le rire du juge jaillit avec une force singulière secouant tous les barreaux de sa cage thoracique, pliant son corps puis illuminant son visage pendant de longues minutes. Adil s’abandonnant enfin à la gaieté, qui le rendait presque beau.
D’ordinaire, la jeune femme ne pouvait s’endormir sans avoir tourné quelques pages. Les mots -croyait-elle- constituaient un rempart contre les mauvais rêves.
Rien de mieux que les jolis mots pour apaiser les maux hideux.
Bouleversée, la petite Iliade avait rangé les volumes à leur place et pris la résolution de ne jamais plus lire à voix haute. Elle estimait qu’il y avait là quelque chose de dangereux. Arracher les phrases des livres, c’était peut-être pire que de cracher du feu. C’était comme sortir des perles d’un coffret qui ne lui appartenait pas. L’envol des mots était un vol et la lecture orale un plaisir coupable. Point à la ligne.
Si j'aime les livres, ce n'est pas pour l'évasion qu'ils me procurent, c'est parce qu'ils rendent claires les pensées humaines qui autrement sont troubles, décousues et intempestives.
J'ai besoin de me détacher des classiques, de me libérer du poids des génies. Il me faut pour cela suivre ma voie et arracher les phrases qui dansent en moi plutôt que de ressasser celles qui hantent les livres des autres.
Comme Adil cultive la terre, je cultive désormais mes propres mots. J'ai décidé de construire mon histoire, mon roman. Je vis enfin... j'écris !
Elle essuya la buée de ses lunettes, les replaça sur son nez et réprima un cri de surprise. Le juge était nu.
- Je vous rejoins dans la bibliothèque. Laissez-moi quelques minutes.
Il avait dit cela d'un ton calme et posé. Malgré la situation, il ne s'était nullement réparti de son imperturbable dignité, qu'il avait chevillée au corps. Un corps puissant qu'Iliade ne pu s'empêcher de détailler. La vapeur avait rendu sa peau halée scintillante. Elle se fit la réflexion qu'il était loin d'être hideux. On pouvait même avancer qu'il était beau. Attirant. Oui, c'était le mot exact.
Il se racla la gorge bruyamment. Le visage et le coeur en feu, Iliade s'échappa de la salle d'eau.
Toute lecture est une représentation. Je donne mon propre sens à ce que je lis.
[...] elle passa entre les rayons pour effleurer le dos des livres familiers. [...] C'était comme entrer dans pâtisserie où tous les gâteaux seraient gratuits !
Je suis convaincu que la lecture est la clé de la connaissance et de la réussite.