Salim la serra contre lui. Il ne supportait pas de la voir souffrir ou s'inquiéter. Il avait besoin de son bonheur comme d'autres ont besoin d'oxygène. Elle devait être heureuse pour qu'il vive, c'était aussi simple que cela.
Elle passa la main sur son front, s’obligeant à respirer avec lenteur pour chasser le cauchemar qui pulsait encore dans chacune des fibres de son corps. Elle se leva sans bruit.
— Que t’arrive-t-il ? murmura Salim près d’elle.
— Un mauvais rêve. Je vais marcher un peu. Pour oublier…
— Je viens.
Ce n’était pas une question ni même une proposition. Aussi silencieux l’un que l’autre, ils s’éloignèrent du tas de cendres qui rougeoyait toujours. Ils n’avaient pas fait trois pas que la voix d’Edwin s’éleva. Parfaitement éveillée.
— Ne dépassez pas la limite des arbres.
Puis celle d’Ellana. Gouailleuse.
— Ni les autres.
Salim n’eut pas le temps de trouver une réplique.
— Les limites exister pour être dépassées !
— Et si vous fichiez la paix à ces jeunes gens ?
Chiam et Erylis ! Son cauchemar eût-il été moins prégnant, Ewilan aurait éclaté de rire.
"L'acier d'Edwin trouva le défaut de l'armure de vargelite et s'enfonça jusqu'à la garde dans le flanc du légionnaire qui s'écroula, mort avant d'avoir touché terre."
"Pour la première fois de sa vie, l'idée que tout était perdu envahit le maitre d'armes. "
Envol irrésistible
Lame nue au tranchant ardent
Promesse.
Nulle autre qu'Ewilan n'aurait été capable de changer de destination alors que son pas sur le côté avait commencé
J'ai vécu longtemps, beaucoup lu, étudié, pensé. Je sais désormais que je ne sais rien.
Elle savait qu'elle était à sa place en accompagnant Illian jusqu'à Valingaï. La force qui la poussait en avant et que, faute de mieux, elle appelait destin, le lui criait. Elle espérait simplement que cette force émanaitde l'affection qu'elle épouvait pour le petit garçon et n'était pas un courant l'entraînant vers l'avenir sombre qu'elle entrevoyait parfois. Elle revint vers le feu et s'assit près de Salim qui lui sourit et passa un bras sur son épaule. Elle se blottit contre lui. Elle avait conscience de ne pas toujours lui offrir ce dont il avait besoin, ce qu'il méritait, ces gestes, ces mots, ces regards qui sont le reflet de l'amour mais, là encore, elle ne se sentait pas totalement maîtresse de ses actes.
Alors il faudra qu'un jour je te parle de ces sentiments étranges qui bouillonnent en moi, de cet irrépressible besoin d'espace et de mouvement qui me pousse vers un avenir dont je sais qu'il ne se déroulera pas à Al Jeit. Je ne serai pas Sentinelle. Jamais.
La jeune fille se tenait devant la rivière. La force qui la maintenait debout, la certitude qui l'entraînait vers l'avant, était en train de disparaître, remplacée par une nouvelle conviction. Elle allait mourir, là, au bord de ce cours d'eau inconnu.
Elle ne verrait pas le matin.
Le monstre qui tissait sa toile dans son corps était plus fort qu'elle.
Aquarelle nicha sa tête dans le cou de sa maîtresse, souffla dans son oreille. Un souffle chaud. Un murmure. Un espoir.