, ils sont puissants et mêlent savamment la réalité et un monde parallèle, peut-être, tout compte fait, pas si éloigné du nôtre. Recueil de grande qualité pouvant s'apparenter à une ouverture d'esprit originale dans le fond comme dans la forme.

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