C'est un petit roman (comparé au Maître et Marguerite) du grand
Boulgakov , roman qui aurait du être publié en 1925, avant que la chape de l'horreur stalinienne ne vienne s'abattre, mais qui sera quand même interdit par la censure de l'époque.
Il faut dire que ce roman au caractère fantastique et complètement burlesque, dans la lignée d'un
Gogol, dresse un portrait sans concession de cette époque, où la bêtise et la corruption faisaient bon ménage, où des êtres opportunistes et sans scrupules se mettaient à la tête de comités dits prolétaires pour conquérir un petit pouvoir.
Boulgakov nous raconte, avec l'ironie mordante qui le caractérise, une histoire improbable dans laquelle un pauvre chien errant et maltraité dénommé Bouboul deviendra le sujet d'une « première » chirurgicale mondiale réalisée par un chirurgien que l'on qualifierait de nos jours de chirurgien esthétique, Philippe Philippovitch Transfigouratov (sic). Ce dernier, un expérimentateur infatigable, va greffer à Bouboul les testicules et l'hypophyse d'un homme qui vient de décéder (et dont on apprendra que c'était un délinquant et un ivrogne).
Bouboul deviendra en quelques semaines un homme, mais quel homme!, ce Polygraphe Polygraphovitch Bouboulov! , grossier, brutal, lâche, et qui, en s'alliant au Président du Comité de Quartier, se retournera contre son chirurgien qui regrettera d'avoir joué les apprentis sorciers, jusqu'à un retournement final dont je ne dirai rien. Bref, une sorte de variation loufoque sur le thème de Frankenstein. Et c'est mené rondement à la façon d'une pièce de théâtre, avec d'autres personnages hauts en couleurs, l'Assistant Bormenthal, la servante Zina, la cuisinière Daria Petrovna, etc…et avec des scènes parfois désopilantes, parfois d'une ironie cruelle.
Mais
Coeur de Chien, c'est aussi une critique en règle de la bêtise de cette société mesquine qui se met en place, de cet Homo Sovieticus qui ne fera pas rêver. …Et dont
Boulgakov souffrira toute sa vie.
Bien sûr, on doit concéder que ce roman ne se hisse pas à la hauteur du chef-d'oeuvre absolu qu'est
le Maître et Marguerite, mais, c'est quand même une oeuvre unique, ce «
Coeur de Chien », Et vous le valez bien! cher
Mikhaïl Boulgakov.